VO : Diary. Pas mal, sans plus. Pour le lecteur qui veut découvrir Chuck Palahniuk, Journal intime sera certes original, toutefois les péripéties « énaurmes » et le dénouement résolument tiré par les cheveux rendent mal compte du génie de l’auteur. Quand l’art rencontre la folie, ça peut devenir vite dégueulasse.
Il était une fois…
Misty, artiste avortée un peu ronde, travaille comme femme à tout faire dans l’unique hôtel de l’ile sur laquelle elle vit avec sa fille et sa belle doche. Son mari, Peter, est dans le coma à la suite d’une tentative de suicide. Or, avant cette tentative, le mari (architecte d’intérieur) a laissé une forme originale de testament : dans toutes les maisons dans lesquelles il a récemment travaillé, il a muré une pièce dans laquelle il a foutu le bordel et inscrit sur les murs des phrases mystérieuses ou insultantes. Accompagnée du bel Angel, Misty se rend dans chacune de ses maisons constater les dégâts, et peut-être en savoir plus sur ses réelles origines et sa famille…
Critique de Journal intime
Cette œuvre occupe une place particulière dans l’esprit du Tigre, en effet je l’ai d’abord lue en anglais et quelques aspects de l’intrigue étaient passés loin de mon cerveau. C’est pourquoi je l’ai rapidement relu dans la langue de Molière, et cela a confirmé que c’est loin d’être le meilleur bouquin de Palahniuk.
Le roman est rédigé sous la forme du fameux journal intime qui est en fait la réponse de Misty aux « interventions » de Peter dans les maisons dans le cas où ce dernier venait à se réveiller. Et ce n’est pas rose : elle y décrit sa vie, leur rencontre, l’abandon de ses prétentions artistiques pour suivre son mari, les encouragements de sa belle mère pour qu’elle se remette à peindre, l’évolution de leur vie ou plutôt comment tout est rapidement parti en sucette.
Comme souvent avec l’auteur américain, on sent que certains éléments nous échappent, quelques secrets enfouis distillés au compte goutte. En réalité, certains protagonistes sont autant dans le flou que nous. Et comme le lecteur sera plus alerte que l’héroïne, hélas le fin mot de l’histoire sera aisément deviné avant que Chuck P. en parle. Et ce dès le décès de la fille de Misty, on sent qu’il y a une grasse anguille sous roche. En rajoutant des péripéties superfétatoires (l’histoire du père m’a paru de trop), le dernier tiers ne sera pas à la hauteur du début. Dommage.
Au final, voilà un titre qui est le contraire d’un diesel : ça part sur les chapeaux de roue, le style est marrant comme tout pour qui ne connaît pas l’anticipation sociale, puis pschitttt y’a comme une petite déception vers la moitié. Heureusement que l’écrivain s’est attaché à ne pas trop déborder de 350 pages, plus aurait été malvenu.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La créativité artistique. Enfermée par sa belle mère, l’héroïne se remet à peindre compulsivement, comme si sa vie (ou celle de ses proches plutôt) en dépendait. Elle ne s’alimente plus et semble tenir la cadence délirante grâce à de mystérieuses pilules qui lui donnent de très corrects coups de fouet. Presque l’image d’Épinal de l’artiste doux-dingue rachitique qui se tue à la tâche. Bien sûr avec Chuck c’est plus complexe que prévu. Le résultat final sera autant sublime que dérangeant. Pour les connaisseurs, ça rappelle bien A l’estomac, du même auteur, où la création littéraire est un processus associé à la souffrance souvent auto infligée par l’écrivain.
[Attention thème légèrement SPOIL] Chuck m’a un peu perdu sur la fin, ce qui est dommage puisque le dénouement fait appel à des considérations « esotéro-financières ». Misty est très mal tombée, car une légende veut qu’un mâle de l’île épouse toutes les trois générations une femme (de souche non locale) capable de rendre l’ile richissime pour les temps à venir. A cause de cette coutume, les habitants vivant en vase clos vont imaginer le pire en vue de déclencher la créativité du protagoniste principal. Et si un individu n’est pas d’accord avec ce processus, on le supprime. [Fin SPOIL].
…à rapprocher de :
– L’auteur est avant tout connu pour Fight Club (que je me dois de résumer) et sa suite sous forme de BD (en lien) avec Cameron Steward.
– De Chuck Palahniuk, vous préférez A l’estomac (puisque j’en parlais), Choke, Berceuse ou encore Peste (narration originale également). Y’en a beaucoup sur ce blog, faites-vous plaisir.
– Sur la créativité exacerbée et forcée, on pourra relire, avec le sourire aux lèvres, Torturez l’artiste !, de Goebel.
Enfin, si votre librairies est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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