« Cher Tigre, je t’écris depuis une région dont les autorités n’autorisent pas l’extradition. Fort de mes nombreux films, j’aimerais que tu montres que mon pays d’origine a su produire des pépites littéraires. Bises. Roman P. PS : tu ne pourrais pas me pondre, discrètement, un petit scénario vite fait bien fait pour un prochain film ? Te fais confiance »
12 arcydzieł literatury polskiej
Le félin ne lit pas assez de romans d’Europe centrale et orientale. C’est même un euphémisme. Aussi, quand mon plombier/ agent d’assurances/ ami/ maçon/ [mettez le cliché qui vous convient le mieux] m’a rappelé qu’il était né dans la glorieuse Pologne, je lui ai tout de suite demandé quels romans, selon lui, méritaient de figurer dans un panthéon littéraire. Et j’y ai ajouté quelques titres de mon cru.
D’après le peu de littérature lue, le fauve a cru déceler deux grands types de textes (tous réalistes, avec une pointe d’affliction) qui ont connu un certain succès. D’abord, des romans se situant juste avant, pendant ou après la seconde guerre mondiale et dépeignant les souffrances d’un peuple qui passe du brun au rouge sang. Ensuite, il est souvent question de la Belle Époque de la Pologne-Lituanie du 19ème siècle, période où la double monarchie resplendissait dans l’Europe.
Au-delà des stricts mots, Le Tigre a une certaine admiration pour la Pologne et ses habitants. Imaginez un pays coincé entre l’Autriche-Hongrie, la Russie et la Prusse (ou leurs équivalents historiques) qui lorgnaient sans cesse sur ses territoires. Quand ceux-ci ne s’associaient pas ensemble pour la dépouiller. Plus d’une nation aurait perdu son identité au bout de quelques siècles, or la Pologne a su garder un riche substrat culturel.
Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)
1) Henryk Sienkiewicz – Quo Vadis ?
L’antiquité romaine, les persécutions subies par les Chrétiens sous le (pas si) vil Néron, un pavé de plus de 500 pages qui se doit d’être lu – rien que pour ça, Henryk a arraché avec les honneurs le prix Nobel en l’an de grâce 1905. LE classique donc. Pour la petite histoire, le titre signifiant « où vas-tu ? » aurait été posé par un Saint-Pierre penaud quittant Rome et croisant le Christ. Lequel lui aurait répondu quelque chose du genre « je m’en vais me faire crucifier une énième fois pour sauver les Chrétiens ».
2) Witold Gombrovitz – Feydydurke
Seconde place pour le roman qui a initié le jeune félin au génie polonais. Un ouvrage purement inclassable, une petite tuerie qui évoque notamment retour forcé à la jeunesse et ce que cela peut comporter comme situations aussi burlesques que décapantes. Feydydurke (rien que ce titre, imaginez) fait montre d’une rare finesse, oscillant entre humour décapant et créations littéraires savoureuses – le vocabulaire, riche et fantasmagorique.
3) Adam Mickiewicz – Pan Tadeusz
[connu en français sous le nom de Messire Thadée. Cette précision est particulièrement importante dans la mesure où ça a été d’abord publié en France en 1834] Un poème monstrueux d’une douzaine de volumes sur les péripéties d’une famille de la double monarchie polono-lithuanienne. Une saga à la Zola, mais en vers. Quelque chose de suffisamment puissant pour apporter un peu de ciment à l’identité d’une nation. Ce truc, c’est un peu l’épopée nationale du pays à laquelle fait souvent appel l’imaginaire polonais.
4) Antoni Libera – Madame
La « madame » (en VO dans le texte, ha ha), c’est la prof’ de français du narrateur qui fantasme sévère sur cette Française trentenaire. La lutte entre la haute idée qu’il a de sa destinée (un écrivain classe) et la passion qui lui tire furieusement la braguette saura-elle être résolue ? Tout ceci avec, comme toile de fond, la très rieuse Pologne des années 60 – heureusement que de fortes traces d’humour résident dans ce roman autobiographique. A rapprocher, selon certains, de Feydydurke.
5) Kapuscinski – Heban
Plus qu’un écrivain, Kapu’ est un journaliste/reporter/photographe qui a traîné sa bosse en Afrique pendant plus de 30 piges. Dans Heban, l’auteur livre ses nombreuses impressions (tous les domaines sont abordés) d’un continent vis-à-vis duquel aucun jugement n’est porté. L’empathie et la justesse y sont reines, sans compter une écriture ciselée qui fait mouche – les quelques extraits que j’ai lus sont bluffants. Est passé à deux doigts du Nobel, le pauvre.
6) Arkady Fiedler – Dywizjon 303
Écrit au beau milieu de la seconde guerre mondiale, Division 303 est l’histoire de la fameuse 303ème escadrille, à savoir les pilotes polonais qui ont participé aux combats aériens durant le Blitz – à savoir en Angleterre après que notamment la France et la Pologne sont tombées comme des vilains petits fruits mûrs. Arkady F., ayant pris connaissance des résultats exceptionnels des soldats de son pays, a décidé de chroniquer leurs états de service et quotidien, vous comprendrez que l’essai (sorti en 1942) a tout de suite été un carton. L’essai de la fierté méritée.
