[VO : The Lady of Zagreb]. Gunther est de retour, plus cynique et amoureux que jamais. Cela commence par une conférence des polices européennes fort ennuyeuse, et se termine par le souvenir d’une histoire d’amour avec la plus belle femme du monde. Entre les deux, de quoi faire basculer la neutralité de la Suisse ou mettre à mal la position d’Himmler en personne.
Il était une fois…
Le résumé proposé par l’éditeur est complet, rien à rajouter :
« Été 1943. Joseph Goebbels, ministre chargé de la propagande, demande à Bernie Gunther de retrouver la splendide Dalia Dresner, étoile montante du cinéma allemand en fuite à Zurich. Le détective ne peut refuser. Très vite, cette mission, à priori aussi engageante que l’objet de la recherche, prend un tour bien sinistre. Le père de la belle est un Croate antisémite de la première heure, sadique notoire, qui dirige un camp de concentration, tristement célèbre, de la région. Au même moment, la police suisse exige que Gunther fasse la lumière sur une vieille affaire qui risque de compromettre des proches de Hitler… »
Critique de La Dame de Zagreb
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut savoir que le félin a lu cet ouvrage en deux temps (séparés de deux bons mois), ce qui n’a pas aidé sa compréhension globale du sujet. Il faut dire que l’auteur britannique se plaît à rajouter des intrigues au beau milieu de l’intrigue principale, sans compter les évènements historiques qui ont leur importance dans la suite du récit.
S’agissant de l’histoire principale, la mission du héros est simple : faire en sorte que la belle Dalia, actrice dont s’est énamouré le claudiquant Goebbels, ramène ses fesses à Berlin où l’attend un film à tourner. Pour cela, Gunther file en suisse et se voit contraint d’aller enquêter sur le père de Dalia – qui se révèle être un homme abject, mieux vaut lui dire qu’il est mort. Au surplus, l’actrice n’est pas insensible au charme (mélange de désespoir et de cynisme) du héros qui se retrouve en moins de deux dans son lit.
En parallèle, le flic berlinois se fait quasiment alpaguer par les Suisses désireux d’en savoir plus sur les affaires d’une certaine société (Nordhav ou quelque chose de ce genre) important d’importantes quantités de matériaux depuis la Suisse. Rapidement, l’enquête prend un tour très politique, avec l’implication de hauts fonctionnaires pour faire croire à Hitler qu’envahir la Suisse serait tout sauf une bonne idée – en créant un faux plan de défense particulièrement retors mais crédible.
En outre, rajoutez quelques espions américains confondant Gunther avec le général Shellenberg, la SS désireuse de faire taire le protagoniste qui en sait trop, et un meurtre non résolu dans le lac devant la maison où vit Dalia et son cocu de mari, et voilà suffisamment d’ingrédients pour ne pas miser un kopeck sur l’avenir de Gunther…qui s’en sort évidemment avec un cul plus que jamais bordé de nouilles.
Ces différentes intrigues auraient pu aisément tenir en trois bouquins, seulement Kerr a décidé de tout regrouper, quitte à perdre le lecteur peut attentif. Heureusement que le style reste fluide, efficace, avec juste ce qu’il faut d’humour désabusé pour supporter les horreurs de la guerre (notamment le voyage en Croatie) et l’indécence des petits arrangements.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Difficile de faire un tri parmi tous les sujets abordés, toutefois il est une constante dès les premiers chapitres : l’amour impossible, surtout celui entre Gunther et Frau Dresner. Une femme magnifique, hors du temps et de la guerre, sachant jouer de ses charmes et qui n’a pas la sexualité dans sa poche. Le temps que les tourtereaux passent ensemble est un bonheur partagé, et ce malgré les divers contretemps qu’ils subissent – mari suspicieux d’un côté, longues enquêtes et enlèvements de l’autre. Sauf que le lecteur se doute que les aventures de Gunther ne peuvent que se poursuivre sans Dalia, laquelle joue dans une division supérieure. Sans compter que le Reich a pris soin d’accrocher une assurance de retour au héros, à savoir un prompt mariage avant son départ en suisse (avec une femme quelconque mais gentille) afin que ne pas revenir à Berlin ne lui traverse pas l’esprit.
Philip Kerr nous relate, certes rapidement, une des atrocités de la guerre moins connue de votre serviteur : le consciencieux massacre, par les Croates (menés par l’Oustachi Ante Pavelic), des Serbes en plus des victimes « habituelles » (Juifs et Tziganes). En effet, en cherchant le père de Dalia, qui s’est fait moine quelque temps, Gunther traverse un pays sous la coupe des Nazis et mené par des tortionnaires. Les camps de concentration croates n’ont qu’à envier la méthodologie de leurs voisins allemands, car la sauvagerie (concours de qui découpera le plus de têtes) est globalement la même.
…à rapprocher de :
– De Kerr, la saga avec Gunther reste très agréable. Pour la première fois, j’ai abordé ce titre avant son prédécesseur, et j’ai eu un certain mal à raccrocher les wagons dans les premiers chapitres. C’est pourquoi il faut mieux lire tout ça dans l’ordre : La trilogie berlinoise ; La Mort, entre autre ; Une douce flamme ; Hôtel Adlon ; Vert-de-gris ; Prague Fatale ; Les Ombres de Katyn ; le présent titre.
– La Paix des dupes se doit également d’être lu (longue uchronie sans conséquences sur la conf’ de Téhéran).