VO : Jokers and madmen. Gotham Central #11-22. Comment gère le commissariat gothamais les super-vilains et les mafias quand le Chevalier Noir ne traîne pas ses guêtres dans la place ? Rien ne change, si ce n’est que le fantastique laisse la place au polar avec des scénarios réalistes et prenants. Encore du beau travail, rien à redire dans l’ensemble.
Il était une fois…
Le Joker qui terrorise la populace pendant la période des réjouissances de Noël, deux décès suspects au sein d’une même entreprise de chimie, le chapelier fou qui mérite bien son nom et fait ressortir une vieille affaire, etc. Voui…le GCPD a suffisamment de taf comme s’il en pleuvait, sans l’aide de Batman qui pour certains n’est pas en odeur de sainteté.
Critique du deuxième tome de Gotham Central
C’est reparti pour quelques histoires savoureuses dans un Gotham où seuls les policiers comptent, avec un Batman en guise de discret figurant. Après Freeze et Double-Face, voici venir l’ennemi classique et polymorphe du bon Batounet, suivi du chapelier fou – fort flippant dans son genre.
Et ce tome commence plutôt bien les amis, car il est question de l’employée de la mairie qui, seule, a le droit d’activer le bat-signal. Et oui, ce n’est pas un policier qui le fera dans la mesure où l’institution poulardière ne reconnaît pas l’existence de Batou. Le récit prend la forme d’une lettre que la jeune femme, qui fantasme furieusement sur le héros, adresse à une amie. A défaut de la double-page habituelle présentant les protagonistes, ce chapitre remplit son office en les introduisant de manière originale.
Dans la deuxième histoire, gaiement annoncé par la couverture, il s’agit carrément de ce bon Joker. Un tireur fou flingue des personnalités un peu au hasard, ce qui a pour résultat d’entretenir comme une épidémie de chiasse généralisée dans la ville – le tireur solitaire, figure très populaire aux États-Unis. Après une courte intervention de l’homme chauve-souris, les flics détricotent les plans d’un Joker que, personnellement, j’ai trouvé bien moins délirant et imprévisible que j’espérais. Il s’ensuit un excellent intermède, en l’espèce une sobre enquête (qui respecte les canons du genre) autour de deux meurtres dans une même entreprise. Qui, comment, pourquoi ? – la mafia y fait un petit retour en force.
La troisième histoire, Irrésolu, démarre sur les chapeaux de roue (chapeau, chapelier, vous avez saisi l’astuce ?) avec une prise d’otages par un individu qui demande spécifiquement à parler à l’inspecteur Marcus Driver. Tout remonte ensuite vers une ancienne tuerie que l’inspecteur Harvey Bullock (dégagé de la police depuis) a encore au travers de la gorge. Le Chapelier fou dont le couvre-chef contrôle les gens, Pingouin, une bande de geeks revanchards, qui est donc responsable de tout ce joyeux bordel ? La solution est surprenante, voire sacrément capillotractée à mes yeux.
Concernant les illustrations, rien à dire sur le taf effectué par Michael Lark et ses successeurs – j’ai cru noter que Lark a vite laissé la main à d’autres. L’homogénéité est parfaite au fil des chapitres et les tons (les couleurs sont souvent révélatrices) participent à rendre l’atmosphère oppressante et franchement noire. Quant aux nombreux détails qui fourmillent autour des personnages (dont les traits, peu fins, n’en restent pas moins réalistes), c’est du pur bonheur – même si de grands plans d’ensemble ou de belles vues plus « épiques » auraient été bienvenues.
Bref, un deuxième cycle qui s’en sort plus qu’honorablement, justifiant jusqu’ici le lourd investissement dont Le Tigre a fait montre. Je me dis que si Joker et Jarvis (le Chapelier) sont moins dérangés que d’habitude, c’est pour mieux éloigner le Chevalier Noir qui brille par sa discrétion.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La série complète s’inspire grandement de l’art du « roman noir », notamment les problématiques (fric, meurtres bizarres, désespoir) qui touchent les policiers – de Del Arrazio à Marcus D., en passant par Dag ou la sempiternelle Montoya. Il fait souvent sombre, pas mal de gus font preuve de double-jeu et les destins sont plus souvent brisés qu’autre chose. Attention, il ne s’agit pas pour autant de hard boiled à la Dashiell Hammett avec des héros bourrus et aux comportements bruts. En effet, les auteurs n’ont pas versé dans l’excès et ont su maintenir un semblant de réalisme dans la vie quotidienne des policiers. Et ces derniers sont des êtres humains qui se balancent des vannes, ont leurs doutes et espoirs, voire des déceptions amoureuses qui sapent leur travail.
Quelques éléments permettent de se faire une idée sur le pourquoi du comment les antagonistes restent vivants malgré les horreurs commises – qui mériteraient cent fois la pendaison selon certains policiers gothamais. La raison est la folie de ces personnages, état d’irresponsabilité qui leur assure un séjour à Arkham plutôt qu’à la morgue. Or, les forces de l’ordre, à l’instar de Batman (pourtant hors-la-loi), ne seraient plus rien si elles se mettaient à supprimer les ennemis de sang froid. Du Joker à la petite vieille manipulée (par erreur) par sa fille paniquée en passant par des policiers prêts à franchir la ligne rouge (cf. le dernier chapitre), la ville semble avoir besoin de ces individus contribuant à la rendre si unique.
…à rapprocher de :
– Le premier tome est en lien. Bon petit début. Nul besoin de lire tout ceci dans l’ordre, des rappels sont effectués pour les gros distraits. Troisième tome ici sinon.
– Cette saga arc narratif se situe après les évènements qui foutu le bordel dans la ville, partie qui est contée dans No Man’s Land (tome 1 sur le blog, tome 2 également).
– A tout hasard, au milieu de la BD le Joker fait exprès de se faire pécho par les schmitts pour se retrouver au commissariat – et voir les bleus se creuser la tête devant lui. Si ça vous rappelle un certain film, dites-vous que le scénariste a alors sûrement pompé dans Gotham Central.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.
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