Sous-titre : Liber Mundi, tome 1. Une affaire policière assez particulière qui se transforme, l’air de rien, en une brûlot littéraire d’une rare violence de la part d’un écrivain unique, il y a de quoi être scotché au roman – ou le lâcher sans regrets. Soit le lecteur accroche et adore, soit il déteste cordialement la prose résolument excessive (et quelque part révolutionnaire) de Dantec.
Il était une fois…
Ce lourd pavé démarre avec la triste découverte du macchabée d’une adolescente. Ça aurait pu s’arrêter là, hélas le corps a été « transformé » par le tueur qui a ajouté tout un tas de gadgets technologiques dans la défunte – quelque chose d’assez dégueulasse il faut convenir. Kernal, flic en charge de l’enquête, sait qu’on a affaire à un serial killer en puissance qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Critique de Villa Vortex
Tigre va être clair : je sais que j’attaque un énorme morcif de littérature, et accepte être passé à côté de pas mal de choses, notamment en ce qui concerne la partie philosophico-théologique d’un roman qui a plus de l’essai que du polar – même si ce dernier aspect, que je croyais définitivement abandonné en cours de narration, revient en force vers la fin sous la forme d’un techno-thriller futuriste de grand malade.
Tout d’abord, le héros. En déroulant plus de dix années de la vie du flic, il appert que Kernal est le témoin privilégié de l’Histoire du monde (Occident, du moins) de la chute du mur jusqu’aux attentats du 11 septembre, en passant par le conflit des Balkans – cher à l’écrivain français. Mais cette histoire, qui termine en apothéose par la « renaissance » du protagoniste (qui annonce dès le début sa mort prochaine), baisse très vite le rideau face à un lourd essai sur lequel beaucoup de choses peuvent être dites. Dès cet instant, Kernal devient Dantec (ou est-ce l’inverse), un homme qui, outre sa conversion, présente sa vision de notre monde.
Ensuite, le style de Maurice G.D. représente, à mon sens, une écriture unique qui donne l’impression d’aller dans un endroit froid, inconnu et terriblement stimulant. Riche, abondante et généreuse, l’écriture dantecque se dévore – avec quelques risques de crise de foie (hu hu) ici et là. L’essayiste a ses thèmes de prédilection, et bien que ses idées soient parfois discutables la manière dont son message est délivré ne laisse pas indifférent. Bon, il faut dire que Momo n’hésite pas à enfoncer le clou de sa vision du monde. Aussi ne vous inquiétez pas si vous vous sentez largué au début, ça finit par entrer.
En guise de conclusion (incomplète, je le crains), Villa Vortex est un joli ovni comme Le Tigre aime les lire. Il y a du génie mais aussi des passages plus ou moins horripilants que je n’ai guerre hésité à lire en diagonale. Parce qu’il ose poser ses couilles sur le clavier (façon de parler hein), l’écrivain/essayiste le plus insaisissable d’Europe mérite d’être lu au moins une fois dans sa vie.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
J’ai conscience que la pauvreté de cette partie vous autorise à me tomber lourdement sur le râble, aussi soyez un tantinet indulgent. Les félines connaissances en philosophie politique étant ce qu’elles sont, le cerveau limité du fauve ne retient pas forcément ce qu’il faut.
Outre les références à des philosophes et concepts qui m’échappent (même si je comprends de quoi cause l’auteur), la religion occupe une place prépondérante. Car Dantec y explique une partie de sa conversion au catholicisme. Disons une forme de catholicisme que certains trouveront aussi intransigeant que régressif (il en était déjà question avec l’héroïne de Babylon Babies), tandis que d’autres parleront de néo-christianisme où la science (merde, plutôt l’anticipation sociale mâtinée de SF) se marie avec la religion dans un somptueux bordel littéraire qui oscille entre charlatanisme le plus criard et scénarios révolutionnaires. La révolution. Le mot est lâché.
Plus généralement, Dantec est à la pointe de ce que j’appelle, en toute simplicité, la guerre littéraire. Car ce roman est le premier d’une trilogie intitulée Liber Mundi, sorte de manuel capable de renfermer tout ce qui a été et sera écrit. Jamais un auteur ne m’a aussi régulièrement fait l’effet d’un moine libre et guerroyant, seul comme un con (ce dernier terme étant affectueux) devant sa machine, pour des idées qu’il tente de nous faire partager. Que ce soit la mort de l’Europe en tant que réunion de démocraties déclinantes (islamisation, esprit de Munich, guerres civiles incessantes) ou les potentialités offertes par la science, Dantec est à même de bouleverser (en bien ou en mal) n’importe quel lecteur qui a la patience de venir à bout de ces 800 pages.
…à rapprocher de :
– La suite, Metacortex, approche l’imbitabilité.
– D’autres titres sont bien pires (ou meilleur, c’est selon) : Grande Jonction, Cosmos Incorporated,…
– Du père Dantec, les pures fictions sont La sirène rouge (polar), Les racines du mal, (l’anticipation sociale débarque), Babylon Babies (la SF s’invite) suivi de Satellite Sisters (grosse déception). Tout ça dans l’ordre, chouette. Quant au one-shot Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute, c’est pas mal du tout.
– Pour saisir mieux le personnage, lire ses Théâtre des Opérations peut s’avérer très utile les amis – en comptant American Black Box, ça fait trois.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Maurice G. Dantec – Les Racines du mal | Quand Le Tigre Lit
Ping : Maurice G. Dantec – La sirène rouge | Quand Le Tigre Lit
Ping : Maurice G. Dantec – Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute | Quand Le Tigre Lit
Ping : Maurice G. Dantec – Babylon Babies | Quand Le Tigre Lit
Ping : Maurice G. Dantec – Satellite Sisters | Quand Le Tigre Lit