Sous-titre : Quand nos civilisations s’épuisent. Essai éclairant et profondément humaniste, Amin Maalouf développe d’intelligentes démonstrations sur les égarements de l’Occident et de l’Orient. Et en profite pour nous envoiyer un peu de rêve sur la fin. Un des meilleurs titres de l’essayiste.
De quoi parle Le dérèglement du monde, et comment ?
Le Tigre a découvert Amin Maalouf, brillant académicien (élu après la publication du gros de ses essais) franco-libanais grâce au Dérèglement du monde. Essayiste particulièrement reconnu aux États-Unis et au Moyen-Orient, il s’agit de la personne (selon Le Tigre hein) la plus apte et la plus abordable pour saisir les problématiques qui ont trait aux étincelles que produisent ensemble l’Orient et l’Occident.
Dans cet essai, l’auteur tente de souligner l’illusion de la soi disant guerre de civilisation entre le bloc chrétien et l’umma (la communauté musulmane). Selon lui, le souci majeur réside dans l’affaiblissement parallèle entre ces civilisations. L’homme a tellement fait preuve, de part et d’autre, de défaillances au niveau moral que l’affrontement larvé entre les deux cultures n’est que le résultat des faiblesses de chaque camp.
L’analyse est limpide, avec environ 300 pages finement découpées en chapitres logiques et plutôt concis. A l’inverse des Identités meurtrières, Le Tigre a lu le tout d’une traite. Certes le style un peu long et lâcher l’ouvrage en cours de route est plus d’une fois franchement tentant, néanmoins le lecteur aurait tort d’abandonner.
Bref, un Maalouf « citoyen du monde » tout ce qu’il y a de libéral (dans le premier sens du terme) et exigeant, avec quelques pistes en fin d’ouvrage qu’il est bon de relire. Cet ouvrage m’a incité à poursuivre la lecture de cet auteur, avec d’autres bonnes (et de moins bonnes hélas) surprises.
Ce que Le Tigre a retenu
Amin M. n’épargne personne et ses termes m’ont semblé assez juste bien que pessimistes. D’un coté, l’Occident qui foule allègrement du pied quelques unes de ses valeurs les plus importantes. En souhaitant protéger leur environnement à tout prix, les gouvernements parviennent hélas à aller à l’encontre de principes qui caractérisent les Lumières (et cela donne un très mauvais signe au reste du monde). De l’autre, le monde islamique bloqué à tout point de vue dans un style très moyenâgeux, incapable de se ressaisir et basculant de temps à autre dans le radicalisme religieux.
Sur l’Occident, l’auteur pointe quelques bonnes analyses, notamment sur ces principes démocratiques qui sont attaqués de l’intérieur. Et dans quel but ? Préserver sa puissance militaire sur le monde globalisé, et ce parce que l’économie et la légitimité des États occidentaux (Russie comprise il me semble) ne sont plus ce qu’elles étaient.
Là où Le Tigre a été grandement instruit, c’est par l’exposé de la situation arabe selon l’essayiste. En effet, celui-ci nous conte une grandiose rétrospective sur ce monde (qui m’est relativement inconnu) depuis la fin de la deuxième (car peut-être pas dernière hélas) guerre mondiale : échec des politiques d’unification ou de développement ; mauvais calculs (ou gouvernances) par les leaders du cru ; déceptions grandissantes de la population qui ne voient plus la patrie comme un espoir ; radicalisation d’une partie des peuples qui se tournent vers l’islamisme.
Instructif et pertinent lorsqu’on observe ce qui se passe dès que les puissants appareils étatiques (bons ou mauvais) disparaissent, laissant le pays ouvert à de violents conflits. Troubles ethniques là où l’existence même du pays est remise en cause ; affrontements religieux lorsque les individus se détournent de l’esprit des Lumières, invention occidentale aussi remise en cause. L’Histoire tend à donner raison à Maalouf, terrible constat.
…à rapprocher de :
– De Maalouf, Le Tigre a moins apprécié Les Identités meurtrières mais s’est régalé avec Samarcande.
– Sur un aspect de l’Orient et du monde musulman à travers le prisme du radicalisme, Hans-Magnus Enzensberger et son Perdant radical est également intéressant.
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