Manotti, historienne et militante engagée, s’attaque à une partie de la sombre période de la collaboration en France. Plusieurs histoires indépendantes ou qui se recoupent, écriture efficace qui va droit au but, un très bon ouvrage tant pour le féru d’histoire que l’aficionados de polars. A conseiller.
Il était une fois…
Paris, entre le jour du débarquement et celui de la libération de la capitale, les gestapistes français font tout pour assurer leurs arrières. Individus sans morales ni limites, entre industriels français et officier allemands il est difficile de préparer son avenir. En suivant une dizaine de différents protagonistes, c’est un triste tableau de la France qui est alors dressé.
Critique du Corps noir
Le Tigre a lu ce titre il y a quelque temps et presque par hasard. Sans rien connaître de madame Manotti qui plus est. Le sujet m’avait l’air certes immensément intéressant mais plutôt casse-gueule. En effet, comment aborder cette période de l’histoire en se plaçant notamment du côté de l’occupant et de ses sbires et ce en moins de 300 pages ?
Pari réussi, un vrai plaisir littéraire à portée de main. Un peu plus de 250 pages, Dominique est parvenue haut la main à faire quelque chose de complet et de taille réduite. Car en sus, la police d’écriture est plutôt grosse avec des chapitres qui ne sont pas excessivement longs. En évoluant avec tous les protagonistes qui font leurs horreurs avant l’arrivée des Américains, c’est un condensé d’action et de péripéties qui nous est offert sur un plateau. Ça se lit vite et bien, vous l’aurez saisi.
Sur le scénario, le « corps noir » est le nom donné à ces Français de la police qui travaillent en étroite collaboration (pour ne pas dire sous les ordres directs) de la SS. Pas vraiment un roman historique, puisqu’au-delà des évènements connus les individus qui gravitent dans le roman ne renvoient qu’à des caractères typiques (et bien fouillés) de ce qu’on peut rencontrer dans le Paris décadent de ces quelques mois. Pas totalement un polar, car jamais la frontière entre le bien et le mal n’a jamais été aussi poreuse, la police n’étant qu’à la botte des Nazis et beaucoup de résistants étant ceux de la dernière heure.
Thèmes développés (du moins selon Le Tigre)
La fin de l’occupation allemande. Au fil de l’avancée des Alliés depuis le nord-ouest du pays, il y a comme de l’effervescence dans la capitale. Chaque psychopathe en puissance en profite largement pour liquider (au sens littéral souvent) ses menus problèmes. L’occupant a souvent d’autres chats à fouetter tandis que les libérateurs se verront offrir un certaine version de l’Histoire. En outre, petite mention à certains éléments du patronat français qui ont su habilement jouer sur la fin d’une époque. Et comme un des personnages le dit, ce fut quand même quatre années d’exception.
Les retournements de vestes généralisés. Les gens savent bien que l’Allemand ne restera pas longtemps, aussi il est grand temps de ménager son futur. Et là, nos anti héros font preuve d’imagination et de cynisme comme on en voit rarement. Suppression de toute mention de leur infâme passé, mise en place de confortables matelas de fric, tout ça sans se faire griller. Peu de jugement de la part de l’auteure, juste des faits bruts qui se savourent comme un docu de la honte.
…à rapprocher de :
– De Manotti, il y a également Bien connu des services de police.
– Le sujet de cette histoire réaliste me fait penser à la BD Il était une fois en France. Mais avec moins de gris (concernant les personnages). Ou alors Restez dans l’ombre, d’André Fortin (roman moins bon que celui de Domi).
– De même, Heureux comme Dieu en France (Marc Dugain) est assez prenant sur cette période.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez ici trouver ce roman via Amazon.
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