Le Tigre pose ses livres un instant et s’affuble d’une perruque de vieux juge américain pour s’occuper d’un procès maintes fois instruit. Celui qui oppose les deux principales maisons d’édition de comics. Sutra intensément subjectif et à qui il manque plus d’une case, cautious.
EXPOSE DES MOTIFS
Eu égard le nombre de comics que Le Tigre s’enfile chaque mois, DC Comics et Marvel ont conjointement saisi le félin pour qu’il se prononce, une bonne fois pour toute, sur ses préférences. J’ai donc créé, certes à la va-vite, une juridiction ad hoc vis-à-vis de laquelle n’existent aucune procédure écrite ni recours. Pas question de la décision tigresque fasse l’objet d’un appel, je n’ai pas que ça à foutre.
D’un côté, DC Comics, le plus ancien éditeur, appartenant au groupe Time Warner et ayant le Bat comme tête de proue. De l’autre côté, Marvel Entertainment et son homme-araignée, racheté par les bons soins de Disney qui voulait en faire un joli paquet de films.
Avant de démarrer le match à proprement parler, je vous présente rapidement la méthodologie juridique du Tigre. L’analyse des qualités et défauts de chacun s’effectuera en trois parties où un gagnant sera à chaque fois désigné. La bienveillante trinité commence par les héros les plus connus, ensuite l’univers général de l’éditeur, enfin les adaptations cinématographiques de ces personnages.
En effet, Marvel et DC ont surtout porté la guerre sur grand écran, Le Tigre se devait de prendre en compte ce paramètre.
MOTIFS
– sur les héros
Il m’est apparu que la grosse différence entre les protagonistes de ces maisons est la manière dont ils sont devenus des héros. Spiderman, les X-Men, Hulk, Thor et son frangin Loki, Captain America, Iron Man dans une moindre mesure (lui c’est un alcoolo à peine mondain), que des gus qui ont fait péter leur ADN soit par une expérience malheureuse, soit par l’évolution plus ou moins naturelle de l’espèce humaine. Or il en est différemment avec les individus DC dont certains se sont élevés à la force de leur seul poignet : Catwoman, Batman, même Superman qui, pour son espèce, semble être dans la normalité. Les héros de l’univers de l’homme chauve-souris, particulièrement, me paraissent plus réalistes et possèdent plus de faiblesses, sources d’intrigues assez savoureuses. Il en est de même des Watchmen.
En outre, les super-héros Marvel me donnent une désagréable impression : celle d’avoir affaire à des « objets vivants » utilisés ici et là selon leurs capacités. Je pense surtout aux X-Men ou aux antagonistes de Spiderman, chacun a sa propre capacité qui, comme par hasard, est invoquée au moment opportun. Quant aux Quatre fantastiques, alors là c’est carrément too much : un élastique, une pierre, un mec en feu, une guenon invisible, c’est un peu la pub Benetton des héros. Certes ça fait cogiter question travail d’équipe, mais un protagoniste, seul sans ses petits amis, et bah il a l’air bien con.
Que dans ces conditions, le résultat sera le suivant : Spiderman : 0 – 1 : Batman. Pour prendre les plus connus.
– sur les univers
Qu’est-ce qu’une bande de joyeux héros sans un environnement complet et immersif ? Là je ne m’y connais que très peu, si ce n’est que les thèmes traités par Marvel sont plus fouillés, pour ne pas dire philosophiques : Spiderman, c’est la transformation du corps qui fait écho à la puberté du jeune homme ; les X-Men traitent du sujet de la discrimination et du sort réservé à ceux considérés comme dangereux car différents ; Hulk fait la part belle à la maîtrise de soi ; Thor et ses mondes sont parvenus à marier mythologie nordique et technologie avancée.
