Bonne petite BD à la française à la portée éminemment sociale avec de jeunes idéalistes qui lutent dans une France qui sombre irrémédiablement dans le fascisme. Dessin classique qui ne soulève pas de montagnes, heureusement que le double scénario, finement construit, envoie du lourd. Le Tigre recommande.
Il était une fois…
Dans un futur très très proche, un terrible virus (le VRH) fait rage en France (et dans le monde). Cette maladie fait le lit des extrêmes qui s’installent progressivement au pouvoir. Du coup, le pays ressemble rapidement à une vilaine dictature où la population atteinte est parquée dans des centres. Mais la résistance s’organise, notamment un groupe autour de Pr Morin qui tente de trouver un vaccin (qui est également un virus) anti VRH. Sauf que dans une France futuriste apaisée et soignée, il est temps de rendre des comptes sur quelques exactions ayant eu lieu lors de cette période trouble….
Critique de Péché mortel
Le Tigre, une fois de trop, ne sait plus comment cette chose s’est retrouvée dans ma bibliothèque. Et pour plus de 200 pages c’est très honorable. Disons que j’ai un peu flippé au début de l’œuvre dans la mesure où je voyais ça moralisateur et un poil trop franchouillard, entendez sans réelle envergure (comme d’habitude quoi, à l’exception de L’Incal par exemple). Début moyen donc, avec une maladie qui a tout du SIDA et transforme le pays en une horreur qui a tout du fascisme.
Puis un court saut vers 2030, avec des considérations politiques qui obligent font qu’il faut absolument sortir de la mémoire d’un de ces anciens jeunes résistants le nom d’un traître. En effet, la population de cette époque est sur le point de se révolter contre les sages qui gèrent la France (une forme d’oligarchie un peu rétro) en apprenant que le fameux traitre serait l’un d’entre eux. Cet individu est quand même responsable de la mort de 25 000 habitants du ghetto de Strasbourg, rien de moins.
Et c’est à ce moment qu’enfin l’originalité pointe le bout de pif : on reprend l’histoire des années 2000 par les souvenirs d’un vieux qui est drogué et dont on utilise un subterfuge (déguiser une femme en son ancien amour) pour le mener à révéler le nom du scélérat. L’histoire devient alors plus ou moins linéaire, avec des allers-retours et parallélismes entre les deux époques subtilement gérés. Grosse cerise sur le gâteau dessiné, le dénouement (cf. le spoil de la partie suivante).
Enfin, les illustrations ne sont pas vraiment au goût du Tigre. Ligne claire, perspectives et paysages bien esquissés, couleurs OK (notamment le blanc et rouge, signe de la dictature). Hélas les expressions des protagonistes sont loin d’être parfaites, mais le lecteur s’y fera très vite. Quant à l’environnement proprement « SF », celui-ci est largement insuffisant (ce n’est pas une BD de ce genre) à part quelques belles trouvailles psychologiques.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Maladie et dictature. Le sombre tableau dressé par Béhé, faute d’être crédible à mon sens, présente comme tout bon livre d’anticipation le pire scénario que n’importe quel Cassandre pourrait imaginer. Un virus insaisissable se transmettant par voie sanguine et sexuelle, la psychose qui envahit la populace, la rude protection des autorités fascisantes, l’émergence d’une caste dirigeante qui prend des airs d’occupants nazis (la décadence ou le terrorisme d’État), et bien sûr les gentils résistants qui ne sont pas si propres que cela.
La fin m’a particulièrement plu, très loin des happy ends. [Attention SPOIL] En vue de bâtir un avenir de paix mondiale, éliminer les profiteurs de dernière minute, et surtout s’assurer qu’une seule version du vaccin ne circule dans le monde, il appert que le traître n’est rien d’autre qu’un des protagonistes principaux. La morale, s’il y en a une, est qu’on ne peut faire d’omelettes sans casser une belle pétée d’œufs : une mauvaise version du virus-vaccin prenait place dans le ghetto, le choix horrible de tous les tuer semblait alors nécessaire. Épurer convenablement le passé justifierait-il ces milliers de morts ? Apparemment, oui. [Fin SPOIL]
…à rapprocher de :
– Sur le futur proche où la maladie apporte l’autoritarisme, Tigre se risque à faire le rapport avec V pour Vendetta.d’Alan Moore.
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