VO : לינה משותפת (des caractères hébraïques sur mon blog, joie !). Sous-titre : une enquête du commissaire Michaël Ohayon. Premier polar israélien travaillé par les bons soins du Tigre, c’est un genre particulier et plaisant. Quelques longueurs certes, mais le tout est profondément philosophique en plus d’être empreint d’une savante tragédie.
Il était une fois…
L’université de Jérusalem est en proie à un certain désarroi. Durant le même week-end, Ido Doudaï (étudiant chargé de cours) est mort asphyxié lors d’une séance de plongée, tandis que le grand poète Shaül Tirosh (adulé par Doudaï au passage) est salement assassiné (disons qu’il est méconnaissable). Le commissaire Ohayon, qui a longtemps étudié la littérature hébraïque, saura-t-il démêlé le nœud de l’intrigue et découvrir, outre le(s) meurtrier(s), les mobiles de ces actes ?
Critique de Meurtre à l’université
J’ai été agréablement surpris par ce roman policier qui m’a transporté dans un pays relativement méconnu avec des gens cultivés balançant leurs références comme des confettis. Le commissaire qui mène son enquête est également un érudit (il navigue en eaux connues si je puis dire), et à partir de deux crimes il va détricoter la vie des victimes, de leurs proches, jusqu’à une vérité qui n’arrange personne.
Ce qui est plus qu’instructif avec ce roman, c’est la manière dont Gour nous immerge dans un décor que Le Tigre ne connaissait pas : l’aspect sociétal de ce petit pays, entre les différentes mouvances politiques et son histoire labyrinthique. En outre, la société israélienne est globalement représentée, par exemple un tel qui vient d’Europe orientale, le héros du Maghreb, ou d’autres nés sur place. Le narrateur, fin observateur, permettra au lecteur d’en apprendre plus sur ce complexe endroit.
Hélas, le lecteur impatient qui s’attendait à dévorer un thriller pourra trouver le temps long, ces grosses 400 pages contiennent une proportion non négligeables de descriptions et dialogues savants. Pour ma part, si cela affirme encore plus le réalisme de l’œuvre, j’avoue avoir parfois montré quelques inquiétants signes de lassitude. Rien de bien méchant, si vous souhaitez être dépaysé n’hésitez pas à découvrir cet auteur.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
J’ai choisi de me concentrer sur deux aspects qui renvoient à la traduction anglaise du titre que je trouve plus pertinente. En effet, la version anglo-saxonne est Literary murder, plus précis qu’un simple meurtre à l’université considérant les métiers de la plupart des protagonistes. De l’université, nous verrons notamment comment une sommité dans son domaine (la poésie) parvient à être la star du campus et avoir sa jolie cohorte de fans.
L’auteur fait ainsi la part belle à la littérature, en particulier la poésie dans un univers universitaire. Quoi de plus normal, Batya Gour ayant étudié dans l’université de Jérusalem, à l’instar du héros commissaire. Ce dernier est un cas à part dans la police puisqu’il a une connaissance extensive tant en matière littéraire que philosophique (à propos de quoi ses collègues n’hésitent pas à le charrier). Du coup, certains interrogatoires menés par Ohayon prennent des tournures de discussions philosophiques autour de sujets divers (la mémoire, le bien et le mal, le meurtre). Et le commissaire arrive à tenir la dragée haute aux intellectuels, ce qui en fait un interlocuteur de qualité (tant pour les interrogés que les lecteurs).
Rien d’étonnant donc à ce que le dénouement de l’intrigue ait une forte saveur littéraire. [Attention SPOIL] C’est là que c’est marrant, parce qu’en tentant de me souvenir de ce livre la fin m’est apparue comme par magie. Il s’avère qu’une des victime s’est honteusement approprié (pire que du plagiait) des textes de poésie d’un juif tué par les nazis. Et lorsqu’un individu découvre l’énorme pot aux roses, des têtes doivent tomber. La tromperie ultime, celle qui en sus insulte la mémoire d’une victime de la Shoah, si ce n’est pas de la tragédie… [Fin SPOIL].
…à rapprocher de :
– Batya Gour est spécialiste du polar dans un environnement particulier israélien, jugez plutôt avec d’autres titres de cette écrivaine : Meurtre au kibboutz ou Meurtre au philharmonique.
– En parlant de dialogues savants au Proche-Orient, mais cette fois-ci avec l’antagonisme « juif intégriste / islamiste forcené », je vous conseille de jetez un œil au titre Les enfants d’Abraham, de Littell (le père, pas le fiston).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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