A côté de ça, Superman (DC Comics) se démène entouré d’humains veules qui ont toujours besoin d’être sauvés. Batman, en outre, vit dans la ville la plus peuplée de sombres idiots dotés d’œillères : non contents d’être aussi efficaces que le directeur de l’établissement pénitentiaire des Dalton pour garder les portes d’Arkham fermées, les habitants de Gotham n’arrivent toujours pas à faire le rapprochement entre le Bat et Bruce Wayne, ce qui dénote un manque flagrant de lucidité.
Il s’avère en effet que les humains « normaux » de chez Marvel se sortent un peu plus les doigts du cul par rapport à ceux de l’univers DC (à l’instar du S.H.I.E.L.D.). Enfin, Le Tigre a été définitivement perdu avec les différentes terres de DC Comics, qui entre la disparition (les épisodes Final Crisis) et le renouveau (Infinite Crisis) offraient un spectacle hallucinant d’instabilité éditoriale. Du moins je l’ai vécu de la sorte. Alors quand Grant Morisson reprend ces épisodes dans sa vision du Batman, Le Tigre est superbement largué en plus de sentir s’être fait arnaquer.
Qu’en conséquence, le score sera le suivant : Univers Marvel : 1 – 0 : Univers DC.
– sur les films
Partie du jugement compliquée. Par ce qu’il y a du bon et du très mauvais de chaque côté. Chez Marvel, les Blade, la saga X-Men, Iron Man et Les Avengers étaient des œuvres tout à fait sympathiques. Hélas, les Spiderman (surtout le pas du tout Amazing), Hulk ou les Quatre Fantastiques n’ont pas eu le succès escompté auprès du Tigre. Quant à Daredevil, Elektra (si si, ils ont osé le sortir) et Ghost Rider, on n’a jamais été aussi proche du navet.
Concernant DC Comics, le tout me paraît bien plus éclectique. Watchmen, V pour Vendetta, les différents Superman, Constantine (avec Keanu Reeves), que des films qui donnent envie d’en savoir plus sur le gentil en achetant quelques comics du cru. Bien sûr les nanards existent et à mon sens relèvent plus de l’accident qui ne pourrait guère se reproduire : le dernier Dredd, les catastrophiques Batman des années 90 (avec Batwoman, Robin & Co) ou le merdissime Catwoman avec miss Berry (cette actrice mérite d’être ainsi pointée du doigt). Quant à Green Lantern, le héros comme ses films m’en touchent une sans faire bouger l’autre.
Enfin, la saga de Nolan avec Christian Bayle dans le rôle de l’homme chauve-souris a définitivement changé la donne en consacrant le noble art du reboot réussi chez un super-héros vieillissant. Le point va donc pour DC Comics et la prestation de certains acteurs, de Nicholson à Ledger.
Que dans ces conditions, le résultat sera le suivant : la saga X-Men : 0 – 1 : les Batman de Nolan.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal du Tigre, statuant en audience tout ce qu’il y a de plus privée, à peine contradictoirement mais surtout en premier et dernier ressort,
– DIT que DC Comics obtient les préférences du Tigre : publications en France régulières et plus vastes, films de qualité depuis une dizaine d’années, héros savamment repensés dans le monde contemporain, bref que du bonheur. Le numéro du sutra aurait pu avertir le lecteur cultivé, en effet 1935 est la date communément admise de la création de cette illustre maison d’édition ;
– RAPPELLE toutefois que ce choix résulte notamment d’un paramètre d’importance qu’il faut rappeler. Le Tigre est relativement radin et ne souhaite pas acheter tous les comics qu’il aperçoit. Ainsi, j’ai décidé, il y a fort longtemps, de me concentrer sur les aventures du Chevalier noir (et ses proches à la rigueur), seul univers où les vilains sont capables de donner de très corrects cauchemars. Le Joker, Bane, que des individus intelligemment pensés et qu’on n’aimerait pas croiser chez sa boulangère.
– CONCLUE depuis sa tanière que si ce sutra ne traite que de ces deux acteurs des comics made in USA, il ne faut pas oublier que d’autres maisons d’édition ont produit des planches que j’ai adorées lire. Par exemple, Dark Horse Comics ou IDW, avec 300 et 30 days of night.