Le Tigre connait surtout Maalouf pour avoir lu quelques de ses essais, toutefois en abordant ce roman il appert que l’aspect historique est bien prégnant. En suivant les péripéties d’Omar Khayyam, homme complet s’il en est, c’est toute une civilisation et une époque que le lecteur découvrira. Une belle gourmandise littéraire.
Il était une fois…
A Samarcande sévissait, il y a presque un millénaire, le génial Omar Khayyam. Génial, car le monsieur compilait les talents : poète aux Robayats (poèmes locaux) envoutants, astrologue capable de prédire le mouvement d’astres, bref un savant comme on en faisait rarement. A cette même époque, la fameuse secte des Assassins frappait aussi, de même que les intrigues politiques de la grande Perse.
Critique de Samarcande
Sorti à la fin des années 80, c’est avec un plaisir non feint que j’ai dévoré ces presque 400 pages. Le grand format s’il vous plait, d’où l’image de couverture. D’habitude je répugne à les acheter, mais quand on m’en offre je n’ai plus vraiment mon mot à dire.
Revenons à Samarcande, ville perse témoin de nombreux rebondissements de l’Histoire. Il ne fut pas difficile pour l’auteur de nous pondre un conte historique axé sur trois grandes épopées que la région a connues : un poète (dont quelques jaillissements poétiques sont retranscrits) un peu impie mais surtout bon vivant, libre et talentueux en tout ; la secte des Assassins et les troubles de la Perse au début du 20ème siècle.
Le fil d’Ariane reste le bon Kahyyam, qui en plus d’avoir été un éminent poète a souvent été acteur, sinon spectateur des luttes, guerres, trahisons…de la Perse au 12ème siècle. A mon titre défendant, j’ai eu énormément de mal à m’approprier les personnages et l’environnement dans le début du livre. Et, par une sorte de magie, le vocable utilisé par l’auteur s’est révélé être une excellente source d’immersion. Maalouf sait écrire et entrainer le lecteur dans son univers, ce qui immanquablement est arrivé au Tigre vers la moitié du titre.
Si l’écriture est « abordable » et peu compliquée, je n’ai en revanche pas pu en dire autant des noms des lieux et des protagonistes. Sans être condescendant ni un inculte fini (quoique…), je me suis plus d’une fois emmêlé les pinceaux entre Omar Khayyam (encore, celui-là je le retenais), Toghrul-Beg, Alp Arslan, Malik Shah Ier, ou Hassan ibn al-Sabbah. Pour conclure, Maalouf sait être un conteur intelligent, en voici une preuve supplémentaire.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Afin d’étoffer la narration de Samarcande, Amin M. a établi un solide lien entre cette antique époque (plus de quatre cinquième de l’œuvre) et le monde moderne. Je dis moderne, et non contemporain, puisqu’il s’agit de la toute première partie du 20ème siècle : cette histoire démarre en effet à cause de la découverte d’un manuscrit qu’on pensait perdu et qui retrace une partie de l’existence du héros (le fameux poète). Or, de saisissantes descriptions de la Perse dans les années 1900 sont fournies, notamment comment les puissances occidentales, pour de basses considérations économiques, ont empêché la région d’embrasser la modernité.
Le thème principal, enfin, me semble être l’apologie de la liberté totale contre les fanatismes de tout poil. Le protagoniste principal est libre penseur, amant passionné (pas forcément bien vu là-bas, comme en Europe d’ailleurs) et fin connaisseur de bons vins. Vous l’aurez compris, Omar a beau être très connu dans ce pays, il cumule quelques tares qui vont attirer l’inimitié de quelques uns. A contrario, le lecteur découvrira la bande à Hassan ibn al-Sabbah, également appelé « le vieux de la montagne », fondateur d’une secte de tueurs qui a fait trembler la région pendant des décennies.
Ce qui m’a rapidement gêné est que grâce aux savoirs du héros (uniquement il me semble) il a pu s’en tirer. N’importe quel gus alcoolo comme Khayyam mais dénué de son talent aurait sûrement perdu sa tête depuis belle lurette (je peux me tromper).
…à rapprocher de :
De papa Amin, Le Tigre a beaucoup de références dans la tête :
– Les identités meurtrières, un essai simple mais puissant. Comme le Dérèglement du monde, que j’ai nettement préféré au premier.
– Les croisades vues des Arabes. Pas encore lu hélas.
Que des essais, et pour tout dire je préfère quand Amin se fait écrivain plutôt qu’essayiste.
– Sur la grandeur de la Perse et comment les Occidentaux lui ont souvent chié dans les bottes, je vous invite à lire Perspepolis, de Marjane S.
– Sur la secte des Assassins, on peut en savoir plus grâce à l’uchronie Tancrède, d’Ugo Bellagamba . Pas mal du tout, dans un style certes déroutant.
– Quant à « l’art du vin », Omar K. est rapidement invoqué dans la BD Mimi, Fifi & Glouglou, de Tolmer. Passage obligé pour tout dégustateur en herbe.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce non si onirique roman via Amazon ici (poche bien sûr).
Merci pour cette présentation de Samarcande d’Amin Maalouf, dont j’apprécie les oeuvres. Sur la secte des Assassins, je te conseille deux bons romans Le Vieux de la Montagne de Freidoune Sahebjam (Livre de poche) et Alamut de Vladimir Bartol (Phebus Libretto).
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J’approuve pleinement votre présentation de l’œuvre cher Tigre. J’en avais également grandement apprécie la lecture, de même que les Identités meurtrières.
Vous m’en voyez ravi.
Plusieurs volumes de cet auteur à lire, mais je rajoute ce titre dans les « à trouver ». Par quel miracle (mystère ?) les auteurs d’origine orientale ou africaine sont-ils souvent de merveilleux conteurs ? Les Jardins de Lumière vont m’accompagner prochainement. Merci d’avoir attiré mon attention sur cet auteur.
Ping : Amin Maalouf – Les Identités meurtrières | Quand Le Tigre Lit