VO : The God Butcher. Lorsqu’un tueur de dieux fait son office pendant des dizaines de milliers d’années, il y a de quoi s’inquiéter. Et lorsque Thor en personne se prend raclées sur raclées, on peut légitimement se dire que c’est la fin. Illustrations correctes et scénario qui sort des sentiers battus, voilà qui est une agréable surprise.
Il était une fois
Quelque chose de pas très joli se trame. Un méchant de noir vêtu occis les divinités avec une exemplaire régularité et semble vouloir garder Thor comme cerise sur son gâteau de sang. De la fin du IXème siècle à un futur apocalyptique, en passant par aujourd’hui, Thor a l’équivalent de la production annuelle d’une boulangerie sur la planche. Trois histoires se déroulant avec le même héros face à un ennemi insaisissable qui répond au doux noms de « Massacreur de Dieux », trois chemins avec une issue potentiellement catastrophique.
Critique du premier tome de Thor
En 2015, quand j’ai ouvert ce tome made by « Marvel NOW » (que j’assimile plus ou moins au « DC Renaissance » de la concurrence »), j’étais plus ou moins novice concernant le dieu nordique avec son marteau surpuissant. Heureusement, Jason Aaron a pris le félin par la main pour l’inviter dans une saga qui traverse le temps et l’espace en compagnie d’un héros plus fin que prévu.
Au fil des pages, le lecteur se rend compte qu’un méchant œuvre depuis des millénaires et dont le comportement est intimement lié à une erreur de jeunesse de Thor – qu’on découvrira vers le troisième tiers de l’ouvrage. Cet ennemi dépasse de loin notre héros en force et ce lors des trois unités de temps traitées par l’auteur : une courte apparition en Islande avant le moyen-âge ; Asgard dans un futur saccagé avec un Thor vieillissant avachi sur son trône et prêt à prendre une autre branlée à l’extérieur ; et une enquête de nos jours aux confins de l’univers aux fins de découvrir les sombres desseins de Gorr.
Deux remarques importantes ici : d’une part, le dessin d’Esad Ribic est fort agréable à l’œil. Que ce soient les décors (désolés ou somptueux) naturels ou traces de civilisation, ou la gueule des différents dieux (vivants ou non) et espèces aliens aux traits originaux, le dépaysement est total. Les visages des protagonistes renforcent un pathos déjà présent, et malgré des combats peu impressionnants l’ampleur de la menace qui touche notre univers donne suffisamment envie de finir ce tome. A signaler les belles esquisses dans les dernières pages, qui aideront plus d’une personne désireuse de reproduire ce genre d’illustrations.
D’autre part, il ne faut pas s’arrêter à l’image de couverture montrant un Thor tout en muscles et à l’air peu finaud – un petit air d’Oliver Khan non ? Car le personnage principal se révèle, progressivement, moins bourrin que l’image du dieu connement guerrier et abreuvé de bonnes bières qui lui colle à la peau. Il est même amusant de contempler les premiers pas de Thor dans la bibliothèque galactique avec le bibliothécaire qui ne le porte pas dans son cœur, jusqu’à des actions et considérations (nombreuses remarques in petto) qui le feraient presque passer pour quelqu’un de raffiné. Une telle évolution, assez réjouissante, mérite toutefois confirmation.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La première chose qui m’a scotché est la maîtrise d’un panthéon de dieux complet et auquel est attachée une certaine philosophie. Celle qui montre que les êtres normaux (dont les Humains) ont beau n’être que quantité négligeable, cependant leurs prières et leurs cultes font vivre des milliers de divinités à travers le vaste monde. Est-ce que le recours au sacré dans telle ou telle zone créé les dieux où est-ce l’inverse ? Cette BD n’y répond pas. Mais celle-ci montre que ces êtres divins (qui revêtent diverses formes) sont également mortels, et paraissent bien seuls dans leurs immenses palais une fois clamsés – surtout quand leur absence n’a pas été remarquée.
Outre l’immensité de l’espace, il est question de la variable temporelle. Du big bang à la fin des temps (un monde sans dieux), le vilain agit telle une sourde menace qui, dans le présent de ce comics, semble avoir trouvé le moyen d’en finir une bonne fois pour toute. L’idée, séduisante, permet d’offrir un conte moderne de la création de notre univers qui n’est pas sans rappeler la mythologie grecques. Sans spoiler, il va y avoir du voyage dans le temps dans l’air, et Le Tigre ne sait pas comment l’auteur va pouvoir se dépêtrer, avec élégance, de ce paramètre dans le prochain tome…
…à rapprocher de :
– Jason Aaron (et Latour) a également versé dans les histoires assez sombres : Southern Bastards (Tome 1 sur le blog). Et même du Batman avec La Splendeur du Pingouin.
– On retrouve d’autres héros de Marvel, à l’instar d’Iron Man. Lequel avait eu le malheur d’avoir un reboot assez dégueu dans Iron Man : Season One.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici (en anglais, attention).
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