Sous-titre : Les Aventures de Tintin et Milou. Égypte-Arabie-Inde, le journaliste a rempli sa boite à pérégrinations et accumulé des miles, sans compter la rencontre de plusieurs protagonistes qui récidiveront de présence par la suite. Premier album en Orient, et qui présente tout ce que qui fera le succès de Tintin : voyages, méchants qui ont de la gueule, et un poil de fantastique.
Il était une fois…
Tout commence par une paisible croisière dans un gros paquebot où le héros croise le farfelu Philémon Siclone, égyptologue aussi sachant que perché. Quelques instants après, un mystérieux connard piège Tintin en foutant de la cocaïne dans ses bagages. A partir de là ça part en quenouille : le journaliste est arrêté par deux flics moustachus, s’échappe, rejoint Philémon, trouve une tombe égyptienne, est gazé, finit au milieu de l’océan dans un tombeau en guise de radeau, croise un fan cheik, est enrôlé de force, fuit en avion, apprend à parler aux éléphants, participe à une réunion secrète, jusqu’à mettre un terme à un trafic d’opium.
Critique des Cigares du pharaon
Troisième opus du jeune journaliste si on ne compte pas son aller-retour en Soviétie, personne ne saurait être indifférent à ces aventures endiablées qui, pour la première fois, se situent dans plus de deux pays. Après des péripéties mal fagotées en Afrique et les exploits consternants du journaliste en Amérique, voici venue la stabilisation du « système Tintin » – accompagné d’un Milou un peu moins bavard que d’habitude.
Premièrement, les voyages. Rien à dire là-dessus, le mec visite du pays. Trop sans doute, Le Tigre s’est demandé comment Tintin a pu passer du désert de l’Arabie à la jungle indienne en si peu de temps. Soit Hergé n’a pas cru bon préciser que le vieux coucou avec lequel s’enfuit Tintin est en fait un avion supersonique, soit le voyage a duré quelques heures – et les avions de l’émirat n’auraient pas pu le suivre jusque là. Deuxièmement, les péripéties sont centrées autour d’une seule problématique (trafic de drogue) à laquelle se greffent une foultitude d’actions qui peuvent certes se lire indépendamment, mais le fil conducteur demeure.
Troisièmement, et sans aucun doute le meilleur, nous avons droit à l’apparition de personnages appelés à être, par la suite, récurrents. Futur alliés d’abord, avec les Dupondt qui font montre d’initiative et d’audace (ils agissent moins en boulets qu’ils le seront par la suite). Ennemi intime ensuite, en la personne de Rastapopoulos, ici présenté comme un cinéaste mais dont on apprendra, dans le Lotus bleu, qu’il est à la tête de la société criminelle dans les bottes de laquelle chie régulièrement Tintin. Enfin, et plus anecdotique, Oliveira da trucmuche débarque dans le scénario sous le métier qui ne le quittera plus : vendeur de génie pour qui refourguer un réfrigérateur aux Inuits n’est qu’une formalité de plus.
En conclusion, cet opus est particulièrement complet en plus d’annoncer ce qui fera le succès de la série – l’idée du kidnapping du fils d’une grosse huile sera reprise plus tard. Succès auquel est apporté un LOURD clin d’œil lorsque, au milieu de nulle part (dans le désert), le quatrième mur est pété avec fracas : le cheik, apprenant le nom de son hôte, est à deux doigts d’inonder sa tente et fait apporter, par un sbire, un album cartonné d’Objectif Lune – qui aura pourtant lieu dans le futur. Quant aux illustrations, le fauve n’a rien à reprocher à cet album qui laisse largement de quoi remplir ses mirettes – même si l’arrivée en Inde n’est pas évidente ou les véhicules à moteur (avions notamment) ressemblent encore à des jouets.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les cigares du Pharaon (premier titre sans référence au nom du héros) est l’occasion de visiter quelques vieilles cultures fantasmées par le jeune lecteur occidental. L’Égypte millénaire évidemment, avec les cachotteries et trésors qu’elle recèle ; la péninsule arabique et sa somptueuse architecture mais en proie à de récurrents conflits ; et puis l’Inde où les éléphants vivent en bonne intelligence avec les humains, pas comme les tigres qui sautent sur tout ce qui bouge – la manière dont le blondinet se défait nonchalamment d’un représentant de cette espèce m’a ulcéré, cela va sans dire.
Enfin, il se dessine une tendance de recourir au mystérieux, qui confine même au fantastique. La société secrète avec des déguisements de Ku Klux Klan au rabais, un fakir qui escamote l’esprit en deux tours de bras, le poison qui rend fou, le fantôme (enfin presque) apparaissant lors d’un orage, et que dire alors du tombeau égyptien utilisé comme planque par des trafiquants ? – à ce titre, saluons le petit coup de pute de l’auteur vis-à-vis de son pote Edgar P. Jacobs, ici grimé en égyptologue décédé sur le sarcophage duquel est écrit « Jacobini » -. Hergé verse même dans une certaine forme d’onirisme, en particulier la planche à l’allure de bad trip sous LSD lorsque le protagoniste subit les effets d’un gaz qui l’endort.
…à rapprocher de :
– Quelques Tintin sont à signaler sur le pétillant blog, par exemple L’île noire ; Le Sceptre d’Ottokar ; Le Lotus bleu ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Tintin au pays de l’or noir ; Les Bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
Le Tigre se tintinophilise ! Belle (et juste) chronique !
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