VO : Common Sense (d’où la majuscule à « Sens »). Un très vieux pamphlet (18ème siècle quand même) qui s’inscrit dans la révolution américaine contre la perfide Albion, Le Tigre a ressorti son cerveau préparationnaire (entendez « hypokhâgne »). Et grâce au traducteur, j’ai à peu près tout compris. Joie inénarrable.
De quoi parle Le Sens commun, et comment ?
Le Tigre a du lire dans sa jeunesse tous les « classiques » politiques en vue des nombreuses épreuves de philo qui se présentaient. Or, rien sur Le Sens commun, personne ne m’en avait parlé auparavant. Ou alors je dormais en classe. Et rien que sur la forme de ce livre, la taille de l’essai (légèrement plus courte qu’un format poche) et la couverture d’une psychédélique symétrie en font un objet particulier.
Thomas Paine est un intellectuel américain qui a apporté une petite pierre (ou un pavé, les historiens ne semblent pas s’être mis d’accord) à l’édifice de la révolution des treize colonies. Écrit début 1776 (pour la première édition, pas celle de l’éditeur), Le Tigre avait pourtant retenu de cette années trois autres évènements d’importance. Pour l’aspect politique, c’est bien sûr la déclaration d’indépendance des EUA. En économie, le bon Adam Smith publiait ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Enfin, à Londres était terminé le premier pont en acier au dessus de la Tamise.
En commençant l’ouvrage (après une courte introduction), Le Tigre craignait que les 150 pages allaient être comme le début : un concentré de réflexions politico-philosophiques à la Rousseau. Et en fait non, comme tout pamphlet c’est à la fois varié (cf. infra) et court. Car j’ai eu la bonne surprise de découvrir que le dernier tiers du bouquin est une postface de Chistopher Hamel. Ce dernier, non content d’avoir traduit plus que correctement Paine (mots anglais entre crochets pour comprendre certains termes traduits), a rédigé une analyse de cet essai qui possède l’agréable saveur d’un commentaire de texte : claire, concise, dotée de nombreuses références (sur le texte comme sur d’autres), bref on se surprend à revenir en arrière en vue de relire quelques passages à l’aune des remarques de Hamel.
Pour conclure, voilà un ouvrage qui serait sage de proposer à la sortie des lycées / classes prépa, le traducteur a fait en sorte qu’on ne sente pas le poids des âges. La vision de Thomas P. m’a paru en outre incontournable pour comprendre l’esprit révolutionnaire outre atlantique, voire mieux saisir certaines motivations d’une certaine révolution qui a provoqué un bordel encore plus formidable, en Europe, une certaine année 1789.
Ce que Le Tigre a retenu
Comme je l’ai découvert dans la postface, les thèses et autres recherches sur le bon Tommy sont légion. Pas évident de se démarquer du lot, aussi je vais dire ce que j’ai appris avec un vocabulaire « moderne ».
Déjà, Paine tire à boulets rouges contre la monarchie (en général) qui contredit sévèrement, selon lui, le sens commun. Pas d’élections, rupture dans le principe d’égalité, en fait le pamphlétaire fait montre d’un libéralisme au premier sens du terme, c’est-à-dire centré sur la liberté de l’individu et d’un peuple de décider de sa propre politique. Et c’est à ce moment que l’auteur m’a perdu dans la mesure où il propose un processus électoral en vue de bâtir une « charte continentale », sorte de constitution pour le pays en devenir. Élections sibyllines, tirage au sort (couplé à une présidence tournante) pour présider le machin, presque pire que la présidence de l’UE !
Paine utilise la fameuse formule du « sens commun » à tous les coins de rues, et il faut convenir que plus d’une fois ça fait mouche. Par exemple, il s’étonne que ce soit une île qui dirige un continent alors que c’est normalement l’inverse (en étudiant la colonisation européenne). Ou alors lorsqu’il se livre à une analyse, chiffres à l’appui, de la possibilité (et la nécessité) pour l’Amérique d’avoir sa propre flotte marchande. Là j’ai su que j’étais loin d’être un intellectuel car c’est cette dernière partie plus « géopolitico-économique » qui m’a vraiment parlé.
Sinon, la dernière idée qui m’a marqué est la « désolidarisation » que prône l’auteur avec les affaires du continent européen. Il remarque qu’une alliance (ou soumission) avec la Grande-Bretagne serait infiniment dommageable pour le commerce, les colonies américaines étant dépendantes de la très guerrière politique d’Albion. En sus, l’Amérique n’est plus vraiment anglaise, les émigrants de toute part du vieux continent déferlant sur le nouveau. J’y ai cru déceler quelques graines de ce qui deviendra, longtemps après, la doctrine Monroe.
…à rapprocher de :
– Dans le courant d’idées de cette époque, l’étudiant souhaitant cartonner pourra utilement lire la biographie de Thomas Jefferson, par Saul K. Padover. Ou le Dictionnaire de la pensée politique, de François Géré.
– Si vous souhaitez faire péter la culture dans tous les sens chez la baronne grâce à ce même éditeur, Noam Chomsky, activiste de Jean Bricmont ; Le Jardin des singularités de Jesús Sepúlveda ou Métaphysique et fiction des mondes hors-science de Quentin Meillassoux peuvent être signalés.
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