Un homme passablement paranoïaque, qui sait pertinemment que sa femme le trompe, commet l’impensable. Alors qu’il est potentiellement un auteur à succès, notre ami parvient à consciencieusement tout gâcher. Peu crédible mais doté d’une suspense correct, ce roman n’est ni mauvais ni génial. Neutre. Sans plus. Bof même.
Il était une fois…
Serge Merkine, vivant à Paname, est un acteur un poil raté qui vivote de menus cachets ici et là. Il est même écrivain, sauf que ses romans ne connaissent pas le succès. Rien à voir avec sa femme Mathilde dont la carrière de modèle (à un modeste niveau il est vrai) commence à prendre son petit envol. Tout pourrait se passer bien si seulement Serge n’était pas si jaloux. Il croit dur comme fer que Mathilde court le gui doux, d’ailleurs pourquoi elle dit aller voir son père malade alors que le compteur kilométrique de la voiture reste inchangé ? Pas de doute, sa femme le trompe. Il n’a d’autre choix que de tuer l’inopportun amant.
Critique des Veufs
C’est loin d’être ma came, j’ai bien failli arrêter au beau milieu du bouquin. Je crois que c’est le style qui m’a profondément ennuyé et a rendu le personnage principal insupportable : livrées à la première personne du singulier avec de nombreux passages en « courant de pensée », les phrases sont sèches, plutôt courtes (comme les chapitres) et participent à l’impression que la vie du narrateur file à cent à l’heure.
Il faut savoir que Serge, notre anti héros, fait tout de travers – en plus de ne pas avoir de moule. Déjà, sa jalousie maladive fait qu’il gâche tout, notamment engager un privé (alors qu’il n’a pas une tune) et tuer, hâtivement, un pauvre gars qui n’en demandait pas autant. La première moitié du roman est hélas improbable, la force des auteurs est de parvenir à rendre leur personnage extrêmement antipathique pour le lecteur.
Et ça ne s’arrange pas. Serge, qui avait envoyé anonymement son manuscrit Les Amours à un éditeur qui organise un prix littéraire, voit son œuvre sélectionnée. Sauf qu’il ne peut révéler à la populace qu’il en est l’auteur, imaginez si quelqu’un l’ayant croisé dans la ville où il a occis le présumé amant le reconnaît. Il est bloqué. En outre, Mathilde le presse de révéler son identité, tout en continuant ses cachoteries. Le pompon est décroché lorsque, à la suite d’un accident, notre ami se réveille avec cette terrible nouvelle : quelqu’un s’est fait passer pour l’auteur à sa place. Et cette personne, ami de Mathilde, lui demande de l’aider à l’adapter au cinéma…
Bref, ce genre de polar me semble avoir bien mal vieilli, les péripéties sentent la naphtaline malgré un final de toute beauté. Car le fin mot de l’histoire, que même le lecteur le plus bas de plafond peut supputer, a le mérite d’élever le niveau général. La surprise est agréable, et Le Tigre adore les romans qui se finissent mal – on ne peut que difficilement faire pire ici.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Comme vous vous en doutez, la jalousie est le moteur de toute l’intrigue. C’est plus grave que cela, Docteur Tigre a cru reconnaître une forme particulièrement aigüe de paranoïa. Fouiller les poubelles de la maison, calculer le temps de trajet de sa poule, se faire des noeuds au cerveau pour n’importe quel détail, etc. j’ai trouvé qu’il allait trop loin, ça en devenait franchement gavant. Au moins, je suis d’accord avec les écrivains : les paranos sont ceux qui mentent le plus…
Au-delà de la maladie qui ronge le cerveau de Serge, les derniers chapitres présentent un sommet de tension avant que la tragédie éclate pour de bon. En effet, l’écrivain « officiel » du livre Les Amours, Garavan, l’invite dans sa nouvelle maison pour préparer l’adaptation cinématographique du roman primé…or il s’agit de la baraque du gus que Serge a buté. Garavan semble savoir quelque chose et joue à fond cette carte, que ce soient des remarques à double sens ou des questions précises sur le roman – et comment ce dernier peut être mis en relation avec la vie de Serge. Le lecteur frôlera la mise en abyme avec un roman dans le roman à partir duquel les motivations profondes de Serge sont mises en évidence.
…à rapprocher de :
– Sur la photo de couverture, on reconnaît aisément Robinson Stevenin dans Les amants naufragés. Un téléfilm français tiré du roman – puisque je vous parlais de mise en abyme… Ils auraient pu mettre Pierce Brosnan en marinière à la place, lequel a joué dans le film de Fisher, Entangled (sorti en 1993), tiré du roman.
– Du côté de chez ces auteurs, Le Tigre a également parcouru Maléfices. Pas vraiment mon genre non plus.
– Le narrateur insupportable, c’est aussi L’Outlaw, de Simenon. A éviter.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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