Cinquième tome du très félin détective privé Blacksad, Le Tigre a été profondément déçu. Excessivement alambiqué et peu crédible, toutefois ne crachons donc point dans la soupe : pour une fois, l’histoire fait la part belle à la littérature et aux écrivains de la génération beat. Un ouvrage qui reste de qualité, hélas c’est presque le pire de la série.
Il était une fois…
Le chien-reporter, Weekly, laisse Blacksad à la Nouvelle-Orléans. Ce dernier veut y trouver du taf, et par plusieurs hasards il croise la route de Chad Lowell et Abe Greenberg, deux écrivains beatniks à qui il manque plus ou moins une case. Ceux-ci lui ont tapé la voiture que le héros s’était engagé à déposer dans un endroit précis, hélas quand un des écrivains tue son comparse, l’histoire se complique passablement.
Critique du Blacksad : Amarillo
Blacksad, c’est un chat. Forcément que j’accueille chaque nouvel épisode de Dias C. et Juanjo G. avec une certaine avidité…. Autant vous le dire de go, c’est plutôt mauvais. Le seul point positif est l’arrivée de nouveaux protagonistes (on fait la connaissance de la soeur du perso principal !) et l’impression que Weekly occupe une place de plus en plus importante.
Sur le scénar’, le lecteur suivra deux groupes dans des péripéties un poil too much. D’un côté, Blacksad part à la poursuite de deux voleurs et fait des rencontres assez cocasses, comme un avocat plus ou moins véreux (beau parleur, presque une caricature) ou des bikers sympas (rien à voir avec l’expérience d’Hunter S. Thompson, c’est louche). De l’autre côté, les deux écrivaillons, poètes à leurs heures, foutent leur daroi jusqu’à ce que Chad commette l’irréparable. Il s’ensuit une fuite en avant, du fin fond du Texas jusqu’à Chicago, en passant par un cirque (pas bien saisi l’utilité de cette péripétie).
Niveau dessin, si vous pouvez vous reporter aux critiques d’autres titres de la série, faut savoir que ce n’est aussi bien léché que d’habitude : quelques belle planches certes (et des personnages/animaux bien trouvés), néanmoins le tout fait brouillon par rapport à ce que Guarnido produit comme travail. Les détails sont moins finauds, les raccourcis plus nombreux (exemple des courses-poursuites) et l’environnement moins bien rendu. Comme si les auteurs étaient pris à la gorge par les délais à tenir.
Au final, on peut applaudir les auteurs à changer totalement de monde (cf. infra) et créer une histoire complète mais peu crédible (le hasard fait trop bien les choses dans Amarillo). Eu égard les précédents tomes publiés, Le Tigre ferme sa gueule, cependant j’espère que le prochain se rattrapera.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce tome est un intense hommage à ce qu’on appelle la « beat generation », à savoir un genre littéraire américain survolté et alcoolisé des années 50. Des écrivains qui noircissent autant des pages que leurs casiers judiciaires, et ce pour le plus grand plaisir de leurs lecteurs, ça change de Beigbeder. D’ailleurs les noms des protagonistes ne sont pas difficiles à saisir : Abe Greenberg, ce n’est rien d’autre qu’Allen Ginsberg. Quant à Chad, nom de famille renvoie à Lowell, une ville américaine qui a vu naître Jack Kerouac. Rien que ça.
Comme je le disais, à partir de l’affrontement entre les deux auteurs, un mort est à déplorer. Les flics environnants et ceux qui en veulent particulièrement à Blacksad pensent que ce dernier est responsable. Le héros se jette donc à la poursuite de Chad dans sa Cadillac Eldorado pour une aventure qui a tout du road movie. Et c’est à ce moment que les canons de ce genre artistique (les grandes étendues désertiques, les rencontres d’individus uniques, l’impression grisante de liberté) sont égrenés par les auteurs. Le road movie et la beat generation, en fait Amarillo est un gros clin d’oeil à Kérouac et son Sur la route (manque plus que la dope). Enfin je l’ai vu ainsi.
…à rapprocher de :
– Commencer par le premier tome paraît bienvenu pour savoir de qui on parle (Quelque part entre les ombres), le second est plus que correct (Artic-Nation), le troisième se défend même si l’ai moins aimé (Âme rouge), le quatrième est une pépite (L’Enfer, le silence).
– Sur la Beat generation, j’ai vaguement entendu parler de Kerouac ou Ginsberg. En revanche, le père Burroughs, je l’ai bien bossé. A part Le festin nu, Tigre a particulièrement aimé Junky.
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