– James, je sens ton alliance… – Je l’ai ôtée après la mort de ma femme, c’est la montre de Q. Sens comme elle peut vibrer. [scène coupée au montage de Doigter n’est pas jouer]. Petit, je ne comprenais pas pourquoi j’étais le seul à vouloir la mort de 007 en visionnant ses aventures cinématographiques. Maintenant tout est clair : je suis tellement porté sur les félins que je discerne leur présence partout – mais pas chez James.
007, ou l’éternelle lutte canins/félins
Après avoir chié près de 2.000 mots sur les rapports entre James, ses ennemis et les chats (en lien), j’avais annoncé aller plus loin dans la bêtise en démontrant que la saga cinématographique mettant en scène le priapique agent de sa vieillissante Majesté n’est rien d’autre qu’une bagarre de rue entre un chien et un chat.
La théorie est assez simple : les aventures de Bond sur grand écran ne sont qu’autant d’allégories de la lutte ancestrale entre deux espèces peuplant la planète. La famille des canidés, d’un côté, contre celle des félidés. Toutefois, puisque faire des films avec des animaux est particulièrement retors et l’utilisation des effets spéciaux version Pi n’était pas développée à l’époque, le producteur s’est rabattu sur des acteurs humains. Et a fait en sorte de faire gagner les cabots.
Mais pourquoi dénaturer de la sorte les œuvres de Ian Fleming ? Tout est dans la personnalité d’Albert Romolo Broccoli.
Albert R. Broccoli, qui a produit les seize premiers James Bond, est né dans le Queens. Tout petit, il ne serait guère étonnant que les parents d’Albert l’amenaient au parc zoologique de ce quartier de NYC, promenades au cours desquelles il aurait fait de morbides fixations sur les panthères et tigres présents. Ensuite, j’imagine que la famille allait faire un tour au musée du Queens (qui se trouve juste derrière le zoo), ce qui devait profondément ennuyer le petit Bébert. On retrouve cette haine de l’art dans différentes scènes d’actions où le héros ne ménage pas les lieux quand il se bat – musée à Venise dans Moonraker, la destruction de nombreux tableaux dans Meurt un autre jour, etc.
Mais il faut avant tout savoir que le producteur est issu d’une famille d’immigrés italiens provenant de la région calabraise. Il est fort probable que quelques cousins et proches de Broccoli étaient des membres de la ‘Ndrangheta, une des plus violentes mafias de l’Italie. Comme vous avez tous vu (ou lu) Le Parrain, la mafia spaghetti a toujours été bien implantée dans l’État de New-York, et sa plus grande trouille (hors guerres luttes internes) venait des mobsters de Chinatown – les Triades, tant qu’à les appeler par leur petit nom.
Vous voyez exactement où je veux en venir, c’est évident : les fourbes Chinois ennemis de la familia, avec leurs regards félins en coin et leur propension à manger du chien, ont fait naître chez Albert cette détestation de tous les félidés – petits et grands. Et oui : le monsieur a développé une phobie originale qui trouve ses sources dans 1/ sa peur des gros chats et 2/ un amour protecteur vis-à-vis des gentils chiens, victimes des appétits d’un Extrême-Orient négativement fantasmé.
Profondément traumatisé par l’idée que les chats entreprennent la conquête du monde (son quartier en fait), Albert B. a sublimé sa psychose en imaginant un univers où les chiens seraient gagnants. Ainsi, lorsque s’est présentée l’opportunité d’adapter les romans de Fleming sur grand écran, Al’ a sauté dessus pour réaliser son rêve de gosse. Et ça l’a libéré puisqu’il a également sauté sa femme de l’époque, ce qui a donné naissance à Barbara Broccoli, née au début des années 60 – deux ans avant la sortie en salles de James Bond contre Dr. No.
La sodomie sauvage de mouches peut commencer – continuer plutôt, dix cadavres violés sont déjà à déplorer.
Les méchants se comportent comme des chats
A chaque film, c’est la même rengaine. Scaramanga, Blofeld, Drax, Goldfinger, etc., ce ne sont pas des génies du mal que le spectateur regarde, c’est une bande de chats lolilols traités avec une dérision et une tendresse de bon aloi – donc avec le plus grand mépris. Du haut de sa science, Tigre a repéré quatre regrettables habitudes dans ces films, certes motivées pour correspondre aux canons du genre, mais à un moment faut arrêter de se foutre de notre gueule.
