VO : Lullaby. Palahniuk ne cesse d’étonner Le Tigre, et Berceuse est encore un titre déjanté et horrifiant qui laissera tout lecteur normalement constitué sur le cul. La fameuse berceuse provoque le décès de ceux à qui elle est contée, et à partir de cette malédiction (et d’autres presque pires) l’auteur nous invite dans un réjouissant road movie.
Il était une fois…
Carl Streator est journaliste et mène une enquête sur le phénomène de la mort subite du nourrisson. Au cours de ses recherches, il fait la connaissance de John Nash (un ambulancier nécrophile) et Helen (agente immobilière au style particulier) et se rend compte que les parents des victimes ont tous lu à leur enfant une certaine berceuse tirée d’un livre de poèmes dont il reste deux cents exemplaires dans les États-Unis. Or Carl a une raison particulière de s’intéresser à cette berceuse…
Critique de Berceuse
J’ai encore passé un délicieux moment littéraire en compagnie du chantre de l’anticipation sociale. Le fantastique a ici toute sa place, certains passages sont proprement hilarants et une pointe de suspense reste relativement bien dosée. Notamment la fin, qui offre un retournement comme seul Chuck sait les concocter pour nous.
La vraie héroïne de cette œuvre est la mystérieuse berceuse tirée d’un bouquin (Le Livre des Ombres, oooohhh) qui en comporte d’autres du même acabit. L’autre héros, Carl, a une terrible motivation (qu’on apprendra plus tard) pour récupérer ce livre. Il sera aidé (sont-ce vraiment des alliés ?) de plusieurs individus un peu barjes dont certains ont su, à leurs façons composer avec le pouvoir de ces textes.
Ce qui est bon avec Chuck, c’est la galerie de protagonistes totalement déjantés rencontrés : un écolo radical qui s’amuse à faire réciter à une vache des textes sacrés en plein abattoir, une tueuse à gages exclusivement payée en diamants, une douce dingue aux croyances néo wicca particulières, chacun en tient une sévère couche. Et les situations qui en découlent seront tour à tour terrifiantes (prendre le contrôle d’une personne pour lui faire faire n’importe quoi laisse froid dans le dos) ou drôlissimes (par exemple, la manière d’attirer des clients dans le but d’enclencher des class actions).
En plus d’exacerber les traits de ces individus qui ne sont pas si éloignés de l’Américain moyen, l’écrivain utilise toujours un style qui produit son petit effet : quelques flashbacks entretenant l’intérêt du livre ; phrases sèches et parfois choquantes car lapidaire ; chapitres courts, bref pourquoi changer une formule même si un seul narrateur prend la parole ?
En conclusion, du Chuck Palahniuk pur jus qui réjouira les connaisseurs. Toutefois l’écrivain fait plus alambiqué que d’habitude (voire moins percutant) et le lecteur n’ayant jamais abordé cet auteur devra commencer par autre chose (cf. dernière partie, avec les titres par ordre de préférence).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La mort à portée de paroles. A partir d’une idée relativement simple, notre auteur parvient à broder une intrigue prenante où les rebondissements restent satisfaisants. Notamment ce qu’on apprend sur le héros, hélas si vous voulez poursuivre cela est un SPOIL : bien plus tard, on apprend pourquoi Carl cherche à savoir d’où vient ce texte. Il l’a récité à sa femme un soir, s’est endormi, lui a fait l’amour au réveil (d’ailleurs cela n’a jamais été aussi bon avec elle). Sauf qu’elle était morte depuis des heures, je vous laisse vous représenter le type d’accusations des flics après ça. [Fin SPOIL]
Le noble sujet du road movie est (une fois de plus, cf. Monstres invisibles) revisité par Chuck dans cette œuvre. Carl et ses acolytes peu reluisants prennent la route afin de récupérer les exemplaires du recueil de poèmes. Et chaque étape apporte évidemment son lot de surprises. En sus, lors de la conduite d’un lieu à un autre, chacun mène ses menues activités, que ce soit déblatérer à tout-va ou passer ses appels « professionnels » – par exemple la nana qui laisse des annonces un peu partout dans le pays afin d’intenter des actions de groupe plus ou moins légitimes. Du grand n’importe quoi certes, mais c’est si constamment malsain et corrosif…
...à rapprocher de :
– L’auteur est avant tout connu pour Fight Club (que je me dois de résumer) et sa suite sous forme de BD (en lien) avec Cameron Steward.
– De Chuck P., Le Tigre a (presque) tout lu : A l’estomac, Monstres invisibles, Survivant, Peste, Choke. Je ne mets pas tout.
– Il y a même un essai pour rencontrer l’Amérique profonde : Le festival de la couille. Non, non, c’est le vrai titre.
– La berceuse qui tue celui à qui elle est adressée me rappelle le sketch des Monty Python sur la blague qui tue.
Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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