[VO : The Murder of Roger Ackroyd] La paisible bourgade de King’s Abbot est en émoi. Pas moins de trois décès en un laps de temps relativement restreint. Et comme par hasard un fameux détective se trouve dans le coin… Roman d’exception (et de déception pour certains), l’art du roman policier en mode « qui l’a tué » est ici porté à son comble.
Il était une fois…
Acte I : Mister Ferrars meurt. De vilaines rumeurs courent sur la responsabilité de sa veuve.
Acte II : Mrs Ferrars se suicide. Avant cela, elle a rédigé une lettre à l’attention de Roger Ackroyd (qui voulait l’épousailler une fois le deuil accompli) et expliquant qu’elle était soumise à un odieux chantage.
Acte III : l’industriel Roger Ackroyd confie tout ceci à son ami le Dr Sheppard. La lettre est arrivée et est sur le point d’être lue. Quelques heures après, Roger Ackroyd ravale son bulletin de naissance. Qui donc l’a tué ?
Critique du Meurtre de Roger Ackroy
Tiens, ça faisait bien longtemps que le félin n’avait point lu d’Agatha Christie. A peine les Dix petits nègres au lycée, puis plus rien – je suis tombé dans la marmite de la SF par la suite. Alors, pour (re)commencer avec l’auteur number one de polars à l’ancienne, autant choisir le premier titre publié en France, et ce aux alentours de la moitié des années 20 (XXème siècle hein).
Contrairement à plusieurs ouvrages du genre où les motivations profondes de l’assassin demeurent pendant un certain temps inconnues, le mobile expliquant le sort réservé à la victime est relativement aisé à trouver. Plus délicate fut pour le fauve l’appropriation des personnages (ce doit être leurs noms de roastbeef), et les liens potentiels entre eux – disons que j’ai eu notamment du mal avec le jeune Ralph Paton dont on se demande à quoi il peut bien servir à part constituer un suspect trop parfait, sans parler de Caroline, grande sœur du narrateur et dont les interventions sont plus ennuyantes qu’autre chose.
Quant à la structure de l’œuvre, très vite le pattern qui sera celui de Christie est bien établi : le meurtre, l’arrivée du génial Hercule Poirot, quelques avancées ici et là, des détails en apparence insignifiants, et le grand banquet de la vérité dans les derniers chapitres (avec un Poirot aimant visiblement se mettre en scène). En l’espèce, la résolution de l’énigme est de pure beauté, entre enfants illégitimes, chantage et petites astuces techniques pour l’époque (le dictaphone), le tout mâtiné de l’irrésistible envie de revenir au début du roman pour vérifier quelque chose…
Le meurtre de « Bob » reste ainsi de la très bonne came pour l’époque, avec un style que la traduction française ne semble pas avoir écorné – l’imparfait du subjonctif passe plutôt bien. En outre (et ce dernier point est d’importance), il convient de signaler que la narration est celle d’un unique personnage, à savoir le docteur Sheppard, personnage affable qui rend compte, avec minutie, des faits, gestes et paroles de chacun.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La première remarque concerne la capacité d’Agatha Christie à user des faux semblants pour nous amener là où elle veut. Un siècle après, la formule marche tout autant – il est toujours vexant pour votre serviteur d’avoir tant l’impression de s’être fait balader tel un lourd cheval de trait. Une vraie magicienne qui donne de la lumière à certains éléments (Poirot qui se concentre sur des aspects peu intéressants) pour mieux en escamoter d’autres, lâche ici et là quelques morcifs d’un puzzle dont le piètre esprit que je suis est incapable d’au moins déceler les bords.
[Attention SPOIL] Ici, Agatha C. semble aller plus loin dans la « duplicité » puisque le coupable n’est rien d’autre que le narrateur. Celui qui raconte est le méchant et a dit la stricte vérité dans le compte-rendu de ce qu’il a vu et fait. Quinze minutes relativement importantes ont été zappées pendant lesquelles Sheppard plante ce pauvre Acroyd – mensonge par omission qui, à la lecture, est en vérité indécelable. Imaginez comment ça a pu gueuler chez les critiques de l’époque [Fin SPOIL]. D’ailleurs, l’acuité du héros n’a d’égal que sa bonté (façon de parler) dans la mesure où Hercule Poirot laisse au coupable une porte de sortie relativement honorable – le suicide.
…à rapprocher de :
Le félin a retrouvé quelques romans de Cri-cri dans une bibliothèque vétuste dans une maison de famille qui ne l’est pas moins, y’aura donc d’autres billets avec cette écrivaine, par exemple avec Les vacances d’Hercule Poirot, un poil décevant.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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