VO : Kleifarvatn. En un mot, superbe. Enième enquête d’Erlendur (je ne les lis pas vraiment dans l’ordre), il y a du progrès dans la narration. Cet auteur islandais, à partir d’un policier, parvient à retranscrire l’ambiance de l’Allemagne de l’Est, sa police politique et la déconvenue de jeunes idéalistes gauchistes qui s’y sont frottés.
Il était une fois…
Le quatrième de couverture, court et efficace, est un modèle de ce qui peut se faire de mieux. Copier-coller donc :
« Il dormait au fond d’un lac depuis soixante ans. Il aura fallu un tremblement de terre pour que l’eau se retire et dévoile son squelette, lesté par un émetteur radio recouvert d’inscriptions en caractères cyrilliques à demi effacés. Qui est donc l’homme du lac ? L’enquête révélera au commissaire Erlendur le destin tragique d’étudiants islandais confrontés aux rouages implacables de la Stasi. »
Critique de L’homme du lac
Le Tigre a commencé par Indridhason par ce titre et a été délicieusement surpris. Après avoir dévoré d’autres titres de cet auteur, je peux annoncer que c’est, pour l’instant, un de mes préférés. Comme j’aime le dire, c’est le roman de la maturité. Un pur plaisir, en trois heures à peine ce fut lu ! Les passages plus personnels du flic, lorsqu’on le découvre pour la première fois, ne sont pas rebutants car la lecture des opus peut se faire dans un certain désordre.
Le scénario peut être considéré comme classique mais la manière dont il est traité est parfait. D’un côté, Erlendur et ses petits soucis à la recherche de l’identité d’un vieux cadavre, déroulant progressivement le fil de sa vie (au macchabée). De l’autre, l’histoire de quelques étudiants qui vont découvrir les joies du socialisme en Allemagne de l’Est. Tomas, jeune Islandais qui souhaite monter dans la hiérarchie du PS local, y rencontre Ilona, qui est hongroise. Cette dernière est plus attentive à la situation de son pays, et semble plus circonspecte quant au bien-fondé de l’idéologie soviétique. Entre les deux où une belle histoire d’amour aurait pu naître, Lothar, agent de la Stasi dans l’université.
Arnaldur a bien géré les deux intrigues de son livre (il saute intelligemment de l’une à l’autre), le mélange d’expériences (années 70 et années 2000) reste bien géré et puissamment crédible. Nos jeunes idéalistes à l’Est de Berlin années 70 ont une histoire dure et triste, ce qui a particulièrement plus au Tigre.
S’il fallait donc n’en retenir qu’un, faire son highlander sur cet écrivain, c’est décidément L’homme du lac. Style limpide et différents épisodes empreints d’une belle humanité, rien à dire.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les pays totalitaires du bloc soviétique, particulièrement la République démocratique (sic) allemande. La toute-puissante Stasi a ses entrées partout, et surtout dans les lieux de savoirs pour surveiller la jeunesse, catégorie sociale qui inquiète légitimement les autorités. L’auteur décrit les méthodes de la police d’État qui joue sur le jeu des informateurs. C’est le principe de l’auto-surveillance dans un groupe, où chacun peut potentiellement dénoncer son prochain. Le groupe peut être une bande d’amis étudiants, des amoureux, voire une famille… Orwell avait tout compris.
Le dernier thème est plutôt une réflexion toute personnelle du Tigre : à l’instar d’autres pays nordiques, comment comment une si petite contrée peut produire de pareils écrivains ? Larsson, Mankell, Staalesen, que des auteurs ayant un succès international (au moins en France) et réussissant à marier le noble art du polar avec des héros d’une humanité parfaitement rendue. Est-ce leurs sociétés relativement apaisées, le système politique libéral ou le climat peu avenant ? Faudra que Le Tigre se penche sur la question plus sérieusement….
…à rapprocher de :
– Les autres titres de l’écrivain islandais sont pas mal au demeurant, même si on peut avoir l’impression de tourner en rond à la longue. En vrac : La Cité des jarres, La Femme en Vert, La voix.
– Sur une histoire qui oscille entre le passé soviétique et le présent un peu glauque, il y a le frappant Purge d’Oksanen.
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