Un jeune curé débarque, avec sa candeur et ses belles idées, dans un village qui possède ses histoires pas nettes. Roman graphique / bande dessinée contemplatrice et douce-amère, il y a une certaine beauté (surtout au niveau du dessin) malgré un scénario aussi chiant qu’un dimanche en Angleterre. Tigre a connu pire ceci dit.
Il était une fois…
Au milieu des années 30, dans une campagne indéfinie, arrive le père Vincent, lequel prend ses nouvelles fonctions. La population est affable, chacun fait du mieux qu’il peut, toutefois une certaine tension est entretenue par le docteur du village. Lequel, croyant un jour qu’il est sur le point de mourir, confesse un crime. Le curé, malgré lui, se retrouve au milieu d’un joyeux bordel qui pourrait bien mal finir.
Critique du Curé
Bon, ça ne casse pas trois pattes à un canard, néanmoins parcourir les pages de cet illustré ne fut pas un chemin de croix pour autant. Et ceci grâce aux illustrations de Christophe de Metter. Le mec a des doigts de fée et réussit à transformer n’importe quelle scène classique (une discussion autour d’un verre, un banal voyage en train) en un joli tableau typé « aquarelle » où les couleurs, discrètes, sont sublimées par un trait précis et enjoliveur.
Les visages des personnages sont étonnamment vivants tandis que le décor (voire l’architecture) a ce quelque chose d’immersif et de familier…sinon rassurant – on se croirait chez soi dans cette BD qui pourtant prend place avant la seconde guère mondiale. Quant à l’histoire, le félin a cru décerner trois grands temps. D’abord, la « pose » des personnages avec la découverte, par le curé, des habitants du village. Et notamment l’obligatoire « bouffeur de cureton » qu’est le Docteur Tadrowski, imposant protagoniste relativement bourru qui n’est pas sans rappeler un certain Pasteur.
Ensuite, et c’est là que le lecteur « sort » de l’ennui, le Docteur dévoile, sur ce qu’il pense être son lit de mort, un terrible égarement qu’il a eu avec une femme dont la disparition n’a toujours pas été résolue. Sauf que Tradowski se remet de sa maladie et devient nettement plus aimable avec ses congénères. Pour le père Vincent, cette soudaine philanthropie n’est que poudre aux yeux pour acheter la crédulité des gens. Lesquels ne peuvent imaginer le secret glauquissime de leur bon docteur.
Enfin, un dénouement en plusieurs temps. Le daron du héros décède, ce dernier a comme des moments de doute sur sa vocation, psychote sur le lieu où aurait été tuée la jeune Camille (celle que le docteur aurait violée), avant de se faire cueillir comme un vilain petit fruit mûr par des flics peu amènes l’accusant dudit meurtre. Les couleurs deviennent plus fades jusqu’à être carrément sombres, tout n’est qu’obscurité et tristesse jusqu’à un dénouement aussi rapide que l’éjaculation précoce d’un adolescent boutonneux. Et pis c’est fini. 100 pages qui passent trop vite, le félin ne sait pas si c’est bon signe ou non.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Cette bande dessinée présente sur le ring de la narration le sempiternel combat entre la religion et le « réalisme » prôné par certains. Ici, le principal contradicteur du père Vincent est le docteur du village, figure d’autorité aussi stable (aux yeux d’autrui) que cynique. Le seul gars dans le coin qui semble avoir des manières (il est d’une rare courtoisie, quoique acerbe, avec le curé) et une belle bagnole, bref un interlocuteur qui fait office de quasi contraire de Vincent : vieux, désabusé, très souvent assertif, voire catégorique dans ses idées. Le genre de gus qui pourrait être élu maire en trois coups de cuiller à pot.
Car le Docteur Tradowski sait quelque chose qu’ignore le jeune prêtre : l’Homme est mauvais par nature et il faut l’appréhender tel quel. Pourtant, après son épisode maladif, le médecin fera montre d’une gentillesse qui confine à une sorte d’absolution. Curieusement, le père Vincent ne songe pas une seconde que le vioque ait pu changer et ne s’y trompe pas : ce n’est pas en arrosant le village de ses bienfaits que le doc’ se fera pardonner. Hélas, Vincent est comme bloqué : ne pouvant trahir le secret de la confession, il tentera seul de déterrer (au sens premier du terme) les cachoteries de celui qui est vite considéré comme un ennemi, jusqu’à perdre temporairement la boule. Et de se retrouver interrogé comme un vulgaire violeur par une odieuse flicaille.
La moralité de cette histoire ? Tradowski, sans doute impressionné par la ténacité du jeune prêtre, se dénoncera puis se tirera une balle dans la tête. Être bien vu des autres malgré ses péchés, oui. Faire condamner un innocent, sûrement pas.
…à rapprocher de :
– Avec De Metter, vous seriez susceptible d’aimer Piège nuptial, adaptation graphique d’un roman de Douglas Kennedy. Pas mal du tout.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.