VO : Wir Kinder vom Bahnhof Zoo. Classique de la littérature germanique, le sujet est extrêmement dur. Le titre annonce clairement le sujet. L’héroïne principale (excusez le jeu de mot) a un parcours digne des pires romans de Zola : relations difficiles avec sa mère, emménagement dans une sombre cité, nombreuses soirées et drogues, prostitution, rien n’est épargné.
Il était une fois…
Années 70, deux journalistes rencontrent à la sortie d’un tribunal Christiane, qui progressivement leur livre son histoire. Jusqu’à en faire un roman. Vivant dans une cité à Berlin, Christiane bascule progressivement vers le monde de la drogue, puis la prostitution pour payer ses doses. Toujours plus, plus fort, plus glauque, ses proches vont-ils rester impuissants face à la situation de la jeune fille ?
Critique de Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…
Attention, ça secoue et ça dégouline de loose comme roman. Cité Gropius dans Berlin Ouest, une fille perdue qui traîne avec les mauvaises personnes et met le doigt (et le reste de son corps) dans un terrible engrenage. On est mal à l’aise en lisant ces pages, regardant une adolescente se détruire si facilement et rapidement.
Haschich, alcool, pilules, héro, prostitution,… La descente aux enfers est superbement racontée, et est d’autant pire à suivre que l’histoire est ce qu’il y a de plus vrai. Quant à l’individu sujet du titre, depuis la parution du roman elle n’est pas à la fête. Chaque page Christiane repousse les limites de l’acceptable, tout ça avant ses 14 ans.
Le style est simple, ça se lit plutôt vite malgré une police d’écriture, dans l’édition Folio, assez rebutante. Chapitres pas trop longs, à acheter les yeux fermés. Mais à ne pas offrir à son enfant, disons qu’avant 20 ans nul besoin de se taper une telle lecture anxiogène.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La drogue. Ce livre devait être à l’époque un parfait lexique des drogues présentes en Europe occidentale avec leurs effets. Alcool, cannabis, LSD, crack, héroïne, Christiane les essaie, passe d’une à l’autre jusqu’à l’addiction finale à l’héroïne et ses nombreux substituts. Les états d’excitation ou de manque sont bien sûr décrits avec un réalisme fou, Le Tigre se souvient encore du passage (page 138 si j’ai bonne mémoire) où Christiane subit le syndrome de « cold turkey », signe qu’elle est bel et bien accroc.
Corolaire de cette addiction fort coûteuse, Christiane se livre à la prostitution. Parce qu’un de ses amis paye ses doses de la sorte, l’adolescente l’aide un peu, puis s’y met plus franchement. Argent rapidement gagné, très vite la cadence doit être augmentée. Christiane se pose certes des limites, avec ses amis, mais les repousse et en invente de nouvelles : que des clients Allemands, proscription de certaines pratiques, lieux à ne pas fréquenter,… Descente aux enfers terrifiante et apparemment si aisée sans que ni sa famille ni l’État puissent faire quelque chose.
Enfin, ce roman est également une diatribe bien argumentée contre les cités telles qu’imaginées autour de Berlin. Blocs de béton omettant tout espace vert, gros bâtiments puant la pisse (eh oui, à cause du temps de prendre l’ascenseur où un petit malin aura eu la gentillesse d’appuyer sur tous les boutons), l’inhumanité de ces endroits est renforcée par la narratrice habitant avant à la campagne. L’envie de dépaysement est forte, et peut pour certains passer par les paradis artificiels.
…à rapprocher de :
– La déchéance totale due à la drogue se retrouve dans les romans de Donald Goines, toxicomane, notamment dans L’accroc. Ou alors chez Burroughs avec Junky.
– Yakuza moon de Shoko Tendo, Tigre ayant lu la version manga par Wilson et Morikawa. Autre histoire tragique d’une fille d’un boss déchu, avec du sexe sordide et tout plein de drogues.
– Le film tiré du livre, que Le Tigre n’a pas vu, tourné dans les années 80.
– Une suite est prévue : Moi, Christiane F., la vie malgré tout. Apparemment elle est toujours vivante.
– L’accroc, de Donald Goines. Glaçant.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez ici trouver ce roman en ligne ici.
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Ping : Louis Lewin – Phantastica : Une encyclopédie des drogues | Quand Le Tigre Lit
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Sur ton félin conseil, je viens de le terminer. C’est violent.
Le plus ahurissant pour moi est la vitesse a laquelle tout se passe. Christiane passe de petite fille modèle a 11ans a jeune délinquante a 12, droguée a 13, tapineuse a 14. Rien pour freiner la chute, aucun garde-fou pour la rattraper, ni même empêcher ses multiples rechutes. Le doigt dans l’engrenage et comme tu dis, les limites personnelles sautent l’une après l’autre. Les descriptions sont saisissantes mais ce qui est le plus effrayant c’est plutôt tout ce qui n’est pas dit, tout ce qui est directement banalise comme ses actes de prostitution. Comme si elle n’avait pas ou a peine été atteinte et que c’était accessoire et sans importance face a la priorité de la dope.
Le pire étant que si ça avait été une œuvre de fiction, j’aurais volontiers soulevé des incohérences. Comme la mère assez absente, le fait de dire « ah non moi je suce pas les Turcs » et le faire deux semaines après, la quasi absence des flics, etc. Glaçant.
Content de voir que vous avez apprécié (comme d’autres).
Le truc c’est que je ne me vois pas juger de la vraisemblance du monde des cames alors que je n’y connais rien, encore moins de ce qui se passait dans les annees 70 a Berlin.
Cela dit, je peux comprendre qu’il n’y ai aucun service, aucune force de police pour lutter contre les ravages de la drogue chez des fillettes qui partousent et se piquent 3 fois par jour a l’age ou je jouais a Zelda sur ma Gameboy.
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Sur le même thème, Junk de Melvin Burgess était aussi assez saisissant…