Un jeune auteur Français, un titre un peu (voire complètement) mièvre, un 4ème de couverture qui annonce « le prix Carrefour du premier roman », 180 pages avec des espaces impressionnement, Le Tigre a de quoi légitimement s’inquiéter. Pas si nul, mais la grande littérature est loin (style ou profondeur des personnage). Vrai « roman supermarché » qui se lit en 45 minutes, douche comprise.
Il était une fois…
Jocelyne, dite Jo, est mercière à Arras. Bloggeuse à ses heures, Jo est mariée à Jo, de son prénom Jocelyn. Deux enfants, tous partis. Existence tranquille, un peu triste, jusqu’au jour où Jo (la femme) gagne plus de 18 M € au loto, des amies l’ayant inscrite. A partir de là, comment réagir ?
Critique de La liste de mes envies
Ça se laisse lire, mais ne casse pas deux pattes à un félin. La bonne femme mène sa petite vie, s’ennuie un peu, et le lecteur avec. Le début fait craindre le pire, même quand elle gagne au loto, il ne se passe rien de notable dans le livre. Les listes de ses (petites) envies, très bourgeoises, parviennent à peine à nous soutirer un sourire.
Et puis un mini-miracle se produit : puisqu’on attend pas grand chose, que ça fait plus de 100 pages qu’on se traîne à tourner les pages, tout à coup le dernier tiers du roman réveille les sens du lecteur. Faire changer d’avis, en un quart d’heure, Le Tigre par un petit retournement astucieusement imaginé, c’est très fort. Pas tant de suspense dans la suite, toutefois on se surprend à avoir de petits pincements au cœur.
Pour oser une comparaison un peu minable, disons que ce roman est un diesel. Assez cher payé pour le plaisir tiré, Le Tigre n’a jamais été aussi proche de la lecture de la ménagère de moins de 50 ans faisant ses courses chez [centre commercial de votre choix]. La même ménagère qui admirera le tour de force pour un jeune écrivain d’aussi bien parler des ressentis d’une femme qui lui (la ménagère hein) ressemble.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’œuvre lue est avant tout une petite histoire d’amour. Ici, c’est l’amour qui survit mieux à la mort qu’à la trahison. Trahison d’un des membres du couple, et malgré les efforts finaux de celui-ci, la flamme qui définitivement s’éteint. Les deux Jo étaient déjà psychologiquement atteints, disons qu’ils avaient sérieusement entamé leurs réserves d’empathie, notamment en perdant un enfant en bas âge. La réaction d’autant plus violente que continue du mari n’aide pas à la reconstruction de la femme, qui semble une éternelle victime indécise. L’argent qui tombe ne sera qu’un catalyseur de ce qui existe déjà.
L’auteur traite assez succinctement la gestion psychologique de la fortune soudaine, mais de manière efficace. En ôtant la liste des envies de Jo, sorte de liste à la Prévert horripilante parfois, on se retrouve face au vide. Nullité du comportement du mari, qui ne « tient pas 3 millions » et se laisse mourir, vide de celui de l’épouse, dont l’esprit était habitué au train-train d’Arras et de son commerce. On peut comprendre pourquoi une certaine part des gagnants du loto sont sur la paille au bout de deux ans. La morale, à savoir que le bonheur c’est d’être heureux d’avoir ce qu’on possède, et surtout être entouré d’êtres aimés, est un peu facile de la part de Grégoire. La référence bouddhiste, que Le Tigre affectionne, n’est pas si bien traitée.
…à rapprocher de :
– Un ouvrage qui ne paye pas de mine non plus, avec la monotonie élevée à un art littéraire. A l’inverse du présent roman, c’est une femme auteur qui, avec moins de succès peut-être, à capter les pensées d’un homme. Bref, pleurons ensemble sur Les heures souterraines, de Delphine de Vigan.
– Chapitrage court, beaucoup d’espaces, histoire originale mais sans envergure, easy reading, moins de 200 pages : Le Tigre le sait, Monsieur Delacourt est un geek. D’ailleurs il a piraté l’ordinateur d’Amélie Nothomb.
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