Recueil de textes d’un écrivain anonyme et passablement dérangé, voici de quoi passer de fortes vilaines nuits. Certes il y a de tout dans Chair et Tendre, toutefois le lecteur très attentif saura y déceler une logique malsaine qui sait fouiller les tréfonds de ce que l’Homme sait faire de pire. A consommer certainement avec modération.
Il était une fois…
Le Tigre ne compte pas vous faire le résumé des onze textes, aussi je vais m’en remettre à la succincte présentation de l’éditeur :
« D’Anvers à Venise en passant par la Venelle fantôme, découvrez le brûlant de la Maison-Tranchoir ou les labyrinthes qui se cachent dans l’âme humaine ».
Critique de Chair et tendre
Bon, à quoi va ressembler ce groupement de textes ? Disons qu’en lisant le très court premier qui donne le titre à l’ensemble de l’œuvre, la couleur est clairement annoncée : ça va être glauque et sanglant. Ensuite, la deuxième nouvelle (Chemin de croix ou, plus tard, Chronique des égarés) donne un autre indice sur l’aspect labyrinthique (donc mystérieux) de ce qui sera offert au lecteur.
Une constante reste la surprise finale du chef. Je pense notamment à Maudit soit le jour, avec le décès répété, à des instants différents pense-t-on, d’une même personne. Ou au dernier jet de l’auteur, dont le fin mot de l’histoire m’a fait halluciner. Cela peut aller trop loin, comme dans Ce que femme veut, où on apprend à tout reconsidérer, sinon relire la nouvelle pour voir à quel point on a été piégé par la prose d’Amelith D.
Sur la prose de l’écrivain, il est quelques « tics » de langage signalant qu’on a affaire au même cerveau imaginatif (certains adjectifs redondants et « pourris » dans le sens où le mal-être est toujours présent), cependant la narration ou la structure des textes font état de variations qui m’ont enchanté. En outre, j’ai cru dénoter un sadique plaisir à trimballer le lecteur, se jouer de lui.
Au final, si j’ai eu la désagréable impression d’être la chose de Deslandes qui, par le choix des textes, m’a forcé à entrer dans son univers autant original que dégueulasse, faut avouer que c’est très bien amené. Particulièrement quelques discrets liens entre les scénarios, et à ce titre on pourrait regretter l’obligation de se creuser sévèrement le ciboulot pour suivre les rapports entre, par exemple, la maison cannibale et d’autres labyrinthes sortis des pires cauchemars des scénaristes de Cube.
A lire d’une traite donc, en espérant qu’un recueil plus « linéaire » daigne voir le jour un de ces quatre. Néanmoins ce ne serait le genre ni de l’auteur, ni de l’éditeur. Et pour la claque littéraire prise, Le Tigre ne va pas faire la fine bouche.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le corps malmené. A l’instar du Marchand de Venise de Shakespeare (peut-être référence dans Une dernière nuit à Venise, que j’ai hélas trouvé moins intéressant que les autres), les errements de quelques héros se paient en livres de chair (d’où le titre). Que ce soient pour les raisons personnelles anti-mode d’un psychopathe dans Mutilations mondaines, ou simplement nourrir une bande de doux fous dans un immense manoir, le sacrifice de morceaux de viandes humaines est omniprésent.
Les objectifs de ces prélèvements sont variés, tant monstrueux (Les échos clandestins) ou pour satisfaire une certaine idée de l’art. Le dernier texte, L’éternelle demeure, est dans ce domaine un bouquet final d’horreur pure à lui seul capable de laisser un ultime souvenir d’Amelith Deslandes.
Le labyrinthe. Dès le début, Le Tigre pariait, in petto, sur le nombre d’itérations de ce terme (en nom propre, adjectif, etc.) dans la prochaine nouvelle. Et ça revient très souvent, sans que ce ne soit lassant puisque l’auteur décline ce sujet de différentes manières. Sombres labyrinthes ; sous-sols séquestrant le corps et l’âme ; puits sans fonds ; transformation d’une ville et peur lorsque le labyrinthe se fait mouvant (cf. septième texte), en fait l’ingéniosité humaine paraît infinie pour baiser l’esprit des protagonistes.
…à rapprocher de :
– Cette maison d’édition a également publié une anthologie sur les Robots, avec quelques jolis textes.
– Face à l’horreur du labyrinthe physique qui renvoie aux liaisons synaptiques décrépites d’un cerveau malade, je me suis plus que de raison remémoré le génial L’Homme dans le labyrinthe, de Silverberg.
– La mode et la mutilation, objet de la nouvelle Mutilations mondaines, est un magnifique clin d’œil à Monstres invisibles, de l’unique Palahniuk (mon auteur préféré, en serait-il de même pour Deslandes)?
– Le thème du corps torturé, chez un autre éditeur indépendant, c’est Sales bêtes !, sorti chez les Artistes Fous Associés. Que des dingues, je vous le dis.
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