Petit post éminemment personnel pour signaler une affection nocturne qui sape la tranquillité du Tigre. Rien de honteux ni de sexuel, n’ayez crainte. Il s’agit seulement de rendre compte d’une expérience redondante (une fois par semaine environ) qui, certes amusante au début, n’en devient pas moins chiante à la longue.
C’est grave, docteur ?
Comme déjà expliqué dans un de ses Sutras, Le Tigre se repaît de quelques chapitres avant de s’endormir. Calé comme un sac de patates entre deux coussins, lampe (solaire, s’il vous plaît) à cinquante centimètres du visage et livre soigneusement orienté pour maximiser la réception de la lumière, j’attends tranquillement que ma machine biologique me dise stop. Les paupières qui tombent restent un excellent indicateur.
Il m’est arrivé d’ignorer certaines « alertes » corporelles, notamment lorsque le roman est captivant, et lire jusqu’à ce que le réveil matinal tente de m’expliquer qu’on m’attend à 9h chez mon employeur. Rarissime, mais pour un Alastair Reynolds ou un Tristan Egolf par exemple, la nuit blanche est plus légitime qu’une virée en boîtes de nuit exclusivement fréquentée par l’association des nymphomanes du 16ème. J’ai des noms d’ailleurs.
Mais de temps à autre, un truc bizarre se passe. A partir d’un certain moment je me surprends à dévorer les chapitres à une vitesse ahurissante. Plus génial encore, l’intrigue du roman se densifie, si bien que je me dis qu’il va falloir en relire une partie le lendemain. Mieux que de la densification des aventures des protagonistes, l’histoire à un moment part (quasi littéralement) en quenouille. Et à ce moment, le fauve pense à deux choses :
D’une part, je me dis que l’auteur me bluffe bien avec son jeu littéraire que j’imaginais plus « morne ». Le petit cachottier, il attendait que le lecteur daigne terminer le premier tiers de son œuvre pour sortir son arsenal onirique. Et il faut avouer que c’est excellent ce qu’il nous conte. Le style change subrepticement, le scénario prend une dimension étonnante avec des références et autres cross-over dont j’ignorais qu’il fût capable. Chapeau bas.
D’autre part, Le Tigre est assez colère contre lui-même. Cela fait des dizaines de minutes que je suis, non sans plaisir, le délire de l’écrivain, et il se fait tard. Ayant besoin de mes 7-8h de sommeil par nuit, je m’en veux correctement pour négliger ma santé tigresque au profit d’un bouquin que j’aurai tout le temps de terminer le lendemain. Relativement mécontent de mon comportement, je décide de me lever et d’éteindre définitivement la lumière.
Et là, c’est le drame…Je me redresse dans le noir, et il est deux plombes du mat’. Ignorant quand j’avais tout éteint pour me plonger dans les bras de Morphée, ce con a visiblement préféré me rendre mon livre de chevet et m’inviter à le terminer. Le félin, docile, a donc dans sa phase de pré-sommeil (vous savez, celle où on tombe) laissé son inconscient imaginer la suite du roman. Et comme tout rêve, je n’ai presque aucun moyen de savoir que je dors ni de contrôler (quoique…) ce que je lis.
Mais le pire n’est même pas encore arrivé ! Déjà j’ai en tête tous les fabuleux rebondissements produits par mon cerveau, et le quart d’heure qui suit est une déchirure entre l’envie physique de se rendormir (avec ce plaisant souvenir) et le besoin intellectuel impétueux de me lever pour de bon et coucher sur papier les nouvelles aventures du quelconque héros du pavé. Adaptées par les bons soins du Tigre, best-seller assuré. Cependant vous le savez autant que moi, sauf extraordinaire, après quelques minutes on ne se souvient de strictement rien. Sauf que c’était révolutionnaire comme idée. Frustration intense.
Mais surtout, le fâcheux arrive le lendemain. Soit j’ai laissé un marque page, et la reprise de l’œuvre me paraît terne et au ras des pâquerettes. Soit (pire) je ne sais plus où je m’étais arrêté, et là je suis bon pour reprendre tout depuis le début. Car le mélange entre réalité et rêve ne va pas s’arranger dans quelques heures, votre cerveau ayant fait un lien logique entre les deux : du coup, inutile de chercher le passage où le héros d’un Nothomb traverse un champ magnétique et tape la discute à Batman qui se marie sur Pluton avec Le Joker, celui-ci n’existe que dans votre imagination.
De même, si vous voulez reprendre là où Frédéric Beigbeder dégrafe le très facétieux porte-jarretelles d’Irma, la camériste de la grosse Castafiore, pendant que Tournesol concocte un peu de méthamphétamines dans son annexe, c’est que vous avez eu un épisode de lecture inconsciente. Et qu’il est temps d’arrêter de visionner du coin de l’œil un site coquin en regardant Breaking Bad suivi d’un Spielberg de très mauvaise facture.
Conclusion
Lire avant de s’endormir peut ainsi être dangereux, faire travailler son cerveau de la sorte peut amener ce dernier à vous jouer quelques fourberies. Plus dur est de reprendre le roman là où il avait été abandonné, car il y a fort à parier que vous ne vous souviendrez de plus grand chose.
Si cela vous est déjà arrivé, ou si vous avez des idées de scénarios encore plus idiots, vous êtes encouragés à livrer vos impressions. D’habitude Le Tigre n’incite pas au commentaire, profitez de l’exception.
Le jour lit, la nuit délie.
(elle est de moi celle-là)
Elle est très jolie.
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