Le Tigre a fouillé dans son armoire et a dégoté un costume de de Gaulle, évidemment accompagné de sa « certaine idée de la France ». Après m’être travesti, ce qui m’est venu à l’esprit est une « certaine idée du blog littéraire ». Certes ça en jette moins, mais Tigre est encore vivant. Et en profite, contrairement au Général, pour expliquer correctement le sens de cette dernière expression.
Code de déonto du Tigre ?
Plutôt que discuter de la manière dont j’imagine comment un blog doit se comporter, Tigre a sorti de son fécond cerveau le Code de Déontologie du Tigre, ci-après nommé le « CDT ». Mais précisons quelques termes d’abord, voulez-vous ?
La déontologie, qu’est-ce que c’est ? Du grec deontos, ce qu’il convient de faire, et logos, le discours. Pour faire simple, c’est l’éthique du félin appliquée à son exercice de blogueur.
Le blog littéraire, de quoi c’est fait au juste ? Ce doit d’abord être un blog : une ou plusieurs personnes (moins de douze, sinon c’est un wiki) qui sortent de leurs chapeaux, au moins une fois par mois (sauf si justifié par un certificat médical ad hoc), un article relatif à un objet littéraire. Définition toute personnelle, et l’adjectif « littéraire » est utilisé avec une rare extensivité.
Et comme souvent, dès qu’il s’agit d’un sujet à peu près sérieux sur lequel il convient de ne pas trop dire de conneries, Tigre fait l’inverse. Je vais donc aborder le code déontologique avec une insolente légèreté et une insouciance digne d’une écolière d’un institut catholique. C’est parti.
Les origines du Code
En fait, à chaque fois qu’une entreprise ou un auteur me contacte, je réponds qu’avec plaisir je lirais leurs bouquins, mais qu’il faut garder à l’esprit que ça ne m’empêchera pas d’en dire le plus de vilenies possibles. Et j’invoque à chaque fois un très spécieux code de déontologie. Qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui.
En sus, cela me permet de justifier à mes lecteurs une ligne de conduite concernant la façon dont je blogue. Le CDT n’abordera que l’activité dite de « critique », et je sais qu’il est d’autres sujets dont vous brûlez d’envie que j’aborde. Mais ceux-ci concernent le plus souvent la blogosphère en général.
Par exemple, il y a l’épineuse question de la modération des commentaires. Pour faire simple, Tigre est un grand maniaque (vous le savez déjà) et souhaite éviter qu’un de mes billets ne devienne un forum du style « préfères-tu les canins ou les félins ? ». Déjà que ma crédibilité ne vole pas bien haut… Ou alors les liens vers les blogs amis et partenaires, et là la doctrine du Tigre n’en est même pas au fœtus d’une ébauche.
Voici donc, en dernière partie, la déontologie tigresque de ses activités blogueuses et rieuses. Pas d’articles dans cet édifiant CDT, juste trois beaux principes qui guident quotidiennement Le Tigre.
Comment ?
I. La gestion des conflits d’intérêts (ci-après CI)
Qu’est-ce qu’un tel conflit déjà ? Juridiquement parlant, un CI est une situation dans laquelle un individu (Le Tigre) a, au cours de son activité (écrire d’édifiantes critiques), deux intérêts potentiellement divergents. Il ne faut pas qu’ils soient forcément contraires, seule la possibilité qu’ils n’aillent pas dans le même sens représente un CI.
L’exemple le plus courant est lorsque je suis en train de lire le bouquin qu’a écrit un de mes bons amis. Et si la chose s’avère dégueulasse ou digne d’un écrivaillon de cinquième zone, Le Tigre est déchiré (voire écartelé) entre deux impératifs : d’une part, je dois la vérité à mes lecteurs autant que j’aime dégommer (mais toujours avec courtoisie) tout roman qui me déplaît. Mais, d’autre part, je n’ai pas envie de faire de la peine à cet ami qui, en plus, était disposé à me prêter les clés de sa demeure sise sur les hauteurs de Saint-Raphaël.
Cependant, Le Tigre ne peut se cacher et éviter tout CI latent. Sinon ma vie sociale se réduirait à celle de Francis Lalanne. Dans au moins une critique il y aura toujours un os, un conflit qui attend en embuscade tel un vilain diable prêt à jaillir de sa boîte. Ainsi Le Tigre a choisi, dans un souci de transparence que les moins corruptibles démocraties nordiques m’envient, d’indiquer tout CI. Soit grâce à la page « partenariats » qui annonce les maisons qui m’envoient quelques titres, soit directement sur l’article (par exemple quand l’auteur, directement, envoie le fruit de son labeur).
