VO : Petit recueil d’un blog que je suivais jadis, la Perry Bible Fellowship (ci-après PBF) est le travail d’un artiste américain à l’humour noir et au dessin souvent onirique. Une mini-planche par page, trois à quatre cases par planche, quelques bonus, de très bons passages, il y a largement de quoi se taper sur les cuisses.
Il était une fois
Nicolas Gurewitch a tenu le webcomics PBF (en lien) jusqu’en 2008, et a grâce à celui-ci gagné de nombreux prix. Cet ouvrage regroupe l’intégralité de ses dessins, en plus d’autres qu’il n’a pas osé publier sur le net.
Critique de The Perry Bible Fellowship Almanack
Normalement, Le Tigre ricane seul face à son écran en cliquant sur quelques liens de BDs plus ou moins undergrounds présentes sur le web. Les avoir sur papier relève alors du caprice, comme une envie de parcourir, en dur, l’humour parfois dévastateur de Gurewitch. Sur 200 histoires, il y a un bonne moitié qui a déclenché en moi un réel sourire. Certes, quelques planches m’ont laissé de marbre, soit parce que le thème a été rabâché des tonnes de fois, soit parce que je n’ai rien bité – même si la barrière de la langue n’est pas un problème dans cet opus.
Nicholas G. jongle avec les sujets avec un certain brio, rien n’est laissé au hasard : un peu de minorités (LGBT notamment) ; de solides références culturelles (certaines ont du me passer au-dessus de la tête) : beaucoup d’animaux dans tous leurs états (les dinosaures, grandes stars) ; énormément de vilains (meurtriers, pédo, mafia), de la fantasy (E.T. blagueurs notamment), l’auteur est éclectique et ne se cantonne pas à un seul sujet.
Quant au dessin, il faut reconnaître que la qualité est au rendre-vous – l’auteur a dû passer beaucoup de temps dessus. Les couleurs vives inspirent énormément de souvenirs (Crumb, Disney,…), comme si on lisait ce que produit un bon copain. Bref, encore un énième webcomics qui a décidé de publier ses bonnes œuvres, et le résultat est plutôt réussi. Remercions également l’éditeur, qui a relativement bien géré le ratio qualité/prix.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce qui m’a marqué, au premier abord, est le décalage. Il y a quelque chose de profondément malsain, par exemple, entre des illustrations sorties des années 50 (ou prises sur des blogs kawaï) et les horreurs racontées. Car l’artiste semble porté sur la reprise de styles communément connus, du coup le « choc de genre » n’est pas loin. De même, le vocabulaire a souvent quelque chose de désuet, comme si on lisait un texte du 19ème siècle. La police d’écriture y est sans doute pour quelque chose, mais quoiqu’il en soit le contraste visuel/thème tend à décrocher plus d’une mâchoire.
Le must, la barre de rire ou le froncement de sourcil (le cas échéant) surviennent toujours dans la dernière case. C’est un peu l’image finale qui tue, l’effet kiss-cool du dénouement. En fait, la fin apporte souvent une différence de perspective. On peut être dans un registre classieux et logique, puis on tombe dans le glauque ou le graveleux. Un début digne d’un dessin animé pour gamins se terminera, immanquablement, par une saloperie que seul un adulte dérangé pourrait imaginer. De même, de terribles fléaux frappant l’Humanité ne seront que d’aimables plaisanteries vue d’ailleurs.
Pour conclure, Nicholas Gurewitch est le mec qui pense « out of the box », l’artiste qui parvient à relativiser les grandes problématiques de ce monde en les contournant avec une pirouette humoristique – car inattendue. Salutaire comme tout.
…à rapprocher de :
C’est parti pour quelques références d’humour de ce genre :
– Et ça vous fait rire ? voire DJ set, d’Hugleikur Dagsson, est bien plus noir (et vilain), avec des illustrations qui n’en sont pas vraiment – un gamin aurait pu les faire.
– J’ai souvent pensé au Pinocchio de Winschluss, notamment à cause des dessins gentillets mais qui envoient du lourd.
– L’auteur le confesse volontiers, son dessin est grandement inspiré de Crumb. Faudrait que je résume quelques ouvrages de Robert C. un de ces quatre.
Enfin, si votre librairie américaine est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.
Ping : Hugleikur Dagsson – DJ Set | Quand Le Tigre Lit
Ho je ne savais pas que c’était sorti en recueil, je fous ça dans ma wishlist direct !
Quelques planches inédites (dont celles qu’il n’osait pas publier sur internet) en prime. Le recueil ressemble vraiment à un Almanach : gros, lourd, et horizontal.
Ping : Hugleikur Dagsson – Et ça vous faire rire ? | Quand Le Tigre Lit