VO : O Alienista. Un docteur qui se met en tête de soigner l’esprit malade de ses contemporains, avec une technique hasardeuse qui connaît de sérieux abus… L’histoire d’une escalade médicale est intéressante, toutefois je n’ai pas été foutu d’accrocher l’œuvre. Sans aucun doute la faute aux illustrations. Dommage.
Il était une fois…
Fin 19ème siècle. Simon Bacamarte, fraichement diplômé, pose ses pénates dans un village sis on ne sait où au Brésil. Il décide d’y construire un asile d’aliénés, un truc à la pointe de la recherche médicale d’où il pourra, à loisir, étudier la folie humaine. Pour cela, le bon docteur a la main lourde : il enferme plus de personnes par jour qu’une péripatéticienne brésilienne fait de passes au bois de Boulogne. Mais qui est le plus dingue dans cette histoire ?
Critique de L’Aliéniste
J’ai comme qui dirait un énorme souci avec cette bande dessinée. 72 pages, et près de 10 jours pour en venir à bout. L’envie de continuer l’ouvrage s’amenuisait de jour en jour, infoutu que j’étais d’apprécier les dessins des frères jumeaux Ba et Moon. Les deux Lusitaniens, qui ont repris un classique de leur pays, ont profondément déçu Le Tigre.
Car tout vient de Joaquim Maria Machado de Assis (oui, c’est son nom), écrivain décédé au début du 20ème siècle et dont je ne connaissais rien. Avec son court texte L’aliéniste, Machado de Assis créé un monde hors du temps, un lieu isolé et complet où sévit un homme qui, par son statut de médecin, bouleverse l’existence de tous les habitants. Le mec comme de manière soft en amenant les dingues les plus « incontestables » dans sa Maison Verte, et une nouvelle forme de dictature se met en place (avec l’accord de la municipalité) pour enfermer toujours plus de personnes – certaines paraissant saines d’esprit. Sa femme, éperdument amoureuse, bronchera à peine quand elle sera « invitée » à séjourner dans l’asile.
Les gens se rebellent un peu, l’armée intervient, et tout rentre dans l’ordre (assez invraisemblable). Au surplus, les illustrations n’ont guère trouvé grâce à mes yeux exigeants. Si les traits sont indéniablement réussis (la finesse des traits apportant aux décors et personnages une touche d’une rare poésie), les tons marrons/jaunes choisis par les auteurs m’ont filé une migraine à damner un saint, une vraie plaie où lire le texte ne fut pas une partie de plaisir. Imaginez un film de Jeunet (avec le filtre jaunasse) puissance dix, le flou en plus, et vous aurez une vilaine impression de brumeuse noyade ouatée, onirique mais difficile à saisir.
En guise de conclusion, la valeur ajoutée de la mise en images est, à mon humble niveau, aussi importante que l’apport de Basile Boli à la philosophie herméneutique. Faire de cette nouvelle un roman graphique était parti d’une bonne intention, néanmoins la voie prise par les illustrateurs n’est pas du tout mon genre, le résultat est lourd à digérer pour les yeux – même si celui-ci a un certain cachet.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Désolé, ça va progressivement spoiler. Pour un roman des années 1880, ça pose toutefois moins de problèmes non ?
Mais où se trouve cette putain de frontière entre la folie et la santé mentale ? A partir de quand peut-on considérer que son prochain est fou à lier ? On sent bien qu’il y a comme un crescendo odieux dans le comportement de Simon Bacamarte, en outre ses proches (dont l’apothicaire, sorte de Sancho Pansa brésilien) mettent du temps à lui dire qu’il fait de la merde. Lorsque Simon a mis une belle partie de la populace dans l’asile, aucun traitement ne sort du lot, faute de diagnostic bien établi. Le docteur finit par estimer que le déséquilibre mental fait partie prenante de tout être humain, aussi ce sont les individus les plus sains d’esprit (sans passions, neutres) qui seraient les plus malades. L’idée d’un tel renversement de la médecine, certes basique, n’en est pas moins rendue avec une puissance dramatique qui laisse des marques.
L’auteur brésilien va plus loin lorsque le doctor a une révélation : il a traité tout le monde, n’a avancé en rien dans le traitement de la folie, tous semblent normaux…sauf lui, car sa perfection doit forcément être une forme d’atteinte de l’esprit. C’est pourquoi il finit par décider d’être le propre cobaye de ses expériences de pensées les plus absconses, pensant qu’il est le sujet parfait de ses études. Oui, j’ai eu le même double constat que vous : le héros est un doux dingue qui a achevé de tourner en rond, en plus de mettre sur pied, loin d’Europe, l’ébauche du noble art de la psychanalyse. Sacré Simon !
…à rapprocher de :
– Du père Ba, Tigre a lu Daytripper (superbe dessin, scénar’ un poil chiant) ou The Umbrella academy (avec Gerard Way, décevant également).
– Le sujet de ce titre m’a furieusement rappelé l’essai Les plus fous ne sont pas ceux qu’on croit, de Manfred Lutz.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman graphique en ligne ici.
Peut-etre que le bouquin est mieux? L’histoire a la base a l’air interessante…
Sinon j’ai cherche le sens d’Hermeneutique que j’avais oublie. La note wikipedia m’en a rappele la signification mais aussi pourquoi j’avais choisi d’oublier ce mot.
Sachant que la plupart des bulles sont extraites du roman, ça m’a l’air plutôt docte mâtiné d’un désuet pince-sans-rire. Quant à l’herméneutique, je n’ai aucune idée de ce que c’est. Mais le mot est très joli à l’oreille.
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