1/ Jouer avec James Bond
Sûrement la pire habitude sans laquelle le film pourrait durer une trentaine de minutes à tout casser. On ne sait comment, double-zéro-sept réussit à débarquer dans les installations de l’adversaire, accompagné de son arme (qu’on pense à lui retirer, mais il lui reste souvent une bricole de Q), de son air chafouin et d’un pantalon de costume dont le pli est encore visible. Et là, au lieu de retapisser les décors avec les morceaux de cervelle de l’agent, le « génie » du mal préfère imaginer une mort plus marrante.
Kananga qui accroche 007 et la bandante solitaire au-dessus d’un banc de requins, Drax désireux de rôtir Roger Moore, ce gros boulet de Goldfinger qui attache Connery à la bombe atomique, y’en a pas un pour rattraper l’autre. Entre ces idiots mal intentionnés et mon chat qui joue avec une souris, il n’y a qu’une différence : je ne filme pas mon animal de compagnie et tente de faire un bestseller.
Dans tous les cas cités, bien évidemment la petite souris s’échappe après un énième coup de patte du vilain félin.
2/ Draguer son ennemi
Les antagonistes laissent vivre le Bond plus longtemps dans le but, évidemment, de se faire suffisamment mousser. C’est bien légitime, j’en ferais de même. Si la Grande-Bretagne m’envoyait James Bond pour mettre fin à mon blog (laissez-moi dix ans, le temps de mettre la main sur la vidéo de la conception du petit George), je serais extrêmement honoré. Franchement, je ne noierais pas tout de suite James dans la cuvette de mes chiottes. Je l’attacherais à un siège pour qu’il me voie à l’œuvre pendant que je descends, avec ma courtoisie légendaire, une énième bouse de Pancol.
Je crois même qu’à l’instar de Scaramanga ou Silva, je virerai de l’autre bord et tenterais de dragouiller le bel homme. Parce qu’il y a bien mieux qu’acquérir les bondesques impressions envieuses sur mon travail de terroriste littéraire : faire en sorte qu’il me rejoigne dans mon entreprise, ou, encore plus délicieux, qu’il tombe amoureux de moi, un petit syndrome de Stockholm de derrière les fagots. Bah les chats, c’est exactement pareil : avant de nous faire une belle saloperie dont eux seuls ont le secret (lien), ils se comportent telles des racoleuses et se frottent qui sur la jambe, qui sur notre commode préféré. Les méchants humains et félins cherchent tous à impressionner (voire à recueillir l’assentiment) avant la catastrophe qui s’annonce.
3/ Le besoin de tout contrôler
Je ne vais pas m’attarder sur ce point trivial. Le rapprochement est d’une simplicité confondante. D’un côté, les bases (spatiales, tant qu’à faire), souterrains, îles paradisiaques d’où le vilain observe le déroulement de ses sombres opérations. L’endroit douillet avec le Dom Pérignon qui coule à flot, les caméras braquées sur le vaste monde et des moyens de communication à faire pâlir la NSA. De l’autre côté, le chat dans sa boîte, perché sur son arbre, planqué dans sous un meuble, bref l’animal planqué comme un démon dans un endroit où il peut voir tout ce qu’il se passe. Tout est dit.
4/ Le pétage de plomb quand ça s’annonce mal
L’injure suprême faite aux antagonistes se situe dans leurs derniers instants, quand James casse leurs jouets et chope la jolie conne emprisonnée par les vilains. Et leurs réactions me rappellent immanquablement les réflexes hilarants d’un matou en très mauvaise posture.
En premier lieu, l’attaque de façade. Quand James se fait trop insistant et se rapproche dangereusement de la « unfriend zone », l’ennemi commence à bomber le torse et à sortir ses petits gadgets. Soit il s’agit de trucs plus ou moins technologiques pour épater la galerie (un gros satellite bien phallique qui lance du feu, un improbable laser), soit le gars balance ses gros gardes du corps entre les pattes de 007. Comme un chaton qui se met en boule, hérisse ses poils et crache à l’attention de l’indélicat. Tout cela pour un résultat plus que mitigé.
Ensuite, quand ça pue vraiment, ils cherchent tous à fuir avec plus ou moins de discrétion. Un instinct de survie que seuls les félins possèdent. Blofeld qui prend son téléphone et annonce son « Préparez mon sous-marin de poche » (Les diamants sont éternels), Max Zorin qui se barre dans son dirigeable (joué par l’excellent Christopher Walken), Franc Sanchez se carapatant dans un gros camion rempli de cocaïne liquide dans Permis de tuer, tout ce petit monde déguerpit, tel un chat aux abois, avec plus ou moins de grâce.