7) Bolesław Prus – Lalka
[ça veut dire « la poupée »]. Certainement une des œuvres à ne pas rater, capable seule de dépeindre la société polonaise de la seconde moitié du XIXème siècle. De nombreux personnages certes, mais pour des intrigues cohérentes où il est question, entre autres, d’un jouet volé – voilà pour le titre. Prus (Aleksander Głowacki de son vrai blaze) a tout l’air d’être le Zola de la sainte Pologne – à la différence près que l’écrivain polonais a rendu son ouvrage un peu plus tard.
8) Wisława Szymborska – Nic Dwa Razy
Il s’agit du nom d’un poème en particulier qui, d’après ce que le félin a compris, représente ce que cette poétesse a fait de plus beau. Contrairement à la « poésie » telle que Le Tigre se la représente (la faute aux cours de lycée), Wisława S. est peu portée sur le grandiloquent et le précieux. Vocabulaire limpide, thèmes actuels (la bêtise humaine, le nature, par exemple), il en ressort une forme de sincérité universelle (avec un soupçon d’humour) assez touchante. Prix Goethe, Nobel de litté (en 1996), on sent la valeur sûre.
9) Melchior Wankowicz – Ziele Na Kraterze
Melchior est un être complet : officier supérieur, journaliste pendant la seconde guerre mondiale, journaliste politique, écrivain, éditeur, j’en passe ! Ziele Na Kraterze, sûrement son roman emblématique, prend place dans une Pologne occupée par l’Allemagne nazie et les souffrances de quelques protagonistes. Notamment lors de la terrible insurrection de Varsovie, où, après des combats acharnés contre l’occupant, les résistants furent sommairement exécutés par des Soviétiques peu amènes – les premières structures destinées à assurer la souveraineté du pays ont été rapidement catapultées sur mars.
10) Tadeusz Różewicz – Kartoteka
[VF : Le Fichier] Poète et dramaturge d’envergure décédé au milieu des années 2010, Tadeusz R. a pris part aux au conflit mondial de 39-45 en tant que résistant. Ensuite, il s’est mis à la poésie, et dès les années 60 au théâtre. Il a notamment créé, avec Le Fichier une pièce résolument contemporaine qui trouve nombre d’échos de nos jours – individualisme, absence de curiosité. Il s’agirait de l’œuvre polonaise qui a eu le plus d’impact dans le monde du théâtre mondial, une sorte de mètre-étalon utilisés par les metteurs en scène.
11) Piotr Bednarski – Les neiges bleues
Encore un parcours d’une rare tristesse qu’est ce garçon (moins de dix ans), envoyé au fin fond de la Sibérie avec sa maman. Autobiographie saisissantes de la folie de l’URSS qui parquait des populations entières (parce que potentiellement dangereuses) dans des villages paumés avant de leur trouver une place dans un Goulag. Mélange d’horreur (froid, mort, perte d’espoir) et de passages plus ensoleillés (le narrateur est jeune)
12) Andrezj Sapkowski – La saga du Sorceleur
Pour la dernière blague, on a signalé au félin cette suite de romans ayant progressivement eu un certain succès à mesure que des jeux vidéos tirés de cet univers sortaient. N’étant plus porté sur ce genre de hobbies, je n’avais aucune idée de l’existence d’une telle saga. Si des jeux vidéos donnent accessoirement envie de lire, le félin ne peut que s’en féliciter.
…mais aussi :
– Les fantômes de Breslau, de Markek Krajewski. Enseignant de lettres classiques à l’université de Breslau, Marek a conçu une intrigue faite de meurtres affreux dans une ville occupée par le 3ème Reich, avec un héros alcoolique directement mis en cause par le meurtrier – en raison d’actes commis pendant la Grande Guerre. Pas vraiment un classique, mais étant donné que je l’ai lu, autant en profiter.
Je suis à sec. Przepraszam.
Stefan Zeromski, auteur méconnu et pour cause : quasiment rien de traduit. ‘Cendres’, qui se passe à l’époque de Napoléon, est un roman très prenant
Y’a un boulot à faire question traduction, comme certains auteurs Japonais enfin traduits du japonais (et non via la traduction anglaise)…
Il manque l’essentiel: Karol Józef Wojtyła et son œuvre toute en poésie et interdiction de la capote et de la sodomie comme méthode contraceptive …
Très belle liste, je la garde sous le coude…
Je sais que c’est pas la tasse de thé du Tigre, mais parmi les auteurs polonais connus, il y a Andrezsj Sapkowski et sa série The Witcher, qui a même été adapté (avec beaucoup de succès) en jeux vidéo.
Je le rajoute séance tenante, merci Alch !