Palahniuk est un grand malade, et pour notre plus grand plaisir. Mais quelle imagination ! Après la chute d’une secte néo esclavagiste un homme est pris en main par les autorités pour réapprendre à vivre. Bien sûr tout va se compliquer. Humour dérangeant, situations improbables, narration originale, encore une petite perle.
Il était une fois…
Tender Branson est un survivant. Seul à bord d’un avion qui est sur le point de se crasher, Tender va nous livrer son histoire. Membre d’une secte (les Creedish) qui regroupait plusieurs milliers d’adeptes, les enfants étaient envoyés dans de riches familles et effectuaient des tâches dignes d’un esclave. Lorsque ladite organisation a décidé de commettre un suicide collectif, les survivants ont été placés dans un programme fédéral de protection. Hélas ces derniers se font un par un zigouiller, et notre héros vite médiatisé craint pour sa vie. Que va-t-il advenir ?
Critique de Survivant
Rien à dire, on en a pour notre argent. Un superbe ouvrage, avec des des passages à l’humour aussi corrosif. Le scénario est à la base simple, toutefois celui-ci va s’étoffer progressivement. Du héros qu’on protège et raconte son ancienne vie d’esclave dans une riche famille de NYC, il deviendra une star à mesure que ses camarades meurent les uns après les autres. En plus de rechercher le meurtrier, Tender rencontre une jeune femme aux dons très spéciaux avec qui le road movie pourra démarrer.
Survivant, car le roman est en fait le témoignage d’un survivant (avec les nombreux flashbacks éprouvés par l’auteur américain) depuis un avion détourné. Là où le lecteur sera perplexe, c’est devant la numérotation des pages et chapitres en sens inverse. 43 chapitres, moins de 400 pages, ça se lit vite et on commencera par la dernière page avant le compte à rebours final. Avec la surprise du chef à ce moment (je n’en dirai pas plus).
Les péripéties sont nombreuses, surtout grâce au mystérieux tueur. En outre, Chuck nous plonge dans deux univers : celui des hommes à tout faire (cf. infra) ; et au cœur de la gestion d’une crise par les autorités. Lorsque par exemple les psys du FBI se suicident face à ceux dont ils sont censés empêcher de le faire, ou que le système médiatique s’emballe autour des survivants, le lecteur oscillera entre sourires et profond dégout.
Le Tigre n’est point du tout objectif concernant Chuck, on peut être transporté comme rapidement mis sur le banc avec ce type de narration complexe et haute en couleur. C’est acide, du vitriol qu’on mélangerait à de la nitro avec un soupçon de drogues hallucinogènes. Survivant, c’est un voyage.
Petite indication finale. A l’époque où j’avais dévoré ce roman, un film était prévu fin 2009. Sauf qu’un avion détourné, qui allait se crasher, pas terrible comme approche dans l’Amérique post 11 septembre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’esclavage moderne. Les Creedish (mélange d’Amish et de greedy, à savoir avare) représentent ce que l’Amérique ultra-mondialisée peut faire de pire. On « sur-éduque » les gamins, et hop ce sont des individus à tout faire au service de parvenus mal débouchés. Système efficace (l’argent est reversé à la secte) mais dont le principe même annonce un dénouement forcément catastrophique : ici, le suicide groupé, qui renverrait au suicide à terme de la civilisation capitaliste ?
L’auteur, à son habitude, nous régale ainsi de mille et une techniques apprises par le le protagoniste principal : comment essuyer le sperme sur le cuire de la limo ; préparer certains plats de qualité, avec les vins adéquats ; nettoyer une chemise à tout moment,…Un vrai guide de survie en milieu urbain.
Prescience et conscience. Avouez que c’est joli ce titre. Prescience, c’est le fameux don de la copine de Tender. Du coup les deux tourtereaux sont toujours aux premières loges de petites catastrophes et évènements insolites. Ce don m’a fait hurler de rire lorsque le héros déjà starisé, en plein Super Ball, se livre à un spoil d’une violence extrême. Conscience car celle de Tender n’est pas nette, notamment un terrible secret qu’il cache à la jeune femme. Assez glauque d’ailleurs.
…à rapprocher de :
– L’auteur est avant tout connu pour Fight Club (que je me dois de résumer) et sa suite sous forme de BD (en lien) avec Cameron Steward.
Vous vous en doutez, le félin a pas mal bourlingué autour de Chuck Palahniuk. Florilèges (dans le désordre le plus complet) :
A l’estomac (grandiose) ; Choke (loin d’être le meilleur) ; Fight Club (faudrait que je le résume au fait) ; Berceuse (original en diable) ; Damned (très décevant) ; Snuff (marrant mais sans plus) ; Monstres invisibles (bluffant) ; Tell All (pas pu le finir) ; Peste (à lire absolument) ; Pygmy (bof, sauf en VO) ; Journal intime (imbitable) ; Le festival de la couille et autres histoires (du pur journalisme), etc.
– A tout hasard, un court roman fait également dans le compte à rebours (mais seulement sur les chapitres) : Palissade, de Frank Villemaud – ça se laisse lire et la fin vaut son pesant de cacahouètes.
Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Franck Villemaud – Palissade | Quand Le Tigre Lit
Ping : Palahniuk & Steward – Fight Club 2 | Quand Le Tigre Lit
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