Moments de vie d’une Française installée à Los Angeles entre les évènements terribles du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, chroniques détachées à la fois accessibles et instructives, il y a de quoi passer un bon moment. Sauf si vous vous attendez à une analyse sociologique poussée ou si le ton franco-bobo vous pousse sur le haricot.
De quoi parle Chroniques de Los Angeles, et comment ?
Il était une fois un homme normal qui a eu une opportunité de boulot aux States. A L.A., s’il vous plaît. Le voilà donc qui part avec ses deux enfants et son épouse. Laquelle n’est rien d’autre qu’Annette Lévy-Willard, travaillant chez le journal Libération, fermement décidée à raconter ce qui se passe chez l’Oncle Sam.
Avec cette essayiste/écrivaine, le félin s’attendait à des anecdotes représentatives (et savoureuses) associées à une condescendance toute française – tendance gauche parisienne du 16e arrondissement, la pire des races. Sauf que le résultat fut nettement moins pire qu’escompté. Je dirai même que c’est potable, bien que l’humour mordant vanté par l’éditeur ne l’est point. Cynique, oui, mais rien de révolutionnaire ou susceptible de faire taper les griffes sur mes cuisses.
Avant d’aborder le fond du sujet, quelques autres remarques sur le style. D’abord, Annette L.W. a réussi quelque chose que peu parviennent à réaliser : respecter une ligne chronologique tout en pondant des parties thématiques. Un chapitre, un sujet plus ou moins précis sur la vie dans la cité des Anges – travail, célébrités, gosses qui font n’importe nawak, politique, etc. Ensuite, il y a un savant mélange de fiction personnelle (certainement exagérée) et de tentative d’analyse. Ainsi, le lecteur a entre les mains des chroniques assez personnelles mais suffisamment éclairantes et instructives pour satisfaire le curieux tigre.
Et le résultat global est plaisant. Tigre supputait que les approximations d’Annette et son parti pris elle allait constituer un agacement, toutefois l’aspect « franco-chauvin » de l’auteure n’est point trop prégnant – même si le trait est parfois forcé. Le fauve s’est même autorisé à penser qu’être journaliste à Libé fait de vous quelqu’un de cool. Les enfants font n’importe quoi, les soirées se terminent salement, elle est témoin de choses assez bizarres d’un point de vue français, pour Lévy-Willard ne bronche pas. Ça l’amuse presque. La philosophie du contemplateur…à moins qu’Annette se donne un style alors que, pendant son réel séjour, elle avait plutôt gueulé comme un putois qu’on sodomise avec une borne kilométrique.
Ce que Le Tigre a retenu
Le félin passera rapidement sur les menues pratiques qui ne concernent pas uniquement la Californie, en vrac : le recours systématique à un avocat, la législation stricte sur l’alcool (et les fausses cartes ID qui pullulent), le puritanisme confirmé de nos voisins outre-atlantiques, l’omniprésence de la bagnole (sans le permis, tu ne sers à rien), etc.
Ce qui reste fandard est la propension des touristes franchouillards à « tourner L.A. ». C’est-à-dire débarquer près de Hollywood, les étoiles dans les yeux, et filer tout de suite vers ce qui claque et brille. Puis comparer ce que l’on découvre avec son propre petit paradigme, voire se moquer gentiment avant de subir un sévère contre coup. Car le Californien se lève avant 6 heures, vit à cent à l’heure et gère un nombre incroyable de contraintes (être en forme, réussir dans le boulot, assurer son rôle de parents, respecter ses engagements d’être sociable). Résultat ? Le touriste français, après quelques jours de visites intenses, finit son séjour vautré autour de la piscine de ses hôtes. Et râle. Bref, il ne vaut pas mieux qu’un Américain.
Début des années 2000 oblige, le lecteur aura naturellement droit aux interminables débats autour de la guerre du Golfe (la seconde hein, celle où le Galouzeau de Villepin aurait fait bander le Conseil de Sécurité). Entre les va-t-en-guerre Républicains en rang d’oignons derrière W. Bush et les amis européens qui n’en peuvent plus de cracher sur la politique U.S., Lévy-Willard a le cul entre deux chaises. Et, par esprit de contradiction, elle défendra telle ou telle partie selon son interlocuteur. L’esprit du troll gentil qui fait tout de même montre de diplomatie et développe les arguments de chaque partie.
Tout ceci est fort divertissant, toutefois il semble manquer quelque chose. Cette petite dose de curiosité et d’ouverture d’esprit qui fait défaut à tant d’expatriés (oui, le mot est lâché). L’envie de découvrir une ville loin de ses sentiers lumineux et qui, par déformation, semble bien superficielle. L’auteur n’exprime aucun désir de creuser au-delà des apparences, son essai ne relève rien de glauque, d’underground ou, plus simplement, quelques éléments sur la pauvre populace (les petites mains) qui vivotent autour de ce luxe tapageur. Moins de cinq années à Los Angeles ne paraissent pas suffisants.
…à rapprocher de :
Pour l’instant, le fauve n’a que peu de comparaisons à vous offrir. Il y réfléchira davantage, promis.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai en ligne ici.
C’est un livre qui au premier abords m’aurait tenté je pense après lecture de ton avis j’ai quand même quelques réserves.
Peut être que si je tombe dessus un jour je me laisserai quand même tenter !
Merci de la découverte et de ton article décidément toujours aussi bien construit !
Laisse toi tenter, il n’y a pas de raison ! En revanche, et à moins de n’avoir que des Musso dans ta bibliothèque, tu trouveras mieux autour de toi.