VO : idem. Encore une nouvelle de Lew Griffin, j’aurais sans doute dû me familiariser ailleurs avec le héros. Racisme ambiant, mafias locales impitoyables, bref la Nouvelle-Orléans comme on ne l’a jamais lue. Malgré un début stylistiquement inquiétant Tigre a été plutôt content en refermant ce bouquin.
Il était une fois…
Lew Griffin en prend décidément plein la gueule. Il prenait un verre tranquillement avec une jeune femme, et puis en sortant une balle lui explose une partie du crâne. Après quelques jours de coma, le voilà sur pied, mais passablement handicapé (à un moment il perd la vue). En sus ses souvenirs sont difficiles à reconstituer, et répondre à de triviales questions est difficile : pourquoi a-t-il été flingué en sortant de ce bar ? Était-ce lui la cible ? Où est passée la jeune femme qui l’accompagnait ?
Critique de Bluebottle
Quand je me suis procuré Bluebottle, je ne connaissais rien de James Sallis. Acheté au pif (cela arrive au Tigre plus souvent à lui qu’à son tour), et sur la première moitié du roman j’ai regretté ce choix. Mais vraiment. Parce que débarquer avec un héros (le détective privé ex-flic Lew amoureux d’une femme qui a du mal avec ce métier) dont on ne sait rien et dont les souvenirs erratiques font que le lecteur est totalement largué.
Et puis ça se décante. Une fois que le héros retrouve la vue, se remet en selle, ça dépote un peu plus. Le roman prend une tournure plus « policière » avec quelques enquêtes dont doit se charger Mister Griffin. Rechercher un auteur disparu, savoir qui était la femme avec qui il avait pris un verre avant l’accident, aider un ponte de la mafia à retrouver du fric, protéger un homme de ses voisins, tout est mené de front avec une cohérence satisfaisante. Et bien évidemment tout se rejoint progressivement.
Sur le style, à part donc le début où j’ai eu la plus grande peine à ne pas bailler, Sallis parvient à créer un univers presque intemporel et doux-amer. On ne dirait pas que ça a été écrit à la fin des années 90. Ni cliffhanger à la fin de chaque chapitre, ni rythme effréné, l’auteur prend son temps et n’hésite pas à offrir quelques flashbacks (hélas pas toujours évidents à repérer). Paradoxalement, c’est quand tout s’accélère sur le dénouement que j’ai été déçu que ce soit déjà fini. Il y avait comme un arrière-goût de bâclage, or il n’en est rien (c’est juste que 220 pages, c’est bien court). A lire rien que pour l’ambiance, et les belles descriptions, notamment culinaires.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le héros, Lew Griffin, fait preuve d’une sensibilité qui le rend assez attachant. Gros dur alcoolo sur les bords et qui sait se battre, mais l’épisode en mode « aveugle » est rendu avec une grâce qui détonne par rapport aux thèmes des enquêtes. Plus attentif aux sons et odeurs, c’est un petit festival de sensations et de références musicales (et poétiques, des passages entiers de Langston Hughes sont livrés) qui ont laissé Le Tigre rêveur. Et c’est grâce à cela que j’ai dépassé le premier tiers du roman.
Les extrêmes. Le protagoniste principal met la main sur le manuscrit d’Amano, l’auteur disparu. Et ce qu’il lit (quelques chapitres sont rendus tels quels dans le récit) est fort intéressant. Sombre également, puisqu’on y voit un homme qui d’abord traîne (pour son article) avec des Blancs déclassés et fascisants avant de faire corps avec leurs causes. C’est un envers du décor américain glaçant, fait de considérations politiques racistes et très « southern », c’est-à-dire anti-gouvernement fédéral, pro armes, etc.
…à rapprocher de :
– Les enquêtes de Lew Griffin sont nombreuses, jugez plutôt : Le Faucheux, Papillon de nuit, Le frelon noir, L’œil du criquet,…. Mais vais sans doute m’y mettre.
– Sinon, le héros fait quelques références aux romans de Chester Himes. Pour ma part, La reine des pommes m’avait laissé un agréable souvenir.
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