On prête au Tigre de temps à autre des bouquins qui lui seraient passés sous le nez. Par curiosité et politesse je les lis, parfois ça passe très bien. A tel point que je l’achète. Écriture facile mais percutante, histoire crédible et éprouvante, ce n’est pas un roman à lire pendant une longue soirée d’hiver, au risque d’abaisser un peu plus le moral. Sur la plage, oui.
Il était une fois…
Mathilde et Thibault, deux personnes dans Paris, deux êtres progressivement broyés par la violence de la ville et des hommes. D’un côté un homme seul, qui n’a jamais su autant se faire aimer qu’il aimait, de l’autre côté une jeune veuve en proie à un harcèlement moral inouï. Ces deux êtres vont brièvement se croiser, sans prendre le temps de se regarder.
Critique des Heures souterraines
Bon petit roman, certes sans envergure folle. En deux heures c’est plié, et le lecteur en sortira un peu mal à l’aise. Des passages sont parfois assez dur à lire, notamment la mise au placard en milieu professionnel ou les missions de SOS médecins d’un des protagonistes. C’est révoltant même, on se dit toujours « je réagirai plus vivement à ce qui leur arrive », tout en sachant qu’il n’en sera sûrement rien.
Delphine est donc superbe dans la description du harcèlement constant subie par la femme (environ deux tiers du roman), et la responsabilité qui est sienne en tant que veuve avec enfants à charge. Toutefois l’écrivain passe assez vite sur les affres d’un homme, sujet peut être moins bien maîtrisé. C’est juste parce que Le Tigre veut relever quelque chose.
Quant au style, rien à signaler. Écriture très fluide, tout ça glisse dans le cerveau de manière sympathique. Il faut reconnaître à De Vigan un talent particulier pour, à partir d’une écriture assez simple, parvenir à faire en sorte que le lecteur imagine seul les décors, les scènes. Pas très difficile pour un rat des villes comme Le Tigre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La solitude. Ce qui m’a marqué est la vie sociale quasi inexistante des deux personnages. Thibault, par son métier, est d’astreinte et à parfois affaire à de vieilles personnes terriblement seules. Celles dont le décès se remarque par l’odeur au bout de quelques jours. Quant à Mathilde, entre son boulot et ses enfants, sa marge de manœuvre est désolante. Donner la voix à une telle minorité est salutaire et mérite de songer à leur sort.
Le harcèlement moral. L’homme responsable en question, à la suite d’une remarque anodine (devant des clients) de Mathilde, l’ignore d’abord puis fait tout pour l’exclure de l’entreprise. Mise au placard progressive, violence verbale, épuisement de Mathilde, tout est correctement rendu. Garder d’éventuelles preuves écrites, prévenir son délégué syndical, ne pas plier en démissionnant, on n’est pas loin du « harcèlement moral pour les nuls ».
L’aliénation des transports en commun. Une partie relativement importante du roman se passe dans le métro (et RER) parisien, fournaise d’insensibilité et de violence latente. Le malaise est largement amplifié par l’état de déprime de Mathilde, son évanouissement est terriblement crédible. Si vous vous plaisez à penser que la voiture en région parisienne vaut mieux, attendez de lire les pérégrinations de Thibault dans l’enfer routier.
…à rapprocher de :
– Le film (qui ressemble fort à un documentaire) Violence des échanges en milieu tempéré, qui me rappelle ces personnages seuls pris dans les rouages d’une vie qui va trop vite.
– D’autres bouquins de De Vigan, hélas peu résumés dans ce blog. Ah si, Un soir de décembre. Bof. No et moi. Passable.
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