Le Tigre adore Reynolds, avec House of Suns celui-ci le rend bien. Space opéra d’une brillante envergure, fourmillant d’idées géniales, le lecteur sera immergé dans un scénario terrible et haletant, du bonheur. En anglais, même avec des passages pas aisés à comprendre, le tout reste fluide.
Il était une fois…
Campion et Purslane sont des shatterlings de la lignée Gentian, c’est-à-dire des clones faisant le tour de la galaxie pour le compte de leur maison. Tous les 200.000 ans environ, les 1.000 clones Gentian se réunissent afin d’échanger leurs souvenirs. Pour la 32ème réunion, nos deux héros amènent un membre de la civilisation des robots, hélas le rendez-vous s’annonce mal parti. En effet une puissante maison, la mystérieuse House of Suns, semble bien décidée à anéantir la lignée des Gentian. Pourquoi donc ?
Critique de House of Suns
Je ne suis pas vraiment bilingue anglais, mes connaissances restent néanmoins suffisantes pour préférer lire un ouvrage de cet auteur (à l’instar que Peter F. Hamilton, Will Self ou Chuck Palahniuk) en VO plutôt qu’attendre 10 ans la traduction FR (en poche). Et là je ne regrette rien. Quelques termes (par exemple « trove », qui revient tout le temps) ne sont pas aisés à saisir, encore moins à traduire, je ferai de mon mieux.
Le scénario est complet, assez linéaire par rapport au sujet traité par l’auteur. Globalement, il est question de l’Humanité qui s’étend dans la voie lactée depuis six millions d’années, les civilisations apparaissent et disparaissent, toutefois l’homo pas si sapiens que ça cache un honteux secret. Deux héros vont mener leur enquête, aidés par des compagnons de route assez surprenants, or personne ne tient réellement à ce qu’ils aillent au fond des choses. Le petit plaisir supplémentaire, déjà éprouvé dans La Cité du gouffre, est au début de chaque partie nous suivrons l’histoire d’Abigail Gentian, femme à l’origine de la Maison du même nom et dont la jeunesse mériterait un roman à part.
Le style reste correct, j’ai trouvé que le début était un poil long, même si le décor est admirablement planté. Reynolds a une imagination dingue, et ici se concentre sur le « macro space opera », en laissant (volontairement ?) de côté les détails technologiques de l’environnement. Mais au bout de 6.000.000 ans, ce n’est pas gênant. Contrairement à Simmons ou Hamilton, il n’y a pas de vitesse supraluminique, avec les nombreuses conséquences que cela amène. La narration double passe plutôt bien, et Le Tigre attendait avec impatience le dénouement de l’histoire d’Abigail.
Si je n’ai pas donné la meilleure note à ce titre, c’est que Reynolds a déjà un joli paquet de récompenses sur ce site, et que Le Tigre aurait espéré une suite, du moins savoir ce qu’il en est concernant les Premières Machines, sur l’état des relations entre les civilisations machiniste et humaine. 500 pages, police d’écriture petite, préparez-vous à une bonne semaine de lecture.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le temps, cette grande donnée relative. Le titre de Reynolds jongle avec des centaines, des milliers, voire des millions d’années. Comme les clones, quasi immortels, sont souvent en stase, ils sont dans la place depuis des lustres. Le temps d’amasser de formidables connaissances, de voir des milliers de méta-civilisations s’élever et mourir (le « turnover » étant une constante), etc. Quant aux combats spatiaux, au laps de temps pour prendre une décision, l’échelle est rarement en-deçà de la décennie.
Cela peut donc être difficile à appréhender, de telles échelles nous dépassent forcément. Le fait de penser les Lignées, vieilles et vénérables entités qui se déplacent constamment dans la galaxie, ça fait rêver et c’est crédible (les statuts de chaque maison, les interdits, etc.). En gérant de telles longueurs, Reynolds n’est pas loin de nous décrire ce à quoi peut penser un dieu (notamment l’histoire de l’Esprit des Airs, qui est tout simplement sublime).
Il y a également une incursion de Reynolds dans le monde des simulations virtuelles et de la folie. Abigail Gentian, comme un autre ami, a accès à une machine qui permet de vivre des aventures à la place de quiconque. Imaginée comme un instrument pour acquérir de l’expérience guerrière, l’artefact s’avère pas vraiment au point et les effets secondaires font froid dans le dos. Cette incursion permet à l’écrivain de pondre une jolie fable, dont certains éléments ne sont pas sans rappeler ce qui se passera, des milliers d’années après, dans le monde réel.
L’I.A. et le pardon. [Thème SPOIL, attention]. Il appert que les Hommes, jadis, ont (par accident certes, mais l’animus était là) presque détruit une civilisation de machines. Celles-ci s’est réfugiée dans une autre galaxie, et nul ne sait ce qui se passerait s’ils se décidaient à revenir. Pour éviter un foutoir diplomatique avec la nouvelle civilisation artificielle, les Lignées ont choisi d’éradiquer de leur mémoire cet épisode peu glorieux. Un des héros, au cours d’un de ses voyages, a hélas exhumé des informations discordantes avec la version officielle. De quoi mettre potentiellement en danger les populations humaines à travers la galaxie. [Fin SPOIL].
…à rapprocher de :
– Rien que pour le plaisir, je vous refais reparle du meilleur de Reynolds : le cycle des Inhibiteurs : L’espace de la révélation, La Cité du Gouffre, L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution. Faut reconnaître qu’il sait choisir des titres qui en envoient. Essayez The Prefect, qui est un stand-alone de belle facture. Voire les nouvelles du cycle, comme Galactic North ou Diamond dogs, Turquoise Days.
– Toujours chez Reynolds, une fabuleuse aventure qui se compte en siècles, c’est Janus, ou Pushing Ice dans la VO.
– Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.
– Pour les macro conflits et le temps qui se dilate inéluctablement, il y a le classique La guerre éternelle, d’Haldeman. Ou Chants de la Terre lointaine, de C. Clarke.
Pour finir, si votre librairie est fermée ou ne propose pas de titres en anglais, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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