Sous-titre : D’après La garçonne et l’assassin de Fabrine Virgili & Danièle Voldman. L’histoire de Louise et de Paul, déserteur pendant la Grande Guerre et qui choisi le travestissement pour éviter la cour martiale, est pour le moins surprenante. Guerre, amour, mélange des genres, tout est abordé avec une certaine finesse. Et le trait est adapté. Que demande le peuple ?
Il était une fois…
Juste avant la guerre, Paul rencontre Louise et la pécho dans lors d’une mémorable soirée. A peine marié, l’époux part sur le front affronter les troupes allemandes. Après une expérience particulièrement traumatisante, Paulo se casse. Rester seul caché dans un appart’ ne lui sied guère, il sent qu’il va perdre la boule. Aussi l’idée vient au couple de déguiser le monsieur en femme : épilation laser, apprentissage des codes, notre héros mâle est fin prêt. Vraiment ?
Critique de Mauvais Genre
C’est marrant, je me suis (encore) fait avoir : en regardant l’image de couv’, je me suis dit : « chouette alors, encore un truc de lesbiennes ! Ça va être sexe à souhait… ». Mais l’illustrateur, en esquissant le derrière de la personne de dos, a fait preuve de loyauté vis-à-vis du lecteur : il s’agit d’un homme.
Cet homme devient alors Suzanne et grâce à son épouse travaille dans une usine de de dentelles. La guerre se terminant, le héros est toujours recherché (l’amnistie se générale faisant attendre) et devra attendre de nombreuses années avant de se montrer aux autorités. D’ici là, le couple entretient des liens ambigus, avec de nombreuses disputes sous l’emprise d’alcool. Le début de l’œuvre, qui se passe dans un tribunal, fait entrevoir une fin tragique qui ne manque pas de sel.
Si l’intrigue est séduisante car tirée d’un essai qui rapporte des faits réels, Le Tigre a regretté quelques planches à la limite de l’incompréhensible, comme si le scénario passait du coq à l’âne – d’où la note négative. Peut-être les années folles, agrémentées de consommation excessive de certains produits, avaient besoin de quelques entorses à la linéarité de l’histoire. Heureusement que les illustrations ne font pas mal aux yeux : sorte de teintes pastel dont les cases ne sont pas clairement délimitées, comme si on les frontières n’étaient pas bien définies (cf. thèmes).
Que ce soient des vues d’ensemble de qualité ou un sens du détail, tout est fait pour donner une facilité de lecture déconcertante (faut dire que la présence de textes est discrète). Tout ça pour dire que cette BD m’a fait l’effet d’un exercice scolaire certes réussi, néanmoins ce n’est pas le style d’ouvrages que je lis par défaut. Je devrais pourtant.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Fermement décidé à se faire passer pour une gonzesse, Paul va apprendre les subtilités de la féminité et de la manière de se comporter. Ce n’est peut-être pas pour rien que le rouge est la seule touche de couleur dans l’œuvre. Comment marcher, toucher les objets (comme si ceux ci étaient éminemment fragiles), parler sans se faire griller,…je me suis demandé si ce n’était pas le contraire du féminisme, se livrer ainsi à un travail de mimétisme assez caricatural. Pour l’époque, sûrement pas – peut-être.
Au-delà la démonstration de la place occupée par les femmes pendant la guerre (l’économie a su tourner sans les hommes), Le Tigre a vu dans Mauvais Genre une ode à la liberté totale, que ce soit dans le choix (lâche pour certains) de se transformer ou vivre une vie de couple forcément différente. Hélas, nos protagonistes ont du mal à s’accommoder à cette configuration inédite, et Paul ne semble pas gérer les possibilités d’être une femme. Cela commence par jouer un peu trop sur sa féminité (quel homme ne le ferait pas ?), puis on fait vite n’importe nawak dans le bois de Boulogne…
Le félin vous prévient, du coup, que cette BD est destinée aux adultes. Y’a quelques dessins de zizis ou de scènes de violences conjugales à ne pas mettre entre toutes les mains.
…à rapprocher de :
– Sur l’envie pressante, au début de Mauvais Genre, de se barrer du théâtre d’opérations de la WWI, il y a le bon Tardi et son incontournable C’était la guerre des tranchées.
Plus trop d’idées pour l’instant, mais ça viendra bien un jour.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via un site de vente en ligne ici.
Ping : Lambil & Cauvin – Des Bleus et des dentelles | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jacques Tardi – C’était la guerre des tranchées | Quand Le Tigre Lit
Ça donne moyennement envie de le lire.
En parlant de genre, je cherche à me débarasser d’un livre de Judith Butler et de « King Kong Théorie » de Despentes. Si ça vous intéresse, vous pouvez m’envoyer un mail 🙂
L’essai dont c’est tiré doit être plus sympa à lire. Sinon, c’est gentil Lou, mais Juju et KKT squatent déjà ma librairie. Faites le traîner sur le chemin d’une prochaine manifestation anti-président, ça devrait les exciter un peu plus.