Excellent livre d’anticipation sociale signé Douglas Coupland, l’auteur du bien connu Génération X. En suivant une bande de geeks chargé de créer un jeu vidéo et ce sous la responsabilité d’un service marketing incompétent, l’auteur en profite pour se faire plaisir (et nous aussi) par le non respect des formats d’écriture. Jusqu’à l’absurde, ça se lit comme du petit lait.
Il était une fois…
jPod, c’est l’histoire d’une bande de Geek trentenaire qui travaille dans une boite de conception de jeux vidéo. Le narrateur, Ethan, se retrouve dans une équipe chargée de travailler sur un nouveau concept de jeu vidéo. Les cinq membres vont se révéler tous avoir un côté dérangé voir autiste, pratique lorsque l’on passe 14 plombes par jour au boulot…
Critique de jPod
Vous prenez ce titre, le parcourez rapidement, et là quelque chose doit vous sauter aux yeux : changements de caractères et de police dans le texte sont fréquents, on peut tomber sur 23 pages contentant les cent mille premières décimales de PI (car notre héros doit trouver la décimale incorrecte glissée par un de ces collègues) ou des marques bien connues qui occupent des pages entières. Ne soyez ainsi pas effrayé par les 550 pages, un petit tiers n’est pas du « vrai » texte.
Quant à la narration, celle-ci n’a ni queue ni tête, alternant les longs passages (bien écrits au demeurant) ou des lettres ouvertes des protagonistes. Nous suivrons les 5 membres de la team, 5 individus dont le nom de famille commence pour chacun par la lettre « J » et ce à cause d’une erreur informatique dans l’affectation du personnel de l’entreprise. Ces protagonistes doivent concevoir un jeu de Skateboard dans lequel le personnage principal devra être une tortue, car le fils du directeur marketing de l’agence adore ces bêtes et « si son fils adore les tortues alors tout le monde aimes les tortues ».
Le scénario du bouquin est en réalité multiple, constitué de plusieurs sous-intrigues plus abracadabrantes les unes que les autres, ce qui fait que le scénario « de base » part rapidement en vrille. Mais ce n’est pas pour autant que le Tigre a décroché, le style de l’auteur aidant largement : humour omniprésent, démonstrations par l’absurde délirantes, en sus on s’attache énormément aux personnages et l’envie de découvrir le fin mot de l’histoire est très présente.
Rien que le début du roman annonce le ton, avec le héros (Ethan) portant assistance à sa mère afin de se débarrasser du corps d’un client un peu trop insistant qui s’est « accidentellement » électrocuté (la maman cultivant une certaine plante dans son jardin). Ensuite, difficile de décrocher.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Après la Génération X, bienvenue à la génération Google au travers d’un groupe ayant grandi avec les jeux vidéos et internet. Références propres à ceux nés dans les années 80, Coupland confronte notre groupe (et ses idées) aux directives marketing venant de la direction. Ces directives, à côté de la plaque, font régulièrement sourire par leur absurdité. Il en ressort alors un « generation gap » : Ethan et sa bande sont d’une créativité quasi sans bornes, connaissent bien leurs outils de travail mais leur boulot est formaté par le cahier des charges de la direction.
Les bienfaits et méfaits des nouveaux outils Internet sur notre société : vie de bureau (open space), relations sociales et amoureuses,…. Grâce à toutes les sous-histoires dans lesquelles le héros est embarqué, l’écrivain tâche de montrer l’influence des nouveaux outils numériques sur les comportements de cette génération. Le tout bien évidemment caricaturé à l’excès, jusqu’à des situations improbables mais réjouissantes. Doug maîtrise un certain comique de situation résolument moderne.
Pour ceux qui considéreraient que ce n’est pas de la grande littérature, voici une fine défausse de la part de l’auteur. [Thème SPOIL] Coupland himself fait une courte apparition dans l’histoire : ayant des intérêts dans l’entreprise, il portera une attention particulière à Ethan et il exigera de lui qu’il lui cède son ordinateur. Avec toutes ses données dedans, et ce afin d’écrire son prochain livre. Pris à la gorge par les éditeurs, Douglas doit écrire un bouquin et « c’est plus facile de voler la vie de quelqu’un d’autre que d’inventer quelque chose ». Mise en abîme assez sympathique, voilà la cerise sur le gâteau [Fin SPOIL]
…à rapprocher de :
– A signaler une série U.S. tirée de ce bouquin. Jamais vu.
– De Coupland, il y a l’incontournable Génération X et Toutes les familles sont psychotiques.
– Dans les romans qui prennent certaines libertés sur la forme, Le Tigre se souvient de Survivant, made by Palahniuk (ça commence par la dernière page…).
– A un moment il est question de construire une machine à câlin, ça me fait penser à l’appareil à applaudir du Zubial, d’Alexandre Jardin.
Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Pas lu le bouquin mais la série (canadienne pas US!!!!) était fantastique. Malheuresement interrompue après une seule saison et quasiment introuvable, j’ai pour ma part toujours hésité à lire le livre par peur d’être déçu; ironique n’est-ce pas?
Une série là dessus ? J’en apprends tous les jours. Merci de votre remarque, il faut que je pense à finir un billet sur les romans piteusement adaptés en séries…
Ping : DodécaTora, Chap.AS : 12 spécimens d’anticipation sociale | Quand Le Tigre Lit
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Voila un livre qui va rentrer sous peu dans ma Pal!
Merci pour l’info et vue la critique je me dois de le lire! 😉
Un plaisir Bouquinovore. Sorti en poche depuis, les délires de typo de l’auteur sautent hélas moins aux yeux.