VO : Great North Road. Dans un futur pas si lointain, où l’Homme est capable de se télétransporter d’un monde à l’autre, le meurtre d’un homme met l’Europe en émoi. Pourquoi, mais surtout comment est-ce arrivé ? Tandis que l’enquête policière piétine, les autorités décident de mener doublée une expédition scientifico-militaire. Premier opus terriblement efficace, même si de la part de cet auteur le sense of wonder se fait attendre.
Il était une fois…
En l’an 2143, la ville de Newcastle (pas loin de l’Écosse) vit dans l’opulence grâce à un portail transpatial menant vers St. Libra, planète immense dont les conditions climatiques sont proches de la Terre – et où est cultivé un biocarburant fort précieux. C’est dans cette ville au nord de l’Angleterre qu’est tué un North, membre d’une puissante famille. Chose bizarre, cet assassinat ressemble fort à une autre affaire datant d’une vingtaine d’année.
Critique du premier tome de La Grande Route du Nord
[D’habitude le fauve traiterait le roman dans sa globalité, surtout que celui-ci est sorti en un seul tome en VO. Mais y’a tellement à dire sur les ouvrages de Peter F. H. que je préfère lâcher mes impressions dès maintenant]
Très souvent avec l’auteur anglais, les premières pages offrent quelques dates importantes permettant de savoir où en est l’Humanité. Voilà ce qu’il faut savoir :
1) Les connexions transpatiales existent, et grâce à elles des portails permettent de passer de la Terre à n’importe quel endroit de l’univers. Très vite les nations (les U.S.A., la Chine, la Grande Europe) mettent en place leur propre organisation pour explorer le vaste monde.
2) Hélas, il y a comme une sorte de virus/ennemi E.T. qui commence à attaquer les colonies humaines dispersées aux quatre coins de l’univers. Le Zanth, menace aussi vive qu’impossible à appréhender, consiste en une corruption des lois de la physique qui détruit tout sur son passage en dégringolant du ciel tels des anges de cristal de taille imposante – un exemple vibrant sera donné en fin d’ouvrage.
Maintenant, la petite constante propre à l’auteur anglais (il y en a d’autres) : le pouvoir au main des grandes dynasties, en particulier les North. Prenez un richissime vétéran de la guerre d’Afghanistan, Kane North, qui entreprend au cours du XXIème siècle de se cloner. Plus d’un siècle après, vous avez une famille de clones répartie en trois catégories (A, B et C) : les descendants d’Augustine (lequel s’occupe de l’industrie familiale, à savoir le biocarburant de St. Libra) ; ceux de Baltram, personnage attaché à obtenir les clés de l’immortalité ; et ceux de Constantine, lequel s’est exilé autour de Jupiter pour travailler sur l’interface homme-machine.
Si le félin vous parle de cette famille, c’est parce que malgré les dizaines de personnages que le lecteur suivra, il y a toujours un lien avec les North. Aussi, lorsque le roman démarre par le décès d’un inconnu qui n’est pas sans rappeler l’assassinat de Baltram deux décennies auparavant, la police de Newcastle (chapeautée par Sidney Hurst) ne met pas longtemps à identifier la victime : c’est un North, mais lequel ? Aussi une grosse partie du roman consistera à l’évolution de l’enquête, passages assez longuets sur lesquels le félin n’aimait guère s’appesantir – Tigre a connu mieux question techno-thriller .
Plus intéressants sont la mise en œuvre et le déroulement de l’expédition scientifique sur la planète St. Libra. Suivant tour à tour un pilote d’hélicoptère, un soldat ou une consultante, le lecteur aura l’occasion de sentir l’aspect SF inquiétant du roman, à savoir une menace sourde qui fait que des membres de l’équipée passent régulièrement l’arme à gauche, sans doute à cause d’une entité extra-terrestre dont on ne sait rien. Pour renforcer l’immersion dans un univers qui n’est pas sans rappeler ceux déjà développés par Peter F. Hamilton (les impressions de déjà-vu sont nombreuses), quelques flashbacks sont dosés ici et là dans la narration.
