Gros pavé qui fait partie d’une trilogie (avec Solal, si je ne me goure pas), j’ai bien failli à ne pas aller jusqu’au bout. Au milieu des années 30, nous suivrons l’existence de cinq potes et cousins juifs qui se font appeler les Valeureux, sur une île grecque. Too long, too much, j’ai baillé trop souvent. Rabelais est bien loin.
Il était une fois…
Joseph Kessel, le grand, l’unique, parle du roman en ces termes. Laissons-le donc s’enfoncer : « Un héros comme Mangeclous atteint à l’épique. Il y a là, à mon sens, quelque chose sans aucune espèce de comparaison. Il y a du souffle de Rabelais. C’est comme dans Rabelais : on accepte tout. On accepte tout parce qu’il y a un amour du personnage, parce qu’il y a une manière démesurée de le traiter qui fait que simplement on est ébloui. »
Même Marcel Pagnol s’y met, c’est terrible : « L’admirable Mangecloux, un grand héros comique d’une drôlerie extraordinaire. Le comique de Mangeclous est juif par sa subtilité, par les récifs de mélancolie qui affleurent soudain, par l’observation féroce et tendre qui le nourrit. Mais ce roman acquiert une portée générale par son humanité, son grand rire salubre, sa verve populaire. Sa fraîcheur, sa fruste saveur, sa robuste simplicité le font accéder à la majesté des légendes populaires et des grandes épopées. »
Critique de Mangeclous
Comment m’est venu l’idée de lire Mangeclous ? Deux raisons : Belle du seigneur qui m’avait proprement ravi. Ensuite, les critiques de glorieux Académiciens (cf. supra) pour parachever ce choix de lecture. Hélas, mille fois hélas, je me suis lourdement trompé.
Il n’y a pas vraiment d’histoire, disons que tout cela se passe dans l’entre-deux-guerres et on fait la connaissance du fameux Mangeclous et ses amis, ce premier est notamment décrit comme ayant de « longues dents et œil de Satan et Lord High Life et sultan des tousseurs et crâne en selle et pieds noirs et haut de forme et bey des menteurs et parole d’honneur et presque avocat et compliqueur de procès et médecin de lavements et âme de l’intérêt et plein d’astuce et dévoreur de patrimoines et barbe en fourche et père de la crasse et capitaine des vents ».
Si je me suis fait suer à recopier ces phrases, c’est pour mieux se rendre compte de l’étendue du problème de cette œuvre. Volontairement grotesque et caricaturale, à l’humour gras, répétitif voire lourd, c’en est au point d’être rapidement lassant. Albert Cohen y dépeint une série de personnages tous plus ridicules les uns que les autres, dotés de tous les vices possibles (bêtise, jalousie, avarice, arrogance, avidité, gloutonnerie…), et qu’il ne ménage d’ailleurs pas : l’auteur les traite férocement et les rend antipathiques au possible. A la limite de l’insupportable.
Albert C. critique tout en permanence, se moquant à la fois des Juifs, des Grecs, des Suisses, des ambassadeurs, jusqu’à l’absurde. Or, le but de l’écrivain suisse m’a rapidement échappé. Il souhaitait faire rire ? Le Tigre, s’il a relativement ricané pendant les premières pages, a vite été las de ces situations qui partent dans tous les sens, des personnages bêtes et méchants, de cet humour que je qualifierais de trivial.
En conclusion, c’est un titre dont je m’étonne d’être parvenu à aller jusqu’au bout. Car Mangeclous est, à mon sens plus que dispensable, surtout quand les chapitres se font rares et la police d’écriture petite. Je suis certain qu’il est milles choses à dire sur cette œuvre, toutefois j’ai survolé la seconde moitié d’un œil torve. Il s’agit sans aucun doute d’un bouquin à relire plus tard, et je suis persuadé que mon avis sera profondément divergent du présent billet.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’excessif dans la littérature. … L’auteur en fait définitivement trop, c’est plus que pénible. Il n’épargne ni ses personnages, ni le lecteur à qui il fait notamment la longue description des différents aspects de la saleté du personnage principal (flatulences, curage d’oreilles, croûtes en tous genres, et autres réjouissances…). Pour une action, on aura droit à des pages de synonymes et répétitions, et trop rarement la petite touche littéraire m’a fait sourire (en cherchant bien, le « lait de tigre » pour le pastis est bien trouvé). Le scénario ne vient pas rattraper les protagonistes puisque ces derniers sont placés dans des situations toujours plus rocambolesques et enchaînent des mésaventures saugrenues, le gavage n’étant jamais loin.
Au final, le seul thème presque intéressant abordé au cours de ce demi millier de pages est la vanité de la Société des Nations et de la diplomatie mondiale de cette époque en général. De l’incompétence, de la bassesse, de la bêtise, en fait grâce au frangin devenu sous-secrétaire de la vénérable institution Cohen en profite pour tirer à boulets rouges sur une SDN incapable de résoudre les conflits qui vont, plus tard, faire rage.
…à rapprocher de :
– Belle du seigneur n’a rien à voir, c’est une petite bombe. Faudrait que je songe à le résumer by the way.
– Sur l’excessif, préférez un bon San-Antonio (je propose toujours le même).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.