« Tigrounet chéri, maintenant que je suis célèbre on m’invite partout dans les dîners chics. Désireuse de dépasser ma condition de bimbo écervelée, je souhaiterais savoir si y’a pas de bons films qui m’éviteraient de lire les romans dont ils sont tirés. Bisous partout. Nabilla B. ps : stp ne reproduit pas ma lettre sur ton site. »
Douze films à ne pas lire
Attention, ce DDT (c’est comme cela que je nomme ces billets) n’est pas un énième article sur les meilleures adaptations cinématographiques de bouquins. Ni celles qui ont été traitées en séries de plusieurs saisons. Parce que parler des Liaisons dangereuses de Malkovitch ou de 99 F de Jan Kounen, Télérama s’en charge mieux que moi. Et y’en a beaucoup trop, QLTL n’est pas un wiki (même si j’y pense de temps à autre).
Ici, Tigre préfère parler à tout feignant qui sommeille en nous. Et qui nous fait dire, à un moment donné, « mais si ce film qui a tant cartonné est tiré d’un roman, est-ce que le regarder est équivalent à lire ladite œuvre ? Mieux, ne faudrait-il mieux pas se faire une séance pop-corn que s’emmerder des heures et se détruire la vue ? ». Rien ne remplacera la lecture d’un bon pavé, toutefois par manque de temps vous pouvez sortir le home cinema et faire comme si….
Au final, pour répondre à cette lettre (je l’ai certes reproduite, mais en corrigeant les fautes d’orthographe au passage), voici une douzaine de titres dont regarder les films devrait vous suffire. Lisez attentivement mes commentaires, ça passe comme papa dans maman si on vous pose d’embarrassantes questions dans les dîners en ville. Bien évidemment ce billet appelle un article inverse, qui viendra en temps et en heure.
Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)
1/ Stephen King – Les évadés
Un des rares romans de King correctement adapté (avec La ligne verte), en laissant de côté les marrants quoique oldschool Tommyknockers et autres Ça. C’est également une histoire qui ne fait la part belle ni au fantastique ni à l’horreur. D’ailleurs il est amusant de remarquer que c’est tiré d’un roman « relativement » court de l’auteur américain, et le résultat (un film qui dépasse les 2h) est majestueux. Les acteurs y sont pour quelque chose.
2/ Irvine Welsh – Trainspotting
Le film a fait grand bruit, et souvent le lien avec le roman d’origine a été zappé. Et ce n’est pas si grave, car l’adaptation sur grand écran est quasiment parfaite. Surtout la voix off du narrateur et les références musicales qui ont été admirablement travaillées. A signaler, en début de film, que le dealer un peu louche qui refile un suppositoire d’opium au héros (pour « adoucir » sa descente) n’est rien d’autre qu’Irvine Welsh en personne. Si j’invite le lecteur potentiel à plutôt regarder le film, c’est que la suite de Trainspotting, intitulée Porno, mérite d’être lue.
3/ Rowling – Harry Potter
Là Tigre va se faire des ennemis. Tant pis. J’ai vraiment essayé de lire le premier roman avec le petit Harry à son école des sorciers, rien à faire je n’ai pas accroché. En sus, il faut avouer que l’univers hollywoodien (ou anglo-saxon en général) a su en faire une saga à succès avec très peu de défauts dans la réalisation. Sans doute est-ce moins complet que la version papier, mais ça m’a amplement suffi. Et puis voir le jeune Robert Pattison mourir, ça n’a pas de prix…
4/ Bret Easton Ellis – American psycho
Ce point est éminemment personnel. D’une part, j’ai un certain mal à accrocher sur cet auteur. A part Suite(s) impériale(s), ses romans (notamment Glamorama) n’ont rencontré en moi qu’un très faible écho. Alors que Christian Bale, la bande originale des années 80 (Lewis & The News, New Order, etc.), la narration intérieure du héros, le sang, le sexe, tout est parfait. Je pourrais dire la même chose avec Moins que zéro.
5/ Tolkien – Le seigneur des anneaux
Des Orks. Un langage imbitable. Des descriptions inutiles. De la fantasy. Il n’en fallait pas plus pour transformer un innocent cadeau d’anniversaire (à savoir le premier tome) en cauchemar. Tigre n’a jamais été foutu de lire plus d’une heure du Tolkien, aussi lorsque Jackson a sorti sa trilogie j’ai été soulagé. Et comme pour les romans, y’a de belles longueurs.
6/ Anne Rice – Entretien avec un vampire
La mère Rice a publié une bonne douzaine de titres qui représentent les chroniques des vampires, et il y a du bon comme du chiant. Le meilleur moyen de savoir si on veut s’attaquer à cette série littéraire est de regarder le premier film (le second, La reine des damnés, ne mérite pas d’être abordé). Il faut reconnaître que Cruise, Pitt, Banderas, Slater (on le retrouve dans le prochain chapitre) et Kirsten Dunst sont loin d’être des manches. Ensuite, on peut s’attaquer, sourire aux lèvres, à True Blood (les vampires ont globalement les mêmes pouvoirs).
