VO : Book of Law. Aussi connu sous le très clair titre Liber AL vel Legis sub figura CCXX. La photo de couverture est superbe, je l’ai vue comme une invitation à dévorer le livre de cet individu peu souriant. Hélas, mille fois hélas, la déception fut au rendez-vous : infiniment obscur, pas si choquant que cela, ça a mal vieilli en fait.
De quoi parle Le livre de la loi, et comment ?
Edward Alexander Crowley est un cas, un diamant brut de la fin du 19ème siècle à la vie mouvementée et multiple : riche glandeur porté sur l’occultisme, alpiniste de haut vol, héroïnomane, fondateur d’une société secrète qui a pris des airs de secte lupanarisante, grand voyageur devant l’éternel, bref presque un fou furieux. C’est d’ailleurs lors d’un voyage en Égypte qu’une puissance divine lui a dicté ce livre.
Et voilà donc le fameux Liber, écrit en rouge conformément à ce qu’Aiwass (si, si) lui a dit. Liber, liberté, c’est un peu le motto de cet essai (cf. infra). Livre dont Crowley a hésité à le publier, et lorsqu’il a fait les rapprochements avec n’importe quel ouvrage religieux sont légion : organisé en parties distinctes (trois ici) ; conditions de la révélation à l’écrivain ; chaque phrase / titre est numérotée tel une sourate coranique ou un verset de la Bible, néanmoins ça reste extrêmement court.
Et heureusement d’ailleurs, car Le Tigre a survolé sans vraiment parvenir à en tirer une quelconque substantielle moelle. Les deux premiers chapitres m’ont inspiré un ennui certain, et il est dommage de devoir attendre le dernier pour être sorti d’une indicible torpeur. Aussi j’imagine qu’il faille lire cette chose dans un endroit tranquille et l’esprit ouvert, pas à 1h du mat’ dans son lit avec les paupières qui tombent.
Il convient de remarquer que l’éditeur a eu l’excellente idée de la « lecture double » : à droite, le livre traduit. A gauche, l’original en anglais pour repérer ici et là quelques nuances de langage d’un texte écrit il y a plus d’un siècle. Avec le « thou » (biblique et shakespearien, voilà à quoi cela me fait penser) utilisé partout, il est vrai que l’œuvre a une certaine gueule. On en profite pour parfaire son anglais sur un texte original, que demander de plus ?
Au final, Le livre de la loi m’a laissé de marbre. Entre délires ésotériques et phrases à côté desquelles le sabir de Jean-Claude Van Damme est d’une enfantine clarté, même sur 50 pages je suis parvenu à bailler. Dernier point négatif : le prix de cet ouvrage (une vingtaine d’euros) est réellement excessif par rapport à sa taille, ça n’aurait pas du dépasser la quinzaine d’écus un truc pareil.
Ce que Le Tigre a retenu
Pas grand chose hélas, j’aurai voulu avoir la réaction proposée par Crowley qui est de brûler ce livre après la lecture à cause de sa trop grande portée.
Tout d’abord, le thélémisme, courant créé de toute pièce par Aleister (il a changé son prénom pour faire plus « irlandais » et mystique). Tiré du grec Thélèma (volonté), en rapport avec l’abbaye de Thélème de Rabelais, les maîtres mots de l’essayiste sont « fais ce que tu veux » puis « il n’y a pas de loi supérieure à fais ce que tu voudras ». L’Homme comme concentré de volonté à partir de laquelle tout est possible (chaque personne est une étoile, dit-il), on sent le Nietzsche (ou un Mishima, plus contemporain) mais qui en profite pour revêtir les habits de gourou sexuel.
Ensuite, j’ai trouvé que l’ésotérisme qui ressort de ce texte est presque une caricature des sociétés secrètes du 19ème siècle. Dès la première page, on peut lire « le khabs est dans le khu » ou « Aiwass, ministre de Horr-Paar-Kraat », pire qu’un roman de fantasy ! Quant aux spécieuses précautions autour de ce livre, les règles du Fight Club de Chuck Palahniuk ont dansé dans mon esprit en même temps que les recommandations de Crowley : il est interdit de parler de ce livre, il est interdit de commenter ce livre, il est interdit d’étudier ce livre, etc.
Enfin, certains trouveront les enseignements de Crowley malsains, voire immondes sur les bords. Plus particulièrement le troisième et dernier chapitre où il conchie (presque littéralement) sur les autres religions. Il est question de prendre les armes, laisser de côté la pitié, avec le messager occulte qui écartèle la vierge Marie, énuclée Jésus et Mahomet ou réserve un sort encore moins envieux aux représentants des religions extrêmes-orientales. Pour ma part, et sûrement parce que je n’ai pas réussi à prendre le Livre de la loi au sérieux, ça ne m’avait pas plus choqué que ça. Peut-être Tigre s’endurcit, avec les horreurs lues de la part d’autres écrivains.
…à rapprocher de :
– Crowley a inspiré un certain LaVey et sa Bible Satanique (la moitié est chiante). Disponible chez Camion Blanc également. Ou alors L’essor de Lucifer, de Baddeley (complet mais longuet).
– La référence à Rabelais est prégnante, et Gargantua peut se relire pour l’occasion.
– Quant à d’autres livres révélés, y’en a un joli paquet : livre des mormons, délires de Raël, etc.
Enfin, si votre librairie est fermée ou ne vend pas de tels ouvrages car « ce n’est pas le genre de la maison », vous pouvez le trouver en ligne ici.
Ping : Anton LaVey – La Bible satanique | Quand Le Tigre Lit
Merci pour votre commentaire. J´étais pret a lire cet ouvrage mais je me contenterai de votre chronique.
De rien KD. Sinon, sachez que ce texte est libre de droit (l’auteur étant décédé depuis belle lurette), aussi celui-ci devrait se trouver facilement en ligne.
Ping : Jean-Paul Bourre – Sexe, sang et rock ‘n’ roll | Quand Le Tigre Lit
Ping : Gavin Baddeley – L’essor de Lucifer | Quand Le Tigre Lit
Ping : Fenec & Malafaye – Propagande noire | Quand Le Tigre Lit
Ping : DodécaTora, Chap.IW : 12 objets littéraires à peine identifiés | Quand Le Tigre Lit
Ping : Finch & Fabok – Batman : La Nouvelle Aube | Quand Le Tigre Lit
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