Sous-titre : Les Aventures de Jérôme Moucherot, tome 5. Tant de tigres sur une couverture, comprenez que je ne pouvais laisser passer la chose. Documentaire humoristique sur Moucherot, courtier en assurances dans une jungle pas seulement urbaine, ça fourmille d’ingénieuses idées. Destiné à ceux prêts à supporter le troisième degré. Au moins.
Il était une fois…
Cette BD présente au lecteur le très puissant Jérôme Moucherot, tigre du bengale aussi à l’aise dans la dure vie moderne qu’un poiscaille dans la flotte. Jéjé, c’est le mâle dominant au sommet de la chaîne alimentaire, seul étant capable de marier férocité et fine intelligence au service d’un métier complexe (ou pas). Cet album, documentaire édifiant sur le personnage, est un manuel (il n’est pas d’autres mots) de savoir vivre sur un individu qui par son aura naturelle a fait de la jungle sa chose.
Critique du manifeste du mâle dominant
Conseillé par une vague connaissance de blogueur qui a attiré l’attention du Tigre sur cet illustré spécimen, je n’ai pas attendu longtemps avant de dévorer ces quelques pages. Et il faut avouer que ce n’est pas si mal, même si de logique ou de scénario savamment construit il n’est point. Une sorte de Pascal Brutal du quarantenaire (voire plus).
Rien que le quatrième de couv’ annonce la couleur autodérisoire : on entre dans l’univers d’un personnage qui est incarné par les attributs du tigre (bengale cette fois-ci), mais « ne venez pas vous plaindre après ». Ce qui est bon avec cet auteur, c’est la façon dont il a été capable de sortir des sentiers battus pour offrir une histoire originale et un tantinet déplacée. Car de la manière dont Moucherot a revêtu le costume du tigre à la gestion de sa famille, ça part un peu de toutes parts.
Quant aux illustrations, la couverture annonce un style plutôt eighties, dans la lignée de certaines planches tirées des Échos des savanes. François Boucq maîtrise bien son sujet, entre animaux, individus et surtout architecture, que ce soit la jungle ou l’empreinte humaine (la tanière du tigre, un bel immeuble haussmannien). Sur le vocabulaire employé, le scientisme mâtiné de belles considérations à la Achille Talon (mais en moins compliqué) passent plutôt bien et m’a fait plus d’une fois bêtement pouffer (cf. infra).
Pour conclure, un ouvrage fort sympathique autour d’un exercice de style sur un thème (le mâle dominant qu’est le félin), le tout étant plutôt réussi. Critique forcément biaisée par l’attirance que je porte à cet animal, on pourra reprocher le prix (près de 15 euros) pour pas grand chose, même si cet opus vieillira correctement.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le majestueux félin qu’est le tigre. Je suis à deux doigts d’envoyer un courrier digne d’un fan boutonneux à Boucq pour avoir aussi bien saisi la psyché de mon avatar. Certaines phrases utilisées, accompagnées de savoureuses illustrations, méritent amplement d’être reproduites :
Voilà un félin comme on n’en fait plus ! L’aristocrate des félidés, une autorité qui impose le respect à tout son écosystème.
Ce statut de mâle dominant, il le doit à une merveille d’équilibre entre une intelligence vive et une animalité féroce qu’il a su domestiquer et intérioriser…
Notre héros est monogame…c’est à dire qu’il ne peut faire ses gammes que sur un seul instrument…
La jungle urbaine. L’air de rien, l’auteur nous livre une pertinente (il faut certes voir loin) analyse de la condition de l’homme moderne dans notre époque. Rapports de force omniprésents (la scène avec le gorille dans le bar réveillera un écho chez chaque lecteur) ; socialiser tant avec ses collègues de bureau qu’avec des individus rarement croisés (l’échangisme inuit particulièrement) ; la femelle du tigre qui s’en sort honorablement lorsqu’elle fait les courses dans un supermarché junglesque ; tentations sexuelles de partout (le tigre est plus que fidèle malgré les appels d’autre animaux en pâmoison), bref ce n’est pas évident pour notre homme heureux en ménage.
Enfin, sur le logement de notre héros, j’y ai cru déceler un léger clin d’oeil non pas à Léonard de Vinci ou à différentes époques (chaque étage correspondant à une strate temporelle), mais aux Monades urbaines d’un Robert Silverberg : plus le pater familias est évolué et digne, plus l’étage où il se trouve est élevé. Naturellement, notre second tigre préféré (le premier étant sur ce blog) est à l’avant-dernier, juste au-dessous Léo Da Vinci qui de temps à autre vient régler quelques soucis.
…à rapprocher de :
– Ce mâle dominant plaît particulièrement au Tigre, qui vous propose d’expliquer pourquoi ce blog est axé autour du noble bestiau.
– Dans ce genre de délires savamment décrits, il y a la Rubrique-à-brac de Gotlib, autant d’émus souvenirs du jeune Tigre.
Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce court titre sur Amazon ici.
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