7/ Umberto Eco – Le Nom de la rose
Umberto Eco, c’est Dan Brown avec un cerveau. L’érudit écrivain a largement innové avec ce thriller situé au Moyen Âge, cependant en faire un pavé de plus de 600 pages (pas vraiment aérées) fait montre d’une surestimation des capacités de tout lecteur. En outre, Slater et Connery font vivre ce roman sur grand écran comme peu d’acteurs seraient capables de le faire, ce qui n’est pas négligeable. A la rigueur, attaquez-vous au Cimetière de Prague, plus varié sur l’univers décrit.
8/ Robert Ludlum – La mémoire dans la peau
De Ludlum, Tigre s’est régalé avec Le complot des Matarèse. Et la trilogie (plus sans doute) sur Jason Bourne mérite ses galons : immersif, complexe, paranoïaque sur les bords, sombre par la solitude du héros. Tout comme l’adaptation en fait ! Sauf qu’après le premier tome j’en ai eu marre et ai préféré continuer avec les films. Et les trois s’en tirent plus qu’honorablement. L’empathie avec le personnage principal sera bien évidemment moindre, mais le temps de lire une partie du premier roman, les trois films auront été vus.
9/ Michael Crichton – Jurassic Park
Y’a de très bonnes choses de Crichton. Ses thrillers technologiques mâtinés d’un soupçon de terreur m’ont souvent ravi (La proie par exemple), seulement avec son histoire de dinosaures il est allé trop loin. On n’y croit pas une seconde, se représenter les vilaines bêtes est difficile, et bon l’avenir de l’Humanité n’est pas tellement en danger. Toutefois, entre les mains du bon Spielberg, oh la jolie claque visuelle que ce fut !
10/ Yann Martel – L’histoire de Pi
Difficile de se résoudre à mettre ce livre dans la liste. Aussi je vais trancher la poire en deux. Lisez les 50 (voire 100) premières pages, puis regardez le film, enfin retournez au bouquin pour les deux derniers chapitres. Vous aurez le meilleur, à savoir les discussions de Pi avec les représentants des différentes religions, mais surtout la version finale de l’odyssée qui diffère légèrement du film. Pour les plus fainéants, la version ciné est très correcte, pour peu que vous vous creusiez un peu les méninges sur le dénouement.
11/ Ian Fleming – [presque tous les James Bond]
A cause de papa-tigre qui m’a offert un beau jour l’intégralité des VHS des aventures de 007 (du moins jusqu’à la 17ème), j’avais presque oublié que Ian Fleming était à l’origine du beau brun ténébreux (Roger Moore, désolé…). Aussi, en lisant au hasard un de ses romans (Moonraker, puisque vous demandez), j’ai été sacrément déçu. Les films de Brocolli & Co mélangent quelques histoires, néanmoins cela reste du grand art. Rien à voir avec les catastrophes de Pierce Brosnan (sauf Goldeneye) que Daniel Craig a eu du mal à sauver. Il était temps de rebooter le héros.
12/ Dan Brown – Da Vinci Code
Tigre aime terminer avec une dernière blagounette, même de mauvais goût. Le livre et le film sont deux belles daubes pour lesquelles l’auteur américain devrait payer un impôt supplémentaire. Alors maintenant, je vous le dis en face : entre perdre 3h (voire plus) à lire une merde préformatée et gâcher 2h (en pouvant faire autre chose à côté) en regardant une horreur joué par deux acteurs au talent inversement proportionnel à leurs cachets ? Sachant enfin que le film est une mauvaise adaptation (c’est possible, oui oui).
…mais aussi :
– Minority Report. Tiré d’une nouvelle de K. Dick, il faut avouer que le film est complet et reprend la quasi intégralité des thèmes de cet auteur. Rien à dire.
– No country for old men. J’ai rapidement parcouru le roman de McCarty (l’auteur de La Route, à ne pas confondre avec Jack Kérouac), et bah ça ne fait pas tout jeune son style. Et pourtant il l’a écrit dans les années 2000 !
– La pianiste serait plus aisée à voir (avec Isa Huppert) qu’à lire. Je jetterai un œil averti dessus.
– Enfin, The Fountain, de Darren Aronofsky (encore lui, il a un abonnement à QLTL…) est particulier. A la base ce devait être un film (notamment avec Brad Pitt en personne), mais cela n’a pas été possible. Darren a fait appel à un illustrateur pour en faire une BD. Face au succès du roman graphique (qui n’est visuellement pas terrible à mon sens), il a remis son projet de film sur les rails pour un résultat époustouflant. Donc ce n’est pas vraiment un film tiré d’une œuvre littéraire.