Enfin, quand Bond a oblitéré toute possibilité de filer à l’anglaise (hu hu), il se passe chez nos amis la même chose que pour les félins : ils font n’importe nawak. Ils perdent totalement leurs moyens et se battent comme des chacals en tapant au hasard un peu partout. De vrais réactions à la con. Regardez comment Dominic Green (interprété par un Français en plus) se bat contre Daniel Craig à la fin de Quantum of Solace. On voit très bien que le méchant est plus à l’aise derrière ses contrats pourris que dans une salle de boxe. Encore mieux : dans Octopussy, y’a le Général Orlov qui cumule la fuite ET l’ânerie, en courant désespérément derrière un train sous les yeux de soldats chargés de garder la frontière est-allemande – donc habituer à canarder tout ce qui bouge.
En conclusion, il n’est pas difficile de noter que 007 a une chance de cocu dans ses missions – tout en cocufiant les autres. La double veine scandaleuse. Pendant ce temps, on ne voit jamais le pauvre Blofeld, l’ennemi principal, lever une nana. Merde, même dans au Service secret de sa majesté, où il est entouré d’une dizaine de chouettes pépées, pas une seule fois il profite de la situation pour s’en faire une à la hussarde. Soit Blofeld a perdu ses couilles, soit c’est un foutu gentleman – et le seul héros de la saga. Vu les actes qu’il commet, je pencherai pour la dernière option.
James Bond est un chien
A contrario, dans la théorie tigresque, l’agent secret de carnaval n’est rien d’autre qu’un canidé. Ne m’en veuillez pas, cette dernière partie sera plus courte que la précédente, en effet j’en ai rien à cirer de 007, seul compte ses Némésis. Pourquoi est-il donc un chien ? Quelle race d’ailleurs ?
Premièrement, James traite ses affaires comme un clebs s’accroche à son os. L’obèse M lui donne sa mission, et hop à peine si une femelle viendra le détourner, brièvement, de son objectif. Il fait tellement de zèle que quand il part en vacances, c’est pour continuer ses recherches. A chaque fois que le boss de Bond le contraint à prendre des congés, il ne vérifie jamais pourquoi celui-ci souhaite dorer son cul blanc d’Anglais à Rio (cf. Moonraker) ou en Jamaïque.
Deuxio, cette manie de ne pas lâcher son os fait que notre héros fonce droit devant, quitte à se jeter avec allégresse dans la gueule du méchant. On voit très souvent zéro-zéro-sept prisonnier, comme si être derrière les cages était un de ses états naturels. Aucune réelle stratégie, James se comporte comme un chihuahua fonçant connement dans le tas, et se pose les questions après. Lorsqu’il ne se présente pas directement sous le nom de James Bond (autant se coller au derche une balise may-day), sa couverture saute rapidement aux yeux de l’ennemi – à l’exception notable de son statut dans Permis de tuer.
Tertio, James Bond adore réellement faire du bruit, le spectateur admiratif sait qu’un individu d’exception est en train de sauver le monde. Tel un roquet aboyant à tout-va, l’agent (pas si) secret se complaît à tout faire péter autour de lui et utilise, dès que possible, les armes et véhicules les moins discrets de la création. Avion de chasse dans une foire en Allemagne, tank russe au milieu des rues de Moscou, bagnoles rutilantes avec tellement d’options que dans la réalité il n’y aurait pas de place pour le moteur, sérieusement le Commander Bond semble avoir un léger problème de surcompensation – à croire qu’il n’y a pas de tests psychologiques pour entrer au MI-6.
En conclusion, 007 a l’esprit du caniche guerroyeur et le physique du doberman de combats clandestins. Et comme le dit si bien le 006 Alec Trevelyan dans Goldeneye : « James Bond, le fidèle toutou de sa majesté ». Rien à rajouter, Sean Bean avait tout compris.
Pour achever de vous convaincre, réfléchissez à la remarque suivante : est-ce que vous avez déjà vu James se battre contre un clébard ? Moi non plus.
Conclusion de l’agent secret
Si les citoyens ont les hommes politiques qu’ils méritent, il en est de même du gros James avec ses adversaires. Or, ces derniers se comportent telles des buses finies incapables de finaliser leurs petits plans. Et ce non pas à cause de l’intervention bondissante (tiens, cet adjectif existe, bizarre), mais en raison de leurs égos aussi grossiers que mal placés. L’égo d’un félin en fait.
C’est pourquoi je suis toujours avec les méchants : ceux-ci ont la classe mais gâchent tout au dernier moment, et ces instants de faiblesse plutôt rares changent la donne à la fin du film. Ainsi, si vous invitez Le Tigre mater un de ces films, vous le verrez grimacer (voire pleurer) dans les derniers instants, comme s’il était en train de visionner Requiem for a dream. Et c’est tant mieux, le fauve adore les films qui se terminent mal – et la franchise 007 ne déçoit jamais sur ce point.
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