Une quinzaine de nouvelles, de tailles variées, qui invitent le lecteur à se poser des questions sur le devenir de l’Humanité. Grand space opera, textes plus intimistes, il y a régulièrement de quoi s’ébouriffer le cervelet – et faire des films de SF enfin valables. Quelques pépites font de ce recueil plus que passable un ouvrage qui peut se relire pendant les longues soirées d’hiver.
Il était une fois…
Pour une fois, l’éditeur a versé dans la simplicité et la clarté. Il serait dommage de ne pas reproduire une partie du quatrième de couverture :
« Il sera une fois vous invite à rêver demain : de l’humain au surhumain, de notre insignifiante petite planète aux confins de l’univers et au-delà, Southeast Jones vous convie à découvrir ses visions d’avenir au travers de quinze contes étranges, drôles ou inquiétants. »
Critique d’Il sera une fois…
Deux petites choses à connaître avant de poursuivre la lecture de ce pertinent billet. D’une part, le félin connaît bien Southeast Jones qui a pris le risque, sans hésitation, de m’envoyer son ouvrage. D’autre part, cette connaissance s’étend à certains textes, présents dans ce recueil, dont Le Tigre avait déjà souffert la lecture. C’est donc avec un plaisir non simulé que j’ai pu les relire, comme on remet le couvert avec une ex perdue de vue – notamment l’excellent Les enfants de nos enfants, fable douce amère qui emplit le cœur.
Le titre du recueil, finement trouvé, est sans appel : il s’agit d’histoires se situant dans un avenir plus ou moins éloigné, l’être humain restant globalement au centre de la narration. A partir de là, l’auteur belge ratisse large avec de nombreux sujets, que l’on soit dans un univers connu où un évènement particulier aura des conséquences irréversibles (Question de foi, Le C.R.I.M. était presque parfait) ou sur des planètes lointaines avec des êtres aussi éloignés de l’homo sapiens que Madoff de l’intégrité. Souvent, et conformément à l’exercice littéraire de rédaction de courts textes, l’auteur nous plonge illico dans l’étranger (Noël lointain) de façon immersive et termine par une surprise finale qui invite, à nouveau, à la réflexion (exemple de Barbares, première nouvelle, de loin la meilleure).
Malgré quelques textes sans grande envergure qui ont à peine touché la couille gauche (celle qui descend le plus) de votre serviteur (Divergence d’opinion, Rétrocession ou Trip), il faut reconnaître que Southeast Jones a tenté, non sans succès, à émerveiller son lectorat avec des problématiques puissantes – l’immortalité, l’avenir de notre espèce, sa bêtise inhérente. Lesquelles font de ces morceaux de littérature des friandises intellectuelles qui méritent d’être laissées à portée de main pour les déguster progressivement.
Vous l’aurez compris, le félin n’est ici pas très objectif. S.J. est une connaissance qui, à un âge vénérable, a sauté le pas pour faire publier une partie de ses productions et n’hésitera pas à me briser les griffes s’il me venait à l’idée de prétendre que son recueil fleure le moisi. Sauf qu’avec son style aéré, décomplexé (j’allais dire roublard) et plutôt riche surtout lorsqu’il s’agit d’inventer les termes du futur, Mister Jones est un écrivain qui gagne à être connu et dont au moins trois textes vous raviront.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
[La préface aurait pu constituer la structure de la présente critique, difficile de l’ignorer.]
Génération oblige (désolé pour l’auteur), l’œuvre est imprégnée d’une science-fiction dite « à la papa » – cette expression à la con est de moi. C’est-à-dire la SF de l’âge d’or, celle des années 60 où tout n’est que décomplexitude (cet horrible terme est également de moi), scènes grandioses (presque too much) et humour facile. Aussi le réalisme scientifique se carapate plus d’une fois derrière des termes pompeux, l’idée étant de s’affranchir de la hard science pour imaginer un au-delà temporel où les vraies questions peuvent être posées – mais avec les références morales et culturelles d’aujourd’hui, ce qui ne manque pas de cocasserie.
Malgré la variété des futurs envisagés par ce bon Southeast, le félin a cru déceler un petit (mais ô combien important) point commun à ces textes : l’optimisme. Quoiqu’il advienne, l’Homme évolue (de son propre chef ou par une force extérieure) et son extinction est rarement à l’ordre du jour – concernant Emancipation, je ne suis pas certain. Certes il faut voir à quoi ressembleront nos descendants et dans quelles conditions ils vivront, mais du moment que nous essaimons dans les étoiles, l’espoir reste intact. Le risque qui apparaît est, paradoxalement, en rapport avec la religion : dans des temps extrêmement lointains, l’Humanité modifiée se rapprocherait de la déité et, face à l’absence de frontières à franchir, perdrait son élan vital et se laisserait couler dans une paresseuse contemplation – Le Tigre ne s’avancera pas sur le potentiel état d’esprit de ce groupe d’individus.
En même temps, Il sera une fois… reprend la formule bien connue des contes. Southeast Jones endosse les oripeaux du conteur (tel le protagoniste de Rétrocession), à la différence qu’il nous entretient d’histoires à venir. Dans tous les cas, de tels textes ont vocation à faire le lien entre le présent et un autre temps en plus de nous instruire. Nous expliquer comment nous allons/avons tous crever/é irait à l’encontre de l’esprit du titre.
…à rapprocher de :
Comme je le disais, S.J. a sévi au sein d’une maison d’édition ultra-indépendante (une association qui se fait plaisir) à plusieurs reprises : Fin(s) du monde ; Sales Bêtes ! ; L’homme de demain : Les contes roses (vol.1), etc.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.