VO : white tiger. Un tigre dans le titre d’un roman, comprenez que je ne pouvais laisser passer ce truc sans broncher. Je ne savais pas à quoi m’attendre, et face aux critiques, toutes positives, j’attendais beaucoup du narrateur passé du statut de chauffeur/esclave à riche entrepreneur. Décevant au final, le style m’a hélas insupporté.
Il était une fois…
Ce foutu tigre blanc, c’est Balram Halwai, tout ça parce qu’un professeur a décidé, face à la rareté de son intelligence, de l’appeler ainsi. Balram, par un heureux hasard (il a particulièrement insisté auprès du garde népalais), est parvenu à devenir chauffeur auprès de M. Ashok à Dehli. Ce dernier, ayant des usines à charbon, est à la capitale pour un certain temps histoire de soudoyer quelques politiciens avant les élections. Notre héros, devenu chauffeur officiel, découvrira l’Inde extravagante, entre inégalités sociales criardes et esprit de soumission du peuple.
Critique du Tigre blanc
Aravind Adiga, avant d’écrire ce roman qui lui a apporté la gloire (prix Booker, rendez-vous compte), est un journaliste indien assez porté sur la littérature. On sent d’ailleurs l’auteur à l’aise sur la description précise, presque envoutante, mais de là à dire que ce titre mérite toutes les louanges, je n’en suis pas sûr.
Le scénario, qui met un certain temps à décoller, évoque un homme (Balram signifie « homme » en hindi, sauf erreur de ma part) parti de rien et qui termine à la tête d’une trentaine de taxis pour ramener les travailleurs dans l’électronique à Bangalore. Pour ce faire, le tigre blanc va user autant d’ingéniosité que d’insidieuses manœuvres pour arriver à ses fins. Jusqu’au pire, mais entre ce qu’il annonce et la réalité il peut y avoir un gouffre – du moins je l’ai compris comme cela.
L’originalité du texte est qu’il s’agit d’une missive adressée à Wen Jiabao, premier ministre de la Chine qui doit prochainement faire une visite dans le sous-continent. C’est également là que réside le problème, car le style m’a paru aussi pompeux que malvenu. Sous couvert d’une aimable discussion avec Jiabao, Adiga adopte un style souvent familier, avec quelques irrévérences qui m’ont plus gavé qu’autre chose. Quant aux deux derniers chapitres (sur une demie douzaine en tout), leur lecture fut presque un supplice – peu compréhensible et encore moins crédible.
Pour conclure, le passage des Ténèbres à la Lumière du héros ne s’est pas fait en un jour, et est autant douloureux pour le tigre blanc que vis-à-vis du lecteur. Remercions Aravind A. de ne pas avoir trop dépassé les 300 pages, car dès le début je ne pensais pas pouvoir terminer correctement son roman. S’il se rattrape après le premier tiers, il faut convenir que ça ne suffit pas pour satisfaire Le Tigre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le sujet principal, bien sûr, est l’Inde. C’est amusant, mais j’avais peur que l’auteur abonde dans ses clichés pauvres c/ riches (gentils c/ méchants), jusqu’à ce qu’il me donne tort sur les dernières pages. Quoiqu’il en soit, le tableau dressé par le journaliste/écrivain est édifiant, et on ne peut douter de la bonne foi d’Adiga. Notamment lorsqu’il décrit la corruption ambiante, trop réaliste et terrible pour être inventée. Le maître du protagoniste (ou la Mangouste, personnage assez puant) parcourt Dehli avec son sac rempli de biffetons afin de copieusement arroser les responsables politiques.
Il ressort que ce pays, sous couvert d’une occidentalisation délirante et enjouée (Bangalore, la ville qui ne dort jamais), il y a comme un souci sociétal : les anciennes traditions demeurent et rendent la vie des plus modestes difficile. Le système des castes, notamment, est comparé à une jungle, certes injuste, mais ordonnée. Le protagoniste se définit lui-même comme un « demi-cuit » puisque son éducation n’est pas allée à son terme, le rendant impropre à rejoindre la société de consommation. La suppression de ces « classifications » de classes consiste, selon l’auteur, à ouvrir toutes grandes les portes d’un zoo alors que la société n’y était pas prête. Si le conducteur de rickshaw peut nourrir de grands espoirs pour lui ou sa descendance, il faut convenir que les élites ne l’entendent pas de cette manière.
La théorie, maintes fois reprises par l’auteur, est que la démocratie n’est pas adaptée à l’Union indienne. Il envierait quasiment l’autoritaire Chine où Gandhi et le « Grand Socialiste » n’ont pas cours. Les élections ne semblent être une farce où tout est joué par avance grâce à l’achat des voix des plus démunis. Rien ne semble changer à terme, l’Inde est alors comparée à une cage à poule entretenue par les prisonniers eux-même qui s’autocensurent malgré quelques vélléités de révolutions.
…à rapprocher de :
– A mon sens, Amit Chaudhuri et son roman Les Immortels est bien meilleur. Certes moins accessible, mais tellement plus puissant.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : DodécaTora, Chap.TT : 12 ouvrages avec « tigre » en titre | Quand Le Tigre Lit
Bien sévère sur ce livre qui donne une image très vivante de l’Inde et qui est surtout plein d’humour! Une relecture s’impose?
De l’humour, Tim ? As-tu lu le même roman que moi ? [je t’appelle rapidement pour le verre, je te sais très demandeur]
Ping : DodécaTora, Chap.LT : 12 tigres en littérature | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amit Chaudhuri – Les Immortels | Quand Le Tigre Lit