Deuxième tome du très félin détective privé Blacksad, deuxième claque prise par Le Tigre. Exit la jungle urbaine de New-York des années 50 et bienvenue la guerre entre groupes ethniques. Plus prosaïquement, blancs vs. noirs. Un ouvrage de qualité, fort dommage que ça ne dépasse pas 60 pages, ça se lit définitivement trop vite.
Il était une fois…
Dans un quartier (Le Tigre ne sait où) un peu craignos, deux groupes s’affrontent : les « Arctics » contre les « Black Claws ». Notre héros John (le chat avec ses nombreuses vies) se voit charger de trouver la toute jeune Kayleigh, disparue depuis peu. En pleine guerre des gangs qui n’est pas sans rappeler les pires luttes raciales des États-Unis des années 60, Blacksad qui n’est accepté par aucun des groupes va lever quelques petits secrets bien glauques.
Critique de Blacksad : Artic-Nation
Le Tigre est rarement (pour ne pas dire jamais) déçu par les Blacksad, et encore une fois s’est régalé. L’enquête va au-delà de la petite métisse qui ne donne plus de nouvelles, avec des histoires de luttes politiques (à un niveau certes local) et antagonismes bien plus personnels. Un nouveau personnage (qui pointera le bout de son museau à plusieurs reprises dans d’autre tomes) fait son apparition, à savoir un journaliste espiègle et finaud fort attachant.
L’atmosphère, même dans un autre environnement, reste délicieusement désuète. Ça sent furieusement le roman (voire film) noir U.S. d’après-guerre, avec des protagonistes pittoresques à la profondeur éprouvée. Le héros certes, mais les intervenants dégagent tous quelque chose de dur, dramatique et cynique (à part le journaliste sans doute). Des gueules comme on n’en voit dans les films du type Mississippi Burning. Ce chapitre s’applique à l’ensemble des Blacksad d’ailleurs.
Sur le dessin, encore un immense plaisir. Guarnido et son pote ont poussé encore plus loin d’association caractère / animal. Car les « Artic » (le nom fait référence au White power) sont représentés par des bêtes bien blanches, que ce soit une belle chienne, un ours ou un renard polaires. A l’inverse, le groupe d’en face a comme représentant des chevaux ou taureaux (les deux boss si me souviens bien), forcément noirs.
Si le très arbitraire Tigre ne met pas la meilleure note, c’est que contrairement au premier opus les ficelles m’ont semblé un peu grosses (cf. les différents thèmes). Certes abordés avec talent, mais rien qui soit d’une originalité renversante.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les luttes entre ethnies. Pour ne pas dire raciales. Artic-Nation, c’est un groupe d’illuminés affirmant que les animaux blancs (la plupart étant polaires) sont éminemment supérieurs. Cagoules Ku Klux Klan style, symboles de partout, face à eux l’équivalent animalier des Black Panthers. Ségrégation dans les endroits publics (bars par exemple), dangereuses échauffourées, Blacksad est à la croisée des chemins. Chat noir au museau blanc, tous trouvent quelques chose à lui reprocher.
Les faux-semblants. Il appert (ce verbe se perd) que certains protagonistes ont une jolie façade que notre chat fait savamment voler en éclat. Dans l’humour, il y a le journaliste (une fouine, forcément) qui se nomme Weekly. Parce qu’il publierait, à un rythme de métronome, un article par semaine. C’est ce qu’il prétend en tout cas… [Attention SPOIL]. Quant au chef des Artic, il a de quoi être inquiet. Délicieux jeune homme, il a bien mal tourné, jusqu’à faire de terribles concessions. Au final, la raison de tout ce bordel est une sombre histoire de famille, avec des relents d’inceste assez troublants. [Fin SPOIL]
…à rapprocher de :
– Le premier tome (Quelque part entre les ombres) met très bien dans l’ambiance, le troisième est beau mais m’a semblé moins réussi (Âme rouge), et le quatrième est une pépite (L’Enfer, le silence). Le cinquième, une déception (Amarillo).
– Pour se donner une idée de la ségrégation, il y a l’édifiant Dans la peau d’un Noir, de Griffin.
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