VO : Speed-Speed-Speedfreak – A fast history of amphetamine. Poursuivant la pétillante lancée dans la culture underground de Camion noir, Le Tigre a pris un certain plaisir à lire ce voyage temporel sur une drogue crainte en ce bas monde. Finement documenté, images à l’appui, pédagogique tout en étant caustique, cet ouvrage mérite d’être lu par tous, et ce en raison d’un large tour d’horizon, bien au-delà du speed.
De quoi parle Accroc au speed, et comment ?
L’auteur, qui est fin connaisseur du sujet, propose un aller simple vers le monde des amphétamines, de leur création jusqu’aux nouvelles drogues de synthèse qui en découlent, en passant par la communauté gay de Frisco. Le bouquin est décomposé en plus d’une dizaine de chapitres, suivant un ordre logique que le lecteur appréciera : premières synthèses du produit, utilisation par les armées, interdictions progressives des différents produits liés aux amphèt’, effets primaires et secondaires de cette drogue, guerre entre producteurs, et contre les pouvoirs publics,…tout y est.
Petit mot sur cet auteur, Mr Farren, qui est « multi casquettes » : journaliste, écrivain, chanteur dans un groupe de punk, chantre de la contre-culture anglo-saxonne, le monsieur sait de quoi il parle. Pedigree de l’auteur pour insister sur l’objectivité toute relative de l’ouvrage. Ni pro-drogue ni moralisateur, l’auteur aime pointer les incohérences des décisions gouvernementales dans la guerre contre la drogue ou présenter des études dont la méthode scientifique est loin d’être parfaite.
Justement, un sujet aussi grave et sérieux que les méthamphétamines et ses dérivés, ce n’est pas une mauvaise idée de le traiter par quelqu’un qui a de la bouteille dans ce domaine ; et de surcroît les choses sont présentées sans fard et de manière parfois humoristique. On se surprend à sourire lorsque Mick F. donne quelques détails ou anecdotes savoureux, la lecture de ces 250 pages en est largement facilitée.
L’homme moderne curieux de tout pourra lire rapidement ce documentaire, tout en gardant son esprit critique et en pardonnant les menues erreurs de l’ouvrage : quelques discrètes fautes d’orthographe, incohérences sur certains chiffres lorsque des millions se transforment en milliards ou inversement, et…on passe du chapitre 10 au chapitre 12. Et oui, le onzième, à la trappe ! Erreur de l’auteur, du traducteur, du relecteur, de l’imprimeur ?
Ce que Le Tigre a retenu
Énormément de choses sont dites, certaines se retrouvant facilement sur le net, aussi Le Tigre va se concentrer sur ce qui a marqué :
L’utilisation des amphétamines par les armées de ce monde, proprement renversant. Si on carburait au cognac lors de la Grande guerre, les autres ont été un vivier d’expérimentations tout à fait remarquable. Les kamikazes bourrés d’amphèt’ et d’autres drogues, ou le chapitre sur les addictions d’Hitler, avec son docteur « grande seringue du Reich », dépassent l’entendement. De la guerre conventionnelle à la guerre économique il n’y a qu’un pas, avec la ménagère de moins de 50 ans qui se « shoote » pour supporter son boulot de dactylo (ou un ouvrier, sportif,…) et effectuer la même tâche sans discontinuer.
Si cette drogue était au début un médicament (qui en moins d’un an guérit de deux à une trentaine de maladies) utilisé à tort et à travers, l’auteur rend bien compte du développement, à partir d’une simple molécule, de plusieurs drogues : MDMA, MDME, X, crystal meth, shiba (au Japon), redécouverte des propriétés de l’éphrédine, du vrai name droping !
Les effets, entre dépendance, paranoïa extrême (on sait ce que prennent les théoriciens du complot en général), agressivité, troubles sexuels justifient la mauvaise presse (les médias exagérant hélas souvent) de cette drogue. Le crystal meth, surtout, est aux amphétamines ce que le crack est à la cocaïne. Les paragraphes sur la meth, la communauté gay et le VIH sont en sus très éclairants. Avec une photo d’Al Pacino dans un film remarquable en bonus.
Très instructif et d’un gâchis sans nom, c’est quand on remarque les réactions des administrations (américaines en particulier) qui dépensent des milliers d’hommes et des milliards pour lutter contre quelque chose qui semble ne jamais pouvoir disparaître. Des Égyptiens aux Chinois, les stimulants dangereux pour la santé ont toujours existé. La DEA fait des descentes dans les petits labos d’Américains moyens, lorsque les usines roulantes des cartels produisent des millions de pilules en 48 heures. L’accent est mis sur la répression et la diabolisation du consommateur (le jeune rebelle a une raison de plus d’enfreindre ces lois) alors que ce dernier a surtout besoin de soins et de temps pour vaincre sa dépendance. Triste.
A ce titre, le dernier chapitre semble faire le point et livre une analyse qui ne manque pas de pertinence : la meth, et ses épidémies de 2005 qui ont fait un certain ravage dans le monde rural américain, est au final comme toute drogue : largement utilisée à ses débuts, avec des laboratoires pharmaceutiques qui en produisent de qualité. Honnie ensuite, jusqu’à l’interdiction des produits même qui concourent à sa synthèse (liquide de nettoyage de piscine, médicaments contre la grippe, éphrédine,…). Enfin qui est passée de mode, avec à la clef de nouvelles substances qui auront plus de succès et seront les nouvelles cibles du pouvoir qui ne pense qu’en terme de répression. Hélas lutte contre la drogue et droits de l’homme ne font pas bon ménage en Occident.
à rapprocher de :
– Bien avant le speed, Louis Lewin s’est attaché à décrire tout sur les drogues du début du XXème siècle dans Phantastica. Un essai de référence, qui hélas a un peu vieilli.
– Dans un roman de Ken Bruen, le héros, Jack, s’essaie rapidement aux amphétamines, et c’est la fête dans sa tête.
– Les relations entre les drogues en général et la musique valent bien un essai, chez le même éditeur : Waiting for the Man, de Shapiro.
Sur le speed, les amphets, la meth, les œuvres sont légion :
– Breaking Bad, série qu’il convient de regarder pour se faire une bonne idée. Je ne parle pas des petits laboratoires de consommateurs ou des cartels mexicains, tout est dans ces épisodes (à partir de la saison 3 cependant concernant les cartels).
– Quelques épisodes de Queer as folk (version U.S.) traitent de la dépendance d’un des héros au « crystal », et montrent à quel point on peut descendre bien bas.
– Les documentaires existent également en grand nombre, certains produits aux EUA et à fort potentiel anxiogène et excessif dans les descriptions (surtout quand ça sort sur Fox News).
– Même s’il en prend moins que d’autres drogues (Le Tigre fait référence à Las Vegas Parano), Hunter S. Thompson a pondu un roman sur les Hell’s Angels, grands producteurs de méthamphétamines avant de se faire déloger par la DEA. Cette dernière ayant directement aidé à l’essor des cartels mexicains (qui avaient champ libre), dont les drogues étaient de moins bonne qualité.
Enfin, si votre librairie est fermée ou ne vend pas « des trucs de junkies », vous pouvez le trouver en ligne ici.
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