VO : Seta. Féérique, envoûtant, sublime, on frise le chef d’œuvre si ce n’était pas aussi court. En aussi peu de pages il est délicieux d’entrer aussi « profondément » dans le monde décrit par signore Baricco. Histoire dépouillée au maximum et plutôt touchante, Le Tigre s’est régalé.
Il était une fois…
En pleine France des années 60 (attention, au 19ème siècle donc vers 1860 !), Hervé Joncour fait face à une épidémie qui pourrit les vers à soie de la méditerranée. Commerçant de cette denrée, il décide d’aller au Japon (le « bout du monde ») pour y trouver son bonheur. Le pays du soleil levant vient de s’ouvrir au monde, en plus d’avoir mauvais presse. Mais c’est dans cette mystérieuse contré que Hervé va y découvrir une nouvelle forme d’amour…
Critique de Soie
Oh la jolie surprise. Achetée sur un coup de tête, eu égard le prix (une paire de dollars) et le nombre de pages (à peine 120 aérées comme une pièce avec dix fenêtres ouvertes par mur et mal isolée). Et j’ai découvert une petite pépite de simplicité et d’imagination, quelque chose de touchant sans sombrer dans la mièvrerie.
Le scénario peut tenir en une petite ligne. Un homme entreprend, à plusieurs reprises, des séjours au Japon, et à chaque fois c’est le même trouble qui l’habite en rencontrant la concubine d’un notable local. A chaque voyage, l’auteur entreprend une répétition de la narration du périple : les copier-coller apportent une puissance supplémentaire au texte en plus de créer un lien entre les deux vies du héros, entre l’Orient et l’Occident. Tout en exacerbant les différences entre les deux mondes qui peuvent venir à l’esprit du lecteur ; ce dernier ressortira de cette œuvre comme apaisé.
Le Tigre y a vu un puissant roman intemporel qui notamment traite des d’un aspect plutôt intime des relations franco-japonaises. Le plus beau, sans aucun doute, réside lors de la fin du roman : le héros fait (enfin) traduire des textes en Japonais qu’il a reçus, et l’histoire prend une nouvelle envergure qui peut arracher une larmichette de la part des lecteurs les plus sensibles. Mieux ne saurait être supportable.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Du beaucoup à partir de peu (oh que c’est moche comme phrase). Le tour de force d’Alessandro réside dans la narration, excessivement squelettique (si ça vous parle) mais empreinte d’une poésie certaine. En fait, nul besoin de descriptions (voire de dialogues), je me suis représenté chaque paysage, chaque action comme si j’avais des estampes japonaises ukiyo-e et des tableaux de Cézanne sous la main. Un roman qui invoque autant l’imagination (en vue de compléter l’environnement) du lecteur à ce point, c’est plutôt rare.
L’impossible histoire d’amour. A chaque périple, la même rencontre entre le protagoniste principal et une femme du cru dont on ne aura jamais le nom. Distante, appartenant à un son maître nippon, l’ambiance passe allègrement du mystérieux à la puissance des sentiments. Malgré cette fascination l’homme reste fidèle vis-à-vis de sa « régulière », sa dignité ne paraît jamais être écornée.
…à rapprocher de :
– Emmaüs, du même auteur, m’a ennuyé – cela ne veut pas dire que c’est mauvais.
– François Girard a réalisé un film (même titre) à partir de cette œuvre. Pas encore visionné.
– Sur la beauté dépouillée du Japon, vous pouvez jeter un oeil du côté du peintre Hosukai, dont un manga d’Ishinomori retrace une partie de sa vie.
– Dans la simplicité au service de la beauté, il y a Des chrétiens et des Maures de Pennac.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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