VO : Endless Nights. 11ème tome de la fameuse saga qui commence ici, il me semble même ce soit le dernier à lire. J’ai donc pris ce livre comme une sorte de récapitulatif des albums précédents (je n’en avais pas lu le tiers à ce moment), et curieusement le cet opus gagnerait à être lu juste après le premier. Après j’ai enfin su qui était qui de manière claire et les raisons de certains comportements des éternels.
Il était une fois…
Nuits éternelles, c’est la présentation de la petite famille de Dream. Les six autres frères et soeurs sont présents et nous offrent des bribes de leur histoire, ce qu’ils sont, leurs raisons d’être. Chaque chapitre se lit indépendamment et apporte son petit lot d’indices pour comprendre le monde fabuleux de Sandman.
Exceptionnellement je vais pour chaque chapitre résumer très brièvement l’histoire et enchaîner sur la critique, étant donné qu’un illustrateur (vraiment) différent est associé à chaque histoire.
Critique de Sandman : nuits éternelles
Death : le lecteur est invité dans un monde hors de la mort, au sein d’une soirée de type renaissance qui n’en finit pas. Parallèlement un soldat en permission rencontre (à nouveau) death, les deux histoires s’imbriquant sans que j’en dise plus. La mort comme sauveur est un thème plus que récurrent chez Gaiman.
Desire : une femme, dans les temps anciens (moyen-âge dirons nous), apprend à avoir le plus bel homme de la région. Au-delà de la manière dont on peut susciter le désir (notamment en disant non), il y a l’amour, et surtout le décès de son bien aimé. Cet assassinat apporte la vengeance, qui boucle le chapitre puisqu’exercée grâce au désir, encore. Ca peut ressembler à un conte de Grimm non censuré.
Dream : petit raout entre d’illustres personnages, qui tout sont simplement des étoiles, planètes,… personnifiés. Dream en profite pour présenter sa petite amie à sa famille…qui le trompe très vite et ce sans qu’on puisse lui en vouloir. Très beau au final, et surtout on comprend mieux certains passages de déprime dans d’autres tomes.
Despair : le style est différent, puisqu’on est face à des petites histoires, voire quelques phrases, avec un dessin souvent minimaliste. Le désespoir dans tous ses états, des configurations de vie qui montrent jusqu’à quel point on peut toucher le fond. Malgré le glauque des situations exposées, j’ai lu de la vraie poésie, certes difficile à suivre parfois, mais le tout m’a laissé une impression de sublime.
Delirium : j’avoue que j’ai vite laché ce chapitre, ça partait un peu trop dans tous les sens pour Le Tigre qui aime parfois un semblant de cohérence et d’ordre. Delirium est assez illisible, voire fatiguante à suivre, elle doit se reconstruire et pour ça faire appel à d’autres fous, avec des dessins et des cases (il n’y en a pas !) à l’image de leurs cerveaux embrumés.
Destruction: le plus difficile à saisir concernant la signification, mais le plus captivant. A la suite d’une découverte d’artéfacts venant du futur en Italie, des archéologues s’en chargent et leur environnement devient vite bizarre. Déjà la femme archéologiste était sujette à de troublants cauchemars. Et voilà que débarque Delirium (on la reconnaît aisément) et un de ses frères : honte au Tigre qui n’a pas su au début de qui il s’agissait. Le dessin ici est dans la ligne clair des BD à la belge, ce petit oasis de sobriété fut le bienvenu même si le scénario ne l’est point.
Destiny : un aveugle qui tient un livre, le livre le tient, et dedans tout est écrit. Apothéose de la saga, où l’histoire de l’univers (qui ne se limite en aucun cas à l’Humanité) est déjà écrite. Le seul sachant de ce monde ne peut au premier abord en profiter et est comme prisonnier de cet effrayant pouvoir.
Bref, du très bon qui ecclipse le moins bien, à acheter avec le premier tome avant de s’attaquer aux autres.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les thèmes, plus que nombreux, sont abordés in fine dans la critique. Thèmes chers à Gaiman, néanmoins Le Tigre tente d’en trouver quelques uns annexes.
L’intrigue de Dream, avec son cocufiage de première, me paraît fondamentale sur le pouvoir qu’exerce sur un peuple l’astre qui le surplombe depuis toujours. Imaginez croiser par hasard monsieur Soleil, avec la signification que cela représente si vous admettez que même les religions les plus monothéistes ont intégré certains de ses attributs dans leur doctrine. La copine de Dream succombe alors naturellement : c’est son dieu, son père, l’être nourricier et plus encore qu’elle rencontre.
Le tome, l’ouvrage fondateur qui présente les protagonistes, arrive bien tardivement. Par exemple l’histoire de Dream aurait pu faire mieux comprendre son comportement dans les tomes d’avant. Cela me fait penser au style de narration (cf. chapitre dédié à Death) inversée avec des histoires chronologiquement traitées différemment qui se rejoignent à un moment. Pour faire simple, imaginez le film « mémento » appliqué à la BD.
En plus du dessin, Gaiman (ou du moins les illustrateurs) a eu la bonne idée d’associer une typologie de bulles selon les personnages. Et ce depuis le premier tome. Ce n’est pas dans un Tintin que ça se retrouverait. Du coup, plus besoin de repérer qui parle, le dessin s’efface presque devant les couleurs et le style d’écriture du personnage. Les bulles de Délirium, tout en couleurs arc-en-ciel et écriture bancale et irrégulière, est l’exemple ultime. Ultime car mal de crâne à terme.
…à rapprocher de :
– Sur les autres Sandman lus par Le Tigre et résumés sur QLTL, en vrac il y en a ici, là, encore ici ou de ce côté.
– C’est vraiment marrant l’histoire de Destruction, avec un artefact arrivé de nul part qui sème la panique car annonçant une guerre à venir. C’est tellement proche des Chronolithes, de Robert Charles Wilson, livre réellement humain s’il en est.