VO : Chasm City. Deuxième opus du sublime Cycle des inhibiteurs, voici un ouvrage plus qu’original articulé en deux parties. D’une part un thriller de bonne facture en pleine ville couleurs cyberpunk, d’autre part un récit haletant sur le premier voyage spatial à objectif de colonisation. Le tout qui se télescope à la fin dans une avalanche de surprises.
Il était une fois…
Tanner Mirabel doit tuer Reivich, individu inquiétant qui a assassiné son ancien patron et se planque sur Sky Edge, berceau de la colonisation de l’espace. La quête se poursuit dans la Cité du Gouffre où sévit une terrible maladie et dont les habitants s’amusent à changer d’apparences comme de chaussettes. Et comme si ça n’était pas assez difficile, Tanner a contracté un virus qui lui donne des crises au cours desquelles il revit des épisodes, vieux de quatre siècles, du premier voyage de colonisation de l’espèce humaine. Tous en piste !
Critique de La Cité du Gouffre
Deuxième du Cycle des inhibiteurs, sans lesdits inhibiteurs. C’est pour cela que ce roman peut être lu en dehors du cycle, comme un one-shot pour tout lecteur désireux de découvrir du vrai space opera mâtiné de hard science.
Les deux histoires sont très prenantes, surtout celle sur les sept vaisseaux en route pour une lointaine planète. On suit le personnage de Sky Haussmann, grand malade qui fait l’objet d’une religion et a été déterminant dans l’histoire de ce système de planètes. Quant à la poursuite de Reivich, les péripéties de Tanner sont grandioses et dangereuses, hélas de temps à autre Le Tigre a eu du mal à se représenter la scène, par exemple lorsqu’il y a une explosion nucléaire à la base d’un ascenseur spatial et que la déflagration atteint notre héros.
Roman à part puisque les inhibiteurs ne font pas d’apparition trop remarquée, l’Humanité fait face à un autre danger, à savoir la « pourriture fondante » déjà présente dans le premier tome de la saga. Terrible maladie en progression constante, ce fléau a transformé la Cité du gouffre pour en faire une ville gothico-glauque (les nano robots chargés de l’architecture générale étant touchés) peuplée par des individus affolés soit déconnectés de toute bio-technologie soit évoluant dans des caissons hermétiques – on se protège comme on peut.
On peut reprocher à Mister Reynolds d’avoir pris deux récits assez indépendants et à les avoir raccordé à tout prix dans ce grand ouvrage, ce que l’auteur a d’ailleurs reconnu. Un roman à part sur l’histoire de Sky Haussmann aurait été parfait, d’autant plus qu’il y avait de la matière à exploiter. Toutefois il a été préféré de faire un gros pavé (comme souvent concernant Reynolds), tout en gérant finement les liens entre les deux scénarios, notamment sur la fin qui en laissera plus d’un admirateur.
Bref, à acheter les yeux fermés tellement c’est beau, et ce malgré les imperfections qui ne se discernent plus lorsqu’on est happé par l’histoire. Tellement grandiose et épique que c’est juste impossible d’adapter une telle œuvre en film.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La colonisation de l’espace. Les « épisodes Haussmann » liés au virus sont des passages que Le Tigre a adorés. On y retrouve sept vaisseaux (dont un huitième caché d’ailleurs) en route pour une lointaine planète à coloniser. Envoyés par une fédération qui au cours du trajet est dissoute, je vous laisse imaginer les luttes politiques présentes chez nos colons (sans compter les mises à jour foireuses des systèmes provenant de la Terre). En suivant Sky, depuis qu’il est tout petit jusqu’à l’arrivée à bon port, c’est toute une saga que le lecteur découvrira, avec les références scientifiques crédibles et surtout la personnalité torturée des protagonistes.
La noirceur de l’être humain. Tanner Mirabel, Reivich, et avant tout Haussmann sont des êtres sans pitié. Sans spoiler, disons que la poursuite de l’homme qui a tué le patron de Mirabel réserve une surprise de taille assez terrible. Quant à Sky Haussmann, son statut spécial dans le vaisseau et la solitude de son enfance ne justifient pas les atrocités qu’il commet pour être le premier à débarquer sur la planète. On aimerait pas se frotter à eux en tout cas, et ce malgré les tentatives de rédemption qu’ils tentent de mettre en œuvre. Même les dauphins du vaisseau sont psychopathes, c’est dire.
En plus des humains « borderline », les extra-terrestres (du moins l’extra-terrestre) ne sont pas en reste. Et lorsqu’un protagoniste découvre un représentant d’une espèce seule et très âgée, le lecteur découvrira avec effroi ce que ça peut faire de se trimbaler seul dans l’espace en quête de compagnie. Hélas, l’utilité de ce mystérieux personnage semble bien tirée par les cheveux à la fin du roman.
La démarchie. Sous ce mot un peu barbare se cache une magnifique idée de système politique, entre la démocratie et l’anarchie. Pas de gouvernement à proprement parler, grâce à la technologie les décisions politiques se prennent rapidement (et plus efficacement d’ailleurs) : imaginez les citoyens qui ont des nanorobots dans le cerveau et pour une question d’ordre politique donnent leurs réponses centralisées par un ordinateur qui détermine ainsi la marche à suivre. L’exercice de la politique par des mini référendums incessants, voilà qui laisse rêveur.
…à rapprocher de :
– Même si ça peut se lire seul, commencez par L’espace de la révélation histoire d’être parfaitement au point sur l’univers de Reynolds. Puis continuez avec L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution.
– Pour en savoir un peu plus sur cet imposant arc narratif, les recueils de nouvelles Galactic North et Diamond Dogs, Turquoise Days sont tout indiqués.
– Une autre saga, intitulée les Enfants de Poseidon, n’est pas mal non plus : Blue Remembered Earth, On the Steel Breeze, etc.
– The Prefect, du même auteur, s’attache à décrire le monde des policiers chargés de contrôler la fiabilité des logiciels de vote démarchistes. Un réel plaisir, mais en anglais.
– Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.
Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Alastair Reynolds – House of Suns | Quand Le Tigre Lit
Ping : Alastair Reynolds – Pushing Ice | Quand Le Tigre Lit
Ping : Alastair Reynolds – Blue Remembered Earth | Quand Le Tigre Lit
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Ping : Chiang & Scott Card – Robota | Quand Le Tigre Lit
Ping : Peter F. Hamilton – The Nano Flower | Quand Le Tigre Lit
Ping : Alastair Reynolds – The Prefect | Quand Le Tigre Lit
Pour être encore plus complet, commencer le cycle par ces 3 nouvelles:
2000 : Great wall of Mars, non traduite
2001 : Diamond Dogs
2002 : Turquoise Days
les 2 dernières sont disponibles en poche et Turquoise Days permet de comprendre ce que sont ces satanés « Mystifs »
Diamond Dogs et Turquoise Days sont sur le glorieux site, ne t’inquiète pas. Et pour être encore plus complet, on apprend qu’en haut de la satanée « flèche » il y a un produit qui détruit ces fameux Mystifs.
Il y a aussi le recueil de nouvelles « Galactic North, et « Great Wall of Mars » est dedans. Je vais le relire vite fait (Le Tigre possède tout, sache le) pour en faire un billet.
Ping : Alastair Reynolds – Le Gouffre de l’Absolution | Quand le tigre lit
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