VO : Iron Dream. Titre original, roman dans le roman, voici ce qu’aurait pu écrire le bon Adolf s’il avait eu la bonne idée d’émigrer aux États-Unis plutôt que faire n’importe quoi en Allemagne. Histoire onirique à l’arrière-goût fasciste, le travail d’imitation de Spinrad est plutôt bon. L’uchronie doublement littéraire, c’est rare.
Il était une fois…
Définitivement dégouté par la défaite de l’Allemagne lors de la Grande Guerre, Hitler émigre aux Etats-Unis après une courte carrière de peintre. Une fois sur place, le monsieur se découvre une vocation d’écrivaillon. En fait de littérature, c’est Le Seigneur du Svastika (son troisième roman), titre de science-fiction qui reçoit un énorme succès. C’est du moins l’uchronie imaginée par Spinrad qui nous propose avant tout la lecture de ce roman écrit par un individu séparé de sa patrie d’origine.
Critique de Rêve de fer
Attention, lecteur plus ou moins ignorant, ce n’est pas un roman comme les autres. Il faut garder à l’esprit que Rêve de fer est un délire assez bien foutu d’un grand auteur de SF qui a pris plaisir à imaginer ce qu’un esprit torturé comme celui du Führer pourrait bien créer dans le domaine littéraire. Pour cela, Spinrad nous présente la courte uchronie d’Hitler et de son environnement (où les Soviétiques ont mainmise sur une grande partie de l’Europe), émigré en Amérique et qui par ses publications a reçu un joli paquet de récompenses dans le monde de la science-fiction.
Quant à l’histoire, nous suivrons un héros bien burné qui répond au doux nom de Féric Jaguar et évoluant dans un monde dégueulasse (retombées de guerre nucléaire obligent) peuplé de mutants. Note héros a quitté son pays envahie par les Doms (dominateurs, forcément le vilain juif) qui asservissent les mutants, et se fait un nom dans sa patrie de cœur, où seuls les purs de race peuvent vivre. Le jeune homme prend du galon, prend la tête du pays, envahit les autres, devient maître du monde, bref c’est le grand délire.
Sur le style, Le Tigre s’est demandé à plusieurs reprises si l’aspect oldschool du texte est plus dû à la date de parution (écrit au début des années 70) qu’à l’exercice de style de l’écrivain qui s’est lâché en vue de rendre compte des lubies du premier des nazis. A mon humble avis, la deuxième solution est à retenir tellement l’œuvre est excessive et caricaturale, tout en offrant au lecteur de quoi se creuser le ciboulot.
Au final, un bon moment de passé avec une histoire principale plutôt courte (300 pages) et qui se lit vite, si on veut bien pardonner les longues scènes de batailles qui reprennent les plus grandes heures de toute propagande militaire. Bouquin à lire au second degré, il n’est pas impossible que ce soit, pour les plus émotifs, un peu écœurant à la longue : les répétitions de thématiques racistes y sont en effet légion.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La mise en abyme. Déjà, Spinrad prend la place d’un éditeur qui nous présente un illustre écrivain, Adolf Hitler, qui a produit ce que la SF ferait de mieux. Biographie de l’auteur, quelques indices sur la géopolitique uchronique de l’univers (les conditions en fait) dans lequel Hitler a écrit, c’est relativement immersif. En outre, si le livre semble avoir tant de succès dans ce monde particulier, c’est également par le sort funeste réservé aux mutants contrôlés par les Dominateurs qui représentent un État qui n’est pas sans rappeler l’URSS. Bref, ce qui plairait à l’Américain des années 70.
Le paradigme nazi, notamment la pureté raciale. Le héros du livre, Herr Jaguar, a tout du parfait soldat aryen : grand, fort, intelligent, bagarreur, exempt de tout vice physique, le beau gosse en quelque sorte. Quant à son évolution, entre prise de pouvoir par la force et élimination des premiers alliés, c’est presque calqué sur la montée du NSDAP. Spinrad va plus loin en imaginant jusqu’où irait l’idée de race parfaite, puisque dans Le Seigneur du Svatiska (titre imaginé par Hitler), des dernières explosions nucléaires de l’ennemi détruisent définitivement la santé de l’Humanité. Pour y remédier, stérilisation générale (les camps ne suffisent plus) puis création de clones envoyés dans l’espace avec de grandes fusées, allégorie à peine cachée de la mâle éjaculation vers d’autres planètes/ovaires.
…à rapprocher de :
– Sur le même thème (uchronie), avec encore Spinrad, vous pourrez vous reporter sur Le Printemps russe (volume 1 et volume 2 en liens). Les soviétiques au pouvoir, décidément… Sinon, Jack Baron et l’éternité était également choquant.
– Encore dans l’uchronie, il y a bien sûr Le Maître du Haut Château, de K. Dick, ou encore La Séparation de Priest.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Norman Spinrad – Le Printemps russe, Vol. 2 | Quand Le Tigre Lit
Ping : Norman Spinrad – Le Printemps russe, Vol. 1 | Quand Le Tigre Lit
Ping : Philip k. Dick – Le Maître du Haut Château | Quand Le Tigre Lit
Ping : Eric-Emmanuel Schmitt – La Part de l’autre | Quand Le Tigre Lit
Ping : DodécaTora, Chap.UC : 12 uchronies à parcourir | Quand Le Tigre Lit
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C’est bien parce que c’est nul. Mais c’est nul. Même si c’est bien.