Ce sont ces courts passages qui démontrent, si besoin est, la créativité de l’écrivain. Des problématiques pas si futuristes que ça sont posées : la manière dont il a été mis fin à un cartel, mais surtout la vie immensément riche d’Angela Tramelo, véritable héroïne du roman. Car cette jeune femme, outre le fait qu’elle est une « 1 sur 10 » – c’est-à-dire qu’elle ne vieillit que d’une année tous les dix ans -, semble en fait être le rare protagoniste qui a une idée de ce que s’apprête à affronter ses camarades. Présente lors de l’assassinat de Baltram, prisonnière des geôles anglaises pendant 20 ans, libérée en vue de participer à l’expédition, Angela mériterait un roman rien que pour elle.
Bref, encore un titre qui appelle à lire sans attendre la suite. Laquelle a intérêt de répondre à quelques questions.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le titre renvoie à la route bâtie par les Romains et menant vers le mur d’Hadrien. Cette construction avait pour objectif de protéger l’Empire contre l’ennemi venant du Nord, à savoir les hordes barbares écossaises dont les Romains ignoraient beaucoup. Dans le présent roman, la situation est encore plus diffuse pour nos héros : il appert de plus en plus probable qu’un E.T. avec des mains faites de griffes se balade sur Terre – même si la thèse du règlement de comptes par gangs interposés reste séduisante. Pourquoi tuer un North, et surtout comment s’y-est-il pris ? L’autre question peu abordée (donc potentiellement cruciale) concerne la planète St. Libra : d’où sort ce grand paradis ? La planète paraît avoir été façonnée en un temps extrêmement court, et seule une civilisation extrêmement puissante peut réaliser tel exploit. Face à autant d’inconnues, une certitude : l’Humanité est immensément fragile, notamment à cause des portails dont l’efficacité en termes de protection est similaire au mur d’Hadrien.
A toutes fins utiles, Peter F. Hamilton décrit un futur relativement optimiste avec des contingences pas si différentes d’aujourd’hui – trouver un appart’, composer avec les politiciens, mener une enquête policière. La différence concerne les moyens dont disposent les autorités pour surveiller ses concitoyens, en particulier les particules intelligentes disséminées dans les villes et qui fonctionnent comme des millions de caméras. L’auteur donne un exemple d’utilisation de ce maillage pour créer une simulation aidant à savoir ce qui a bien pu se passer avant un meurtre. Bien évidemment, les flics se heurtent à l’intelligence des criminels qui ont une longueur d’avance sur eux. Le citoyen lambda n’est pas totalement démuni face à la toute puissance de la surveillance dont il peut s’échapper : comptes bancaires secondaires cachés de l’administration fiscale (même les flics y ont recours) ; discrets logiciels espions (Saul et Angela ont la chance d’en posséder) ; identités multiples ; etc.
…à rapprocher de :
– Vous vous doutez que je suis un habitué de cet auteur. Jugez plutôt : L’Aube de la nuit, (la base, c’est de la bonne) ; La Saga du Commonwealth (miam) ; La Trilogie du Vide (suite directe de la dernière saga qui envoie du très lourd) ; voire La Grande Route du Nord (tome 1 et tome 2 sur le blog), un tantinet décevant. Sans oublier les one-shot que sont Dragon déchu (un putain de must !) ou Misspent youth (sans plus).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Peter F. Hamilton – La Grande Route du Nord, tome 2 | Quand Le Tigre Lit
Hamilton, en général, c’est du lourd. Le personnage est lui-même intéressant, j’ai eu le bonheur de modérer une table-ronde où il était présent lors des dernières Intergalactiques de Lyon.
Bonne lecture de la suite et, si tu es fan de sa Saga du Commonwealth, procure-toi vite « L’Abîme au-delà des rêves »… C’est un nouveau développement 🙂
Ha ha, merci du conseil. J’avais plus vibré en rencontrant Alastair Reynolds que Hamilton personnellement ^^
Coïncidence, j’avais les deux à la table ronde 🙂
Ping : Peter F. Hamilton – Misspent Youth | Quand Le Tigre Lit
Ping : Peter F. Hamilton – Dragon déchu | Quand Le Tigre Lit
Ping : Peter F. Hamilton – La Trilogie du Vide | Quand Le Tigre Lit
Ping : Peter F. Hamilton – La Saga du Commonwealth | Quand Le Tigre Lit
Ping : Peter F. Hamilton – L’Aube de la nuit | Quand Le Tigre Lit