VO : The Stars My Destination. Pas vraiment aussi bien que L’homme démoli, toutefois un très bon cru qui doit être lu. Cette fois-ci l’humanité a colonisé une très grande partie de l’espace, et le « plus » technologique de l’histoire est la téléportation. A partir de là, toute l’évolution humaine est repensée.
Il était une fois…
Gulliver Foyle, mécano inculte et frustre, se retrouve malgré lui prisonnier d’un vaisseau-épave. Survivant dans un placard à balai, seul lieu pressurisé, quelle n’est pas sa fureur lorsque le Vorga, vaisseau appartenant à la puissante famille Presteign, ignore ses appels au secours. Sauvé miraculeusement par un curieux peuple, Foyle n’a désormais qu’un but : se venger des occupants du vaisseau, quoiqu’il en coûte.
Critique de Terminus les étoiles
Encore un excellent roman de Bester, ce petit gars avait vraiment de la suite dans les idées. Avant même le début de l’histoire, et en guise de prologue, c’est la grande légende de la téléportation qui est expliquée. Et derrière cette histoire se dresse une critique virulente de notre système économique actuel, avec les tares de la mondialisations (criminalité, épidémies, perte d’identités). Assez marrant quand on sait pendant quelle décennie ce livre a été écrit. Très affuté.
L’épopée (il n’y a pas d’autres mots) de Foyle est grandiose, vraiment pas crédible tellement notre héros a la rage en lui et a parfois de la chance. Un comte de Monte Cristo futuriste, rien de moins ! En plein conflit entre la Terre et ses planètes proches et le reste (les Satellites Éloignés), notre homme va poursuivre une chimère, savoir qui l’a trahi alors que des enjeux bien plus importants gravitent autour de lui. De quoi faire péter le système solaire, rien de plus hein.
Le style est passable, avec de temps en temps les fulgurances propres à Bester, notamment quand celui-ci s’amuse avec la typographie, ce qui est toujours surprenant dans un roman, pour représenter certaines idées assez…incompréhensibles. Mélange des sens, bruits en guise de couleurs, odeurs correspondants à la vue,… A ce titre, la fin est d’un abscons comme on en voit rarement : ça me rappelle un peu la dernière partie de 2001 de Kubrik (tirée de Arthur C. Clarke), et tous ses voyages spatio-temporels soi-disant révélateurs pour le héros. Et visuellement chatoyants pour le téléspectateur comme le lecteur.
Bref, il semble que Bester, en proposant une vision à la fois sombre et violente de l’humanité en devenir, aux mains de corporations dynastiques sans fois ni lois, a imaginé avant bien d’autres les prémices du cyberpunk.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La vengeance est LE fil directeur du roman. Foyle est fou de rage, un personnage paradoxal et très profond : idiot au début, apprenant en prison à l’aide d’une femme, et puis imaginant les plus fins stratagèmes en seconde partie du roman, la rage porte ses fruits. Tout son intellect est porté vers cette vengeance, et chaque fois que ses plans sont gravement contrariés il perd plus ou moins les pédales. Aspect bien traité, le tatouage qu’il portait réapparaît lorsque ses sentiments sont trop puissants : forcé de se contrôler, Foyle représente quasi visuellement la frontière entre l’homme et l’animal (tatouage de tigre en plus, j’aime).
La téléportation, trame indispensable de l’intrigue. Dans cette œuvre la « fuggue » a été trouvée par hasard au début de notre siècle, par quelqu’un qui avait un urgent besoin de se barrer d’un endroit. Après des décennies d’apprentissage tous peuvent se téléporter, jusqu’à 1000 km pour les plus doués. Il suffit de connaître intimement son lieu d’arrivée (des plateformes de réception). Les coursiers fuggent (adieu les communications numériques), les plus riches ne le font pas par snobisme, les prisons sont conçues dans le noir afin d’éviter toute fuggue, pour immobiliser un homme on frappe à certains endroits pour l’empêcher de se concentrer (et ainsi fugguer), la téléportation mal préparée qui tourne au désastre, tout est si différent et en même temps si cohérent ! Corolaire de la fuggue, tout n’est que Volonté, et la fin du roman le rappelle.
La société du spectacle. Le Tigre ne paraphrase pas le génial Guy Debord, rassurez-vous. Je fais référence à la seconde partie du roman : De Quatmyle (on va dire que l’orthographe est correct), énigmatique patron d’un grand cirque, fait tout pour rentrer dans la haute. Cela commence par un objectif simple : faire le buzz à tout prix, en gaspillant allègrement sa fortune dans un projet loufoque. Le cirque est énorme, constitue un centre de coûts inutile, à l’image des dizaines de savants employés à trouver le mouvement perpétuel. Surprendre le plus possible, tout oser et ce à la limite du subversif, voire ne plus s’arrêter dans la déconne, Cérès de Quatmyle est un personnage hors du commun. Aidé par une télépathe qui le guide au sein de la haute, Quatmyle découvre une classe sociale insouciante, faite d’apparences et de vieilles fortunes : la famille Esso, Coca ou encore Ford qui sont autant de critiques des grands groupes capitalistes de l’époque de l’auteur.
…à rapprocher de :
– Du même auteur, L’homme démoli est bien plus sympathique. Ce n’est pas pour rien que les éditions précédentes étaient attachées au premier roman précité.
– La force de l’esprit, c’est aussi Le Monde des Ā, de van Vogt. Attention, philo non-aristotélicienne qui envoie du pâté.
– Un homme, seul, qui à force de volonté peut s’élever dans un monde futuriste aussi bordélique, Le Tigre pense tout de suite à Sven Tveskoeg, des Aux (Le Faucheur pour commencer), de David Gunn.
– Une fin plus que bizarre, avec des références scientifico-spirituelles que Le Tigre a souvent du mal à saisir (surtout après 600 pages), relisons ensemble les excipit de L’espace de la révélation, d’Alastair Reynolds, ou Babylon Babies, de Maurice G. Dantec.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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Lu d’après ton bon conseil et ce fut une assez bonne surprise. Ca se lit vite et on reste accroche a la rage de Gulli.
On a un peu l’impression quand même de lire de la vieille SF a Papa. Beaucoup de considérations sociales, politiques et écologiques, qui transparaissent dans les œuvres actuelles sont totalement absentes de Terminus Les Étoiles.
Ne reste que l’histoire d’une vengeance qui pourrait presque aussi bien se passer dans un western.
La science fiction se résume finalement a voyage interstellaire et téléportation.
L’auteur semble en effet avoir transposé un ou deux thèmes (vengeance, contrôle de soi) au futur, c’est vrai qu’il n’a pas construit énormément autour, et c’est pour cela que c’est quasiment indémodable (il est dur de faire comme Asimov). Concernant la téléportation, j’ai bien aimé le petit twist final.
Ah oui? Mince j’avais trouve la fin un peu bâclée justement tombant un peu comme un cheveux sur la soupe après une presque apocalypse… Mais on va pas spoiler les gens quand même!
On peut spoiler, du moment qu’on l’annonce 🙂 Je salue la SF à la papa, qui au bout de 300-400 pages se dit qu’il serait p’têt temps de clore le bouquin. A part le spoil auquel on pense, je ne me souviens plus trop du final en fait.
C’est justement qu’elle n’était pas folichonne. La conclusion est assez tristounette compare a la folie flamboyante qui monte crescendo du début a la presque fin.
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