II. La séparation des activités
Un peu d’économie d’abord. La crise de 2008 a révélé deux ou trois soucis dans la gérance de certaines banques. Pour ne pas dire toutes. Notamment que celles-ci exercent une activité de spéculation parallèlement à celle de dépôt. D’où l’idée de créer deux entités indépendantes afin que les placements hasardeux et toxiques ne viennent pas pourrir le livret A du Tigre.
Un blog littéraire, c’est pareil. Les billets « sans risque », ceux qui sont le cœur de l’activité du blogueur, sont les critiques littéraires et autres billets relatifs à cet art. Quant aux activités spéculatives, ce sont tous les autres posts où l’internaute raconte sa vie et parle d’autre chose : sa dernière recette de cookies ; son stupide clébard en train de dormir sur un canapé Ikéa ; les photos de son séjour à Mykonos ; la première dent de lait du chiard qui vient de tomber (attention double sens), etc. Car le danger est grand que ces dernières viennent polluer la critique littéraire.
Par conséquent, tout blogueur se doit de séparer le bon grain littéraire de l’ivraie quotidienne. Je sais que certaines personnes ne peuvent se résoudre à ne pas tomber dans de si terribles triviaux écueils, aussi le CDT ne peut leur interdire de faire mumuse sur leur site. Mais, de grâce, triez correctement vos articles et ne laissez pas de LOLcats rouler du cul entre deux billets, les logiciels de bloging le permettent : hébergement supplémentaire et gratuit d’un autre blog, création d’une catégorie à part, mise en place d’une page « perso » sur laquelle vos copines pourront commenter sur l’effet de la lumière naturelle sur votre vernis à ongle, double page d’accueil, et tant d’autres !
III. La déconstruction souriante
Déconstruction, parce que l’auteur / essayiste / illustrateur s’est fait chier de longues journées à mettre sur place son œuvre. La moindre des choses lorsqu’on ne l’apprécie pas est de la démonter avec la même application que celle-ci a été construite. Méthode et précision, faire dans le « constructif », je m’efforce d’aider l’artiste lorsqu’il s’est égaré. Après cela reste un avis personnel, donc il est normal qu’on s’en foute royalement.
Cependant, pour les auteurs connus, ou dont le style n’est pas votre genre par défaut ou encore avec lesquels vous êtes familier, il reste possible d’être plus léger sur la critique. Le Tigre l’a fait de temps à autre.
Être souriant, c’est lorsqu’on tire à boulets rougeoyants contre un titre, il faut le faire avec humour. Si Le Tigre parvient à arracher un rictus (ou mieux, un sourire) au lecteur ou au principal intéressé, le contrat est rempli. Rien de pire qu’un aigri qui tape sur votre travail comme un inquisiteur fait votre procès, mais lorsque ça ressemble au Tribunal des flagrants délires j’ai la faiblesse de croire que ça passe mieux.
Conclusion codée
Les médecins ont leur serment d’Hippocrate, il y a fort à parier que rapidement les blogueurs auront le serment du Tigre. Je pense à une réception solennelle, une prestation dans un endroit d’exception dont tous se souviendront. C’est donc naturellement que ledit serment se fera à l’Académie française. Cela fera une attraction pour la quarantaine de croulants qui y prennent racine. Je chargerai de la musette sur mon baladeur numérique et on transformera la coupole en un vaste thé dansant. Et pour les plus courageuses (et courageux), pécho un des immortels vous assurera quelques années dorées où il / elle vous enverra les romans qu’il reçoit.
Si ça vous paraît trop exigeant ou rigide, ne vous inquiétez pas : il arrive au Tigre (plus souvent à lui qu’à son tour) de faire quelques menues entorses au présent code.
Enfin, parfois je choisis le numéro du Sutra parce que celui-ci a quelque chose à voir avec le sujet traité. Ici, c’est le #25 car en 1825 est apparu, pour la première fois en France, le noble terme « déontologie ». C’est au cours de la traduction d’un essai du philosophe Bentham, si ça vous intéresse (pour ma part, je me suis arrêté à ce niveau d’explication).
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