VO : Haunted. Ça y est, je prends le courage de résumer cet ovni littéraire qui m’a fait l’effet d’une grande claque. Une vingtaine de personnages, autant de nouvelles auxquelles ils sont attachés, certaines bizarres, d’autres insoutenables, tout ça orchestré par un homme qui va rendre nos héros encore plus dingues que d’habitude. Un chef d’œuvre à ne pas laisser passer.
Il était une fois…
Vingt-trois individus, alléchés par une une petite annonce promettant la création d’une œuvre fabuleuse dans un endroit qu’ils imaginaient idylliques, vont en fait se retrouver dans une installation bien sordide. Les conditions d’écriture (de détention même) s’avérant toujours plus drastiques, nos héros, plutôt que créer et se dépasser, vont raconter leurs histoires et raisons d’être présents en plus de s’autodétruire.
Critique d’A l’estomac
Premièrement, il convient de faire le point sur ce texte et l’auteur. Chuck P. est à la base un journaliste, et il y a fort à parier que les nombreuses nouvelles présentes dans ce roman sont des articles qu’il n’a pu publier dans son canard. D’où sans doute l’idée de les retravailler, les améliorer et surtout les joindre pour en faire une histoire à peu près cohérente.
Deuxièmement, certaines de ces nouvelles ont constitué les passages littéraires les plus intenses et horribles que je n’ai jamais lus. Tout simplement. En vrac : Tripes, que Le Tigre vous défie de lire en une seule fois, sans faire de pauses ni détourner le regard. La partie sur la masseuse de pieds. Ou encore celle sur le « jeune vieux » à l’origine de l’annonce. Le pire étant que ce que vous lisez a peut-être réellement existé, le déclin de l’Occident ne vous aura jamais autant pété à la gueule (excusez le langage).
Troisièmement, le final, qui est proprement hallucinant. Déjà que l’auteur nous tient la jambe de manière intense sur un mystérieux appareil photographique qui rend ceux qui regardent dedans totalement apathiques, la découverte de l’énigme entraîne le lecteur dans du grand irgendwas. Les protagonistes ayant livré leurs anecdotes entrent en sus dans une spirale de violence, pour se faire remarquer, jusqu’à un niveau qu’on pourrait juger insoutenable.
Quatrièmement, le style, du pur Palahniuk. Chapitres denses, vocabulaire assez riche, phrases nominales à profusion, répétitions de phrases, voire des mots esseulés qui constituent une sorte de chœur rythmant le texte. Pour l’avoir lu en Anglais d’abord et en Français ensuite, je ne saurai trop vous conseiller la dernière langue, et ce afin de ne rater aucun sous entendu ou passages (sauf si vous êtes bilingue). En effet certaines pages sont plus imperméables à la compréhension, bref c’est déjanté.
Vous l’aurez compris, ce roman n’est pas à mettre entre toutes les mains. Violent, choquant, dur à lire, Le Tigre qui a prêté A l’estomac n’a eu que d’excellents retours de la part d’hommes entre 20 et 40 ans. Beaucoup se sont arrêtés à la nouvelle Tripes, d’ailleurs connue dans le monde entier grâce aux lectures publiques de l’auteur au cours desquelles beaucoup se sont évanouis ou ont vomi. Rien que ça.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le Tigre a déjà beaucoup parlé sur cette œuvre, les thèmes seront donc raccourcis.
Le corps torturé. Palahniuk est un tortionnaire littéraire moderne. Sur ces vingt-trois personnages, une bonne partie subit des outrages que l’on ne souhaiterait pas même à son pire ennemi. Mutilations, viols, descentes d’organes, virus, l’anatomie de l’être humain est finement explorée et soumise à des conditions glauques et dérangeantes. En outre, les descriptions ont une qualité « clinique », rendant le tout d’un réalisme tout ce qu’il y a de plus sordide.
Peut-on tout écrire ? L’éternelle question. Visiblement le journaliste non, pour en faire un roman constitué d’histoires qu’il a découvertes dans son métier. En revanche l’auteur d’anticipation sociale oui, quitte à en rajouter une grosse couche. Le plus délicat est que Chuck se met à la place de ses héros, ce qui fait des récits subjectifs, auto dérisoires et franchement drôles. Parallèlement, la poursuite de l’intrigue principale est plus neutre, à la limite on lirait un compte-rendu de chirurgien on n’y verrait que du feu.
Le lecteur s’en voudra de se taper sur les cuisses en lisant certains passages, l’humour noir étant ce qu’il est. On retrouve la puissance comique de la plume de l’écrivain qui parfois en fait un peu trop, sur moins de 600 pages le lecteur aura certainement quelques moments de solitude, rien de bien méchant ou qui nuise à la compréhension globale de l’intrigue.
…à rapprocher de :
– Le corps torturé, c’est aussi Peste, du même auteur. Chez Folio SF cette fois-ci, comme ci cela changeait quelque chose. En fait si.
– De l’humour noir, encore et encore, il y a Monstres invisibles ou Pygmy.
Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman sur Amazon ici.
Ping : DodécaTora, Chap.AS : 12 spécimens d’anticipation sociale | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Acide sulfurique | Quand Le Tigre Lit
Ping : Gregory Mion – La littérature nazie en France | Quand Le Tigre Lit
Ping : Collectif – Fin(s) du Monde | Quand Le Tigre Lit
Ping : Chuck Palahniuk – Survivant | Quand Le Tigre Lit
Sorry, j’ai pas trouvé ça transcendant…
Comme malheureusement souvent chez Chuck P, d’une bonne idée de départ, ça finit dans du n’importe quoi.
Sans rancune!
Je continue de suivre ton blog afin de trouver des (bonnes) idées de lecture…
@ bientot
Félinement votre
Faut pas s’excuser Jag’, surtout que c’est ce « n’importe quoi » qui m’avait particulièrement régalé. Bonne continuation littéraire !
Ping : Chuck Palahniuk – Pygmy | Quand Le Tigre Lit
Ping : Chuck Palahniuk – Journal intime | Quand Le Tigre Lit
Ping : Collectif – Sales Bêtes ! | Quand Le Tigre Lit
Ping : Chuck Palahniuk – Damned | Quand Le Tigre Lit
Ping : Chuck Palahniuk – Tripes (texte complet) | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean-Louis Fournier – Histoires pour distraire ma psy | Quand Le Tigre Lit
Ping : Chuck Palahniuk – Berceuse | Quand Le Tigre Lit
Ping : Chuck Palahniuk – Choke | Quand le tigre lit
Bon, je pense qu’après avoir lu tes critiques des Palahniuk, je vais te faire aveuglement confiance pour le reste… c’est un de mes auteurs préférés aussi, donc j’imagine que ce que je peux aimer ce que tu as aimé !
Par contre, Pygmy, moi j’ai pas réussi, ni en français ni en anglais, et j’ai les deux chez moi… je retenterai quand même !
(Et le Seigneur des porcheries, excellent il est vrai) (oui, je préfère un commentaire un peu long et qui n’a rien à voir avec la critique plutôt que d’en laisser un par article héhé)
Je repasserai par là, bonnes lectures 🙂
Merci pour ton pertinent commentaire. Concernant Palahniuk et son style, je vais résumer quelques Douglas Coupland et Irvine Welsh, qui sont dans le même style. Bonne lecture également.
Le Tigre
Ping : Thibault Lang-Willar – Un fauteuil pneumatique rose au milieu d’une forêt de conifères | Quand le tigre lit
Le passage sur l’histoire du mec au tripe réduite, mon premier fous rire avec un bouquin ( l’expression russe sur avoir des dents au bout du cul m’a achevé )
Je me mordais les doigts pour ne pas éclater de rire dans le bus quand j’ai lu ce passage. Les autres passagers ont dû me prendre pour un fou.
Ping : Chuck Palahniuk – Monstres invisibles | Quand le tigre lit
Ping : Chuck Palahniuk – Le festival de la couille | Quand